— Par Yves-Léopold Monthieux —
Alfred Marie-Jeanne ira voter samedi à l’élection présidentielle. Il ne met pas son mouchoir dans sa poche car il l’a perdu depuis longtemps. Pour l’histoire, rendez-vous est donné à la presse ce samedi 6 mai 2017, jour de l’élection, à une heure précise à son bureau de vote de Rivière-Pilote. Rarement on aura vu un atterrissage politique à ce point porté en fanfare. Ce sera bien entendu le point fort de la journée électorale. Juste, peut-être, avant le score de Marine Le Pen en Martinique que le geste du Président devrait pousser à la baisse.
Que de chemin parcouru et, dans son sillage, que d’adeptes inconditionnels malmenés ! Parti de la SFIO en 1971, Alfred Marie-Jeanne revient au point de départ. Il rejoint donc le front républicain français qu’a refusé Mélenchon au terme d’un tour complet de l’échiquier politique martiniquais duquel il tire néanmoins le titre d’homme vertical. Une performance quasi-inégalable.
C’est d’abord le crescendo révolutionnaire : tour à tour socialiste départementaliste, autonomiste pro-PPM (« la parole au peuple »), indépendantiste (MIM), anti-élections présidentielles, anti-élections européennes (« voici le loup ! »), contempteur du moratoire et de la « nouvelle droite ». Points de suspension…
Puis la décélération : député français, union avec la droite, pro-européen (président des RUP), éloge de l’Europe et son « mal à la France » lors de son discours d’adieu de l’assemblée nationale.
Point final, l’atterrissage : la participation à l’élection du président de la république est la révélation d’une position idéologique qui pouvait ne pas surprendre. Il ne s’agit plus de moratoire mais de renonciation.
En effet, avec un retard sur son concurrent de 20 points, selon les derniers sondages, Marine Le Pen est-elle à ce point menaçante pour la démocratie qu’il faille, pour lui barrer la route, effacer un demi-siècle de convictions affichées ? Déjà enrayée depuis longtemps, la locomotive indépendantiste locale s’est donc arrêtée. Une époque s’est terminée. Le président-fondateur du Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM) aura fait le contraire de tout ce qu’il a dit. Mon livre Alfred Marie-Jeanne, la fin d’une époque ne disait pas autre chose. Cependant il n’y avait pas mieux que l’intéressé lui-même pour l’exprimer urbi et orbi.
Il y a des vieux jours qui se ressemblent. “C’est grâce à vous que nous survivons”, confiait Césaire, accroché aux bras de François Fillon. C’est à peu près ce qu’exprime Alfred Marie-Jeanne, à son tour. Fanon avait bien raison de quitter bien plus tôt la scène politique.
Fort-de-France, le 2 mai 2017
Yves-Léopold Monthieux