« Alentours » de Roland Pavilla

A la Bibliothèque Schoelcher

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— Par Jean-Marc TERRINE, commisaire d’exposition—
Exposition des œuvres de l’artiste Roland « Bobby » PAVILLA, du 12 au 29 mars 2014, à la Bibliothèque Schoelcher. Artiste autodidacte, il vient avec sa culture populaire, sa pratique du jardin créole, avec son réservoir de couleurs, de formes et de matières pour inonder l’espace des pas perdus de la médiathèque.
Roland PAVILLA, vient aussi avec son regard insolite pour troubler l’uniformisation du monde, du monde de l’art. Cette coulée du nord, descend des mornes du Marigot et de Sainte-Marie. Cette voix d’un créateur autodidacte, qui arrive avec ses cosmogonies propres, nourries dans les bandes, les traces, et les bordures ; à l’écart, dans lè lantou du pays.
Roland Pavilla est cet artiste hors normes. Il nous ouvre le regard, nous propose un autre chemin dans la pensée,  en ne restant pas prisonnier des hiérarchisations du monde. Son travail s’exprime avant tout sur des supports comme le bois, le contreplaqué, le métal ;  et avec des matériaux qu’il combine avec la peinture comme la résine, le sable, les fibres végétales (pétales, écorces, branches), les graines….
A ceux qui voudraient absolument le mettre dans un tiroir, le classer : il serait un artiste des alentours. Et dans les alentours de la parole d’Anna Arendt qui dit : « même si l’origine historique de l’art était d’un caractère exclusivement religieux et mythologique, le fait est que l’art a glorieusement résisté à sa séparation d’avec la religion, la magie et le mythe » ; on trouve, quelque part, dans lè lantou de Roland PAVILLA cette figuration. Un retour aux mythes et à la mystique : une beauté dans ses retranchements.
Roland PAVILLA est de la graine de ces Banditi dell’Arte, de cet univers de Suffrin ou d’Arthur Bispo do Rosário, ces « marges » qui grâce à leurs mondes nommés par le monde de l’art, art brut, art outsider, art vierge, art singulier, art visionnaire, art spirit, montrent que « le magique, le mythologique, le religieux sont irréductibles à l’universalisme culturel dominant et qu’ils s’introduisent dans le monde de l’art par la bande » (Claire MARGAT) en semant leurs ‘‘mauvaises’’ graines
Roland PAVILLA est entré dans ce monde par la bande, a fréquenté les universités de la rue, écouté la parole des gran moun et mené ses propres expériences de la vie avec des rencontres insolites.  Ses pratiques fortes, l’artiste les exploite dans ses œuvres. Ses travaux témoignent, questionnent et provoquent de l’empathie chez le regardeur.
L’atelier de Roland PAVILLA, en pleine cité HLM, crée et attire le regard : un cabinet de curiosités. Un espace rempli, confus entremêlé d’œuvres, d’objets, de sculptures, de « cueillettes » sur les bandes et traces du territoire, dans lè lantou (campagne et bord de mer). C’est dans ce capharnaüm et ce mélange singulier dans ses compositions  que l’artiste tourne le dos à toute idée de raison, de raisonnement articulé qui n’est pas de la pensée.

Dans l’exposition Alentours, Roland PAVILLA sort ses œuvres du silence et nous montre ses formes. Des sortes de visions, d’hallucinations, des couleurs et des gestes sans histoires (académiques). Cette expérience mérite le détour. Un art autodidacte, une esthétique ouverte, une beauté qui échappe au regard conventionnel de l’histoire de l’art.
Alentours, exposition de 21 œuvres de Roland PAVILLA, du 12 au 29 mars 2014, sous le commissariat de Jean-Marc TERRINE. Une monstration qui vous invite à vous aventurer dans le hall de la Bibliothèque Shoelcher car « le véritable philosophe serait celui qui s’aventure sur les chemins peu fréquentés, s’égare pour mieux retrouver la route, ne cesse de s’affronter à l’obscurité et à la souffrance pour gagner en lucidité, dans un équilibre précaire jamais loin du désordre ». (NIETZSCHE).
Soyons philosophe, le temps d’un instant pour voir les créations de l’artiste Roland PAVILLA. Des œuvres qui méritent d’être rendues visibles. Des œuvres sorties de leurs cachettes pour voir et entendre les mythologies de l’artiste. Des voix de derrière, qui par des jeux d’apparition-disparition, libèrent des formes, des pulsions intérieures que la société préfère mettre à l’écart : dans les alentours.
Commissaire d’exposition
Jean-Marc TERRINE