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Drame réalisé en 2012 par Joe Wright
Il n’y a rien de plus bête qu’un réalisateur qui se croit intelligent. Pour renforcer l’artifice de la société russe du xixe siècle, Joe Wright a décidé, avec l’aide lourdaude du dramaturge Tom Stoppard, de filmer Anna Karenine dans un théâtre, avec quelques échappées vers l’extérieur. La scène devient donc successivement, une gare, un champ de courses et la chambre du fils de l’héroïne, les coulisses et les cintres faisant office de salons bourgeois ou de taudis populeux. En pleine crise de mégalomanie, Joe Wright (dont on avait beaucoup aimé Reviens-moi) a espéré devenir Fellini. Problème : avec ses facéties précieuses et ses extravagances kitsch, il atteint péniblement le niveau de Ken Russell…
La principale victime de son jeu de massacre, c’est Vronski, l’amant d’Anna, métamorphosé en blondinet bouclé, gandin aux allures de pantin qui, en toute logique, devrait provoquer non la passion de l’héroïne mais son rire et sa fuite. Faut dire qu’Anna, elle non plus, n’est pas gâtée : minaudant et sucrée, elle semble droit sortie d’un épisode de Sex and the city. Le summum du grotesque est atteint lors d’un bal où, sous le feu du désir qui les submerge, les futurs amants transforment leur valse en une espagnolade lubrique. Grotesque…
Les plus grandes Anna cinématographiques ont été Greta Garbo et Vivien Leigh. L’une parce qu’elle était languide et l’autre névrosée, comme le voulait Tolstoï. La faire interpréter, désormais, par des comédiennes ravissantes et rieuses, pétant le feu et la santé, comme Sophie Marceau il y a quelques années ou Keira Knightley aujourd’hui, est un non-sens absolu. — Pierre Murat
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