Conférence de Dimitri Béchacq mardi 16 février à 18h aux Archives
Cette intervention présentera les derniers résultats de mes travaux menés dans le cadre du programme de recherche « Histoire de l’ethnologie en et sur Haïti ». Quels sont les ressorts et l’impact du séjour d’Aimé Césaire en Haïti en 1944 ? Si ce dernier n’était pas investit dans la discipline ethnologique au même titre que ses contemporains haïtiens, il a cependant eu une influence considérable sur la scène intellectuelle de Port-au-Prince. Cette influence a fait l’objet d’une première enquête dont l’objectif fut d’inscrire les relations et connexions intellectuelles régionales dans une actualité géopolitique et sociale, notamment marquée par la question raciale.
Cette dernière perspective sera poursuivie avec le dépouillement des archives départementales martiniquaises et en déplaçant donc la focale à partir du contexte social (martiniquais), national (français) et régional (la place de la Caraïbe pendant la Seconde Guerre Mondiale) qui présida à la venue de Césaire à Port-au-Prince. Ces archives livrent en effet des renseignement précieux sur le rôle politique et culturel que les représentants du Comité français de libération nationale comptaient alors jouer au niveau régional, et plus précisément en Haïti, à partir de ses colonies et de leurs acteurs les plus influents, dont Aimé Césaire et Suzanne Roussi-Césaire.
En 1943, quand se concrétise l’idée de faire venir Aimé Césaire à Port-au-Prince pour participer à une semaine philosophique, la Martinique a rejoint les rangs de la France libre et la scène culturelle de la capitale haïtienne est en pleine effervescence. Très vite, avec le concours de tout un réseau d’intellectuels, de diplomates et de décideurs politiques situé de part et d’autre de l’Atlantique, le séjour de Césaire porta les espoirs et les ambitions de la nouvelle diplomatie culturelle française dans la Caraïbe. Au-delà des vertus littéraires et contestataires de ce voyage – les contemporains haïtiens parlèrent alors de « l’effet Césaire » sur la jeunesse citadine –, la légende relayée par les biographes du poète martiniquais omet les motifs racialisant et les coulisses politiques de cette mission, ainsi que les impressions contrastées de Césaire à l’issue de cette expérience. À partir d’une recherche en cours menée à Port-au-Prince, à Fort-de-France, et fondée sur des documents d’archives, des articles de presse et des correspondances privées, cette intervention mettra en lumière le rôle que les représentants de la France libre comptaient alors jouer en Haïti, à partir de ses colonies et de leurs acteurs les plus en vue, Aimé et Suzanne Césaire, et l’application avec laquelle ces derniers s’acquittèrent de leur mission.
Dimitri Béchacq est anthropologue, chargé de recherche au CNRS et rattaché au Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC/UMR 8053/Université des Antilles). Il est membre fondateur de l’association franco-haïtienne Collectif 2004 Images et collaborateur régulier du mensuel Haïti Monde. Il a publié une quinzaine d’article sur l’histoire et les enjeux de la migration haïtienne et des usages sociaux et politique du vodou, en Haïti et dans la diaspora (Etats-Unis, France). Après avoir travaillé sur les Pratiques migratoires entre Haïti et la France. Des élites d’hier aux diasporas d’aujourd’hui (Thèse de doctorat, 2010, EHESS), il se consacre actuellement à l’étude de la migration entre Haïti et les Antilles françaises, dans le cadre du programme de recherche ALTER qu’il coordonne.
N’oubliez pas de confirmer votre présence, le nombre de places est limité (05 96 55 43 43)