— Par Pascaline Potdevin —
Lors de l’investiture de Joe Biden, elle a frappé les esprits en lisant un de ses propres poèmes. Engagée dans l’alphabétisation, cette globalchangemaker d’Estée Lauder est devenue une icône millennial et une voix puissante en Amérique.
Ses mots sont limpides, pesés avec soin et énoncés sans l’ombre d’un balbutiement. Au téléphone, depuis la côte Ouest de l’Amérique, les phrases d’Amanda Gorman étincellent à côté de notre anglais un peu rouillé. Elle balaie nos gênes d’un éclat de rire : «Ça me rappelle une anecdote : quand j’étais petite, je n’arrivais pas à prononcer les “r”. Je faisais de l’espagnol, mais mes professeurs me disaient que j’aurais dû prendre le français car vos “r” sont plus doux. C’est moi qui ai raté le coche en n’apprenant pas votre langue. Alors ne vous excusez pas !»
L’investiture de Joe Biden
Derrière ces «r» réfractaires, on trouve un des fondements de l’histoire d’Amanda Gorman : celle d’une enfant noire souffrant d’un problème d’audition et d’élocution, devenue, à 22 ans, la plus jeune poétesse à déclamer un texte lors de l’investiture du plus vieux des présidents américains – Joe Biden, un homme blanc de 78 ans (lui-même jadis handicapé par un bégaiement). Deux personnalités situées aux extrémités du spectre de la société américaine, symbole évident d’une volonté de placer ce nouveau mandat sous le signe de l’union, après quatre ans d’une présidence Trump marquée par les divisions et les remous des mouvements Me Too et Black Lives Matter.
Personne n’a oublié l’apparition d’Amanda Gorman sur les marches du Capitole, ce 20 janvier 2021. Personne n’a oublié son poème, The Hill We Climb : «Mais soudain, l’aube nous appartient / Sans savoir à quoi cela tient, nous agissons / Sans savoir à quoi cela tient, nous avons tenu bon, / Témoins d’une nation non pas brisée, mais simplement inachevée.» Des mots puissants, porteurs d’espoir, que la jeune femme a scandés avec un aplomb sidérant.
Aujourd’hui, elle se souvient du spectacle : «Il y avait quelque chose de magique dans le fait de se tenir sur cette estrade, devant des présidents, et de regarder au-delà des drapeaux de l’Esplanade nationale, jusqu’au Lincoln Memorial. J’ai vraiment senti que je participais à un moment historique.» Personne n’a oublié non plus son allure folle, sa veste jaune soleil et son bandeau rouge sang. Le fameux serre-tête s’est vite retrouvé en rupture de stock, puis copié de toutes parts. Amanda l’évoque sur Instagram : «C’est ma mère qui a suggéré que je le porte sur mes tresses, à l’horizontale. Je recommande vivement le bandeau façon “couronne” pour quiconque veut se sentir plus grand, plus droit, plus fier.»
Amanda Gorman est une Américaine du troisième millénaire. Elle sait que l’image et la mode sont de puissants vecteurs d’idées, ainsi que la beauté, ce territoire dont les frontières ne cessent de s’ouvrir à davantage de diversité. Là aussi, ses choix sont politiques : «Je me nourris de ce qui constitue mon héritage : j’ai fait beaucoup de recherches sur les looks d’Afrique de l’Ouest, remontant ainsi à mes racines et à des tendances populaires dans la communauté noire. Ce ne sont pas uniquement des personnes, mais tout un peuple qui m’inspire.»
À 7 ou 8 ans, il m’est apparu très clairement que l’écriture me permettait d’avoir une voix
AMANDA GORMAN
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