AfricADN, le business des tests génétiques

—Par Philippe Bernard —

adn_testDans la petite foule qui débarque de la « chaloupe » de Dakar sous un soleil d’acier, on les distingue facilement des Sénégalais : smartphone dernier cri brandi pour tout photographier, sac à dos de touriste chargé d’eau minérale et surtout visage grave qui tranche avec la bonne humeur ambiante. A l’instar de Barack Obama qui, avec son épouse et leurs enfants, devait visiter, jeudi 27 juin, l’île symbole de la traite négrière, les Noirs américains abordent Gorée en pèlerins. Ces derniers jours, ils sont pourtant moins nombreux que les malabars à verres fumés et cheveux ras des services de sécurité américains venus inspecter les ruelles débordantes de bougainvillées que doit emprunter le président.

« Certains visiteurs font des libations à leur arrivée. Ils forment un cercle et ferment les yeux, versent du lait et de la bière sur le sable, raconte un témoin sénégalais. Ils pensent être arrivés chez eux. C’est un moment d’intense émotion. » Une émotion souvent partagée par les autochtones dans un mélange de respect et d’incompréhension. « Un jour, une Américaine m’est tombée dans les bras. Elle disait que j’étais le portrait de sa soeur et était persuadée que nous étions parents, raconte Kine Diop, une vendeuse de souvenirs de Gorée. Elle n’arrivait plus à me quitter. J’ai fini par pleurer avec elle. » Thyonne Gordon, qui conduit le voyage pédagogique au Sénégal de vingt jeunes des quartiers difficiles de Los Angeles, insiste sur leur « immense fierté » : « Ils ont compris que nos ancêtres passés par ici ont ensuite contribué à construire les Etats-Unis. »

Sur le livre d’or de la Maison des esclaves, le clou absolu de la visite de l’île, Bridgit, une Noire américaine, a écrit en anglais : « Préservons ce monument qui nous rappelle que nous venons de si loin », avant d’assortir sa signature de la mention : « Africaine pour toujours. »

LES « BLACK HERITAGE TOURS » FONT FLORÈS EN AFRIQUE DE L’OUEST

Le lieu, que Bill Clinton, George Bush, Jean Paul II ou Nelson Mandela ont honoré avant Barack Obama, a sans doute joué un rôle mineur dans la traite transatlantique, mais il a acquis une notoriété internationale grâce à l’éloquence de Joseph Ndiaye. Cet ancien combattant de la seconde guerre mondiale, qui a inspiré le film de Rachid Bouchareb Little Senegal, y fut conservateur et guide pendant quarante ans, jusqu’à sa mort en 2009. Il fit frémir des générations de touristes dans les ténèbres du couloir qui débouche directement sur l’Atlantique par une ouverture baptisée « porte du voyage sans retour ».

« Gorée a été érigée en mémorial au moment de l’indépendance, lorsque les discours magnifiaient l’unité africaine contre le colonialisme, explique l’historien Ibrahima Thioub, directeur du Centre africain de recherches sur les traites et l’esclavage de Dakar. Plutôt que de choisir un lieu situé à l’intérieur du pays, là où des élites africaines ont capturé des paysans pour les vendre, ce qui aurait affiché la fracture entre Africains, on a préféré Gorée, un lieu de « rencontre » avec les Européens, quitte à oublier que les esclaves ne tombaient pas du ciel. »

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