Antigone ma sœur du Collectif La Palmera
— Par Selim Lander —
Lorsque nous avions vu cette pièce, encore en construction, en 2020, elle ne nous avait qu’à demi convaincu. Un spectacle tonitruant pour les amateurs d’opéra rock, telle fut, pour autant que l’on s’en souvienne, notre réaction. Notre mémoire n’est pas infaillible, loin de là, mais de revoir la pièce aujourd’hui laisse une toute autre impression. Alors que les « numéros » d’antan paraissaient souvent gratuits avec beaucoup de bruit et de gesticulations inutiles (i.e. réservés à un certain public que l’on peut qualifier de « djeun’s » !), le spectacle présenté aujourd’hui, sans rien perdre de son côté rock, s’est enrichi comme si le mythe avait enfin instillé la pièce et ses interprètes. Les récits qui rappellent les principaux épisodes de cette tragique histoire (nous sommes en effet aux origines de la tragédie) dans laquelle les personnages, loin d’être des héros, sont les instruments malheureux d’un destin implacable, sont parfaitement résumés et clairement racontés.
Les dialogues sont soit des divertissements agréablement comiques, soit des moments clés du mythe rapporté par Sophocle dans Œdipe Roi et dans Antigone. Le coryphée a conservé son costume d’il y a deux ans, robe longue de dentelle et ombrelle, tandis que les autres personnages, de noir vêtus, font dans la sobriété, les perruques bleues d’antan paraissant à tort ou à raison moins agressives. Seul la tenue du musicien qui endosse un moment le rôle de Jocaste (pour mémoire la mère et épouse d’Œdipe avec lequel elle engendra Polynice, Étéocle, Ismène et « la petite » Antigone), parfaitement banale, fait exception.
Les comédiens sont désormais plus rigoureux dans leur jeu et l’on voit peu de fausses notes comme lorsqu’Antigone esquisse une danse du désespoir qui peine à convaincre. Ce qui n’enlève rien au mérite de Karine Pédurand dont on sait les vertus de comédienne. Nelson-Rafaell Madel a toujours son étonnante présence ; il révèle ici un autre talent, celui de chanteur. Paul Nguyen est parfait dans la scène (drôlatique) de l’anniversaire où il endosse successivement les rôles des frères et de la sœur d’Antigone. Néry Catineau est un coryphée spectaculaire et qui s’y entend pour chauffer la salle avant le début du spectacle. Enfin Pierre Tanguy, aux manettes, est un élément indispensable de ce « théâtre musical ».
Antigone ma sœur, écriture collective inspirée de Sophocle. M.E.S. Nelson-Rafaell Madel. 23 mars 2022.
NB : L’inclusion d’Antigone ma sœur dans le festival des Petites formes a pu surprendre, ce spectacle qui réunit cinq comédiens et de grands moyens, présenté de surcroît sur le plateau de la grande salle de l’Atrium, ne correspondant en rien à une « petite forme ». Il n’en allait pas de même, le 21 mars, de la sortie de résidence de la comédienne Jan Baudry qui inaugurait Trois Petits Points…, son show musical associant récits et chansons accompagné par une seule guitare électrique : un tour de chant original et plutôt charmant.