Deux militants placés en garde à vue
Lundi 7 octobre, la Martinique a été secouée par de violents affrontements entre les forces de l’ordre et des militants mobilisés contre la vie chère. Au cœur de cette agitation, le giratoire de Mahault, situé au Lamentin, s’est transformé en véritable champ de bataille. Onze policiers ont été blessés, tandis que Rodrigue Petitot, figure emblématique du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), a été lui aussi blessé, à la main et à la jambe, lors des altercations.
Tout a débuté lorsque les forces de l’ordre ont tenté de dégager un barrage routier installé par des manifestants, composé de poids lourds, de véhicules hors d’usage et de matériel de chantier. Après les sommations habituelles, les forces de l’ordre ont essuyé des jets de pierres et de bouteilles, auxquels les policiers ont répondu par la force. Des gaz lacrymogènes ont été utilisés pour disperser la foule, ce qui a conduit à l’interpellation de cinq individus.
De son côté, le RPPRAC a vivement dénoncé ce qu’il considère comme une « répression policière ». Dans un communiqué, le collectif a déploré l’usage de tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) visant les manifestants. Une photographie de « Volkan », un militant touché au cou par une balle de type LBD, circule abondamment sur les réseaux sociaux, alimentant l’indignation des manifestants.
Rodrigue Petitot, surnommé « le R », a également été blessé à la main et à la jambe. Selon la police, il aurait chuté en tentant de franchir un grillage, mais le collectif affirme qu’il a été pourchassé et blessé par les forces de l’ordre. L’événement a exacerbé les tensions, le RPPRAC accusant les autorités d’être responsables de l’embrasement social en cours.
Le mouvement contre la vie chère, initié début septembre, dénonce les écarts de prix avec la métropole, les produits alimentaires coûtant en moyenne 40 % plus cher en Martinique. En réponse aux manifestations croissantes, les autorités avaient déjà imposé un couvre-feu nocturne dans certains quartiers de Fort-de-France et du Lamentin.
Les négociations n’ont jusqu’ici mené à aucune solution concrète. Quatre tables rondes ont été organisées, mais aucune n’a satisfait les revendications des manifestants. La cinquième réunion, prévue pour ce lundi, a été repoussée sine die, ajoutant à la frustration générale. Le RPPRAC appelle à une mobilisation continue, soulignant que les « mesurettes » proposées par le gouvernement, telles qu’une revalorisation du SMIC de 2 %, sont largement insuffisantes face à la crise qui touche durement les foyers martiniquais.
Le collectif met en garde contre la poursuite de cette « répression », et insiste sur la nécessité d’aborder les véritables causes de la crise, notamment les marges excessives des distributeurs et des acteurs économiques locaux. Tandis que la situation reste volatile, les manifestants promettent de maintenir la pression, déterminés à obtenir des solutions à long terme pour améliorer leur pouvoir d’achat et rétablir une justice sociale en Martinique.
D’après dépêche d’agence
Communiqué du RPPRAC
Le RPPRAC dénonce avec la plus grande fermeté la répression policière exercée aujourd’hui dans la commune du Lamentin contre des Martiniquais pacifiques qui, depuis 38 jours, se mobilisent contre la vie chère en Outre-Mer. Nous ne tolérerons jamais l’usage de tirs de type LBD visant le visage et le cou des manifestants dans nos rues. Nous confirmons que notre président, Rodrigue Petitot, dit le R, a été pourchassé et blessé à la main et à la jambe. Par ailleurs, une riveraine, qui ne participait pas au rassemblement, a fait un malaise sur la voie publique, suite à des tirs de lacrymogènes répétés dans le bourg, comme le rapportent les réseaux sociaux. À notre connaissance, deux militants ont également été tabassés et placés en garde à vue.
Déclaration de Combat ouvrier
Halte à la répression contre les militants de la vie chère !
Mardi 8 octobre 2024
Le lundi 7 octobre les manifestants contre la vie chère qui occupaient le giratoire de Carrefour Mahault ont été dégagés avec violence par les policiers de la CRS 8. Ils ont été abondamment gazés. Certains ont été blessés dans les échauffourées, dont Rodrigue PETITOT, leader du mouvement RPPRAC.
En réponse, dans la nuit de lundi à mardi, des manifestations de colère de certains jeunes ou activistes ont été perpétrées aux abords des quartiers populaires de Fort de France et dans certaines communes. De nombreuses voitures notamment ont été calcinées.
Combat ouvrier
–dénonce fermement la violence policière exercée à l’encontre de jeunes, de femmes, d’hommes en lutte pour une justice sociale.
–s’associe à la mobilisation de protestation des organisations politiques, syndicales et associatives pour une Martinique île morte du mercredi 9 octobre 2024.
Le préfet choisit de répondre par l’envoi de ses forces de répression aux mobilisations contre la vie chère et pour les augmentations de salaires, pensions et revenus sociaux dont vit la majorité de la population.
Il montre ainsi qu’il est au service des gros possédants, ceux de la distribution, ceux du transport, qui continuent de cacher leurs marges, tel un butin, alors que la majorité de la population a des difficultés pour s’alimenter et que la pauvreté s’accroît en Martinique.
La répression exercée contre les manifestants n’arrêtera pas la colère contre l’injustice. Bien au contraire ! Les travailleurs et les masses populaires sauront s’emparer de cette lutte contre la vie chère et pour les augmentations de salaires, pour faire payer les plus riches, en exigeant plus de justice, de dignité et de respect.
Pour Combat ouvrier, Louis Maugée
La préfecture dément la cause des blessures du R
Un message Whatsapp du bureau de la communication interministérielle de la préfecture revient sur les messages qui circulent à propos de Rodrigue Petitot. « De nombreuses rumeurs propagées sur les réseaux sociaux font état de ce que M. Rodrigue Petitot aurait été blessé par balles par les forces de l’ordre ce 7 octobre 2024, en marge du blocage du rond point Mahault. Cette information est absolument fausse et cette rumeur totalement infondée. »
Le Rpprac répond
À son tour, le Rpprac envoie un communiqué afin de donner sa position. Le mouvement qualifie « d’acte inacceptable, la répression policière exercée aujourd’hui dans la commune du Lamentin contre des Martiniquais pacifiques qui, depuis 38 jours, se mobilisent contre la vie chère en Outre-Mer. Nous ne tolérerons jamais l’usage de tirs de type LBD visant le visage et le cou des manifestants dans nos rues ».
Le mouvement écrit également que « Rodrigue Petitot, dit le R, a été pourchassé et blessé à la main et à la jambe. » Enfin, le Rpprac conclut en appelant les Martiniquais à gonfler les rangs et indique qu’il n’acceptera jamais « ce traitement inéquitable, et que le report, à une date incertaine, de la table ronde, ainsi que l’annonce de Michel Barnier d’une revalorisation du SMIC de 2 %, ne sauraient être suffisants dans ce contexte. »
Le Modémas dénonce « une répression policière criminelle »
Les scènes qui se sont déroulées au Lamentin hier matin en ont interpelé plus d’un. Le Modemas, (Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine) s’exprime par voie de communiqué et « dénonce la répression policière criminelle de l État Français comme seule réponse aux revendications légitimes du peuple martiniquais. » Et pointe du doigt la situation avec des verbes précis : « les forces de répression françaises ont chargé, frappé, gazé au lacrymogene et tiré au flashball sur un groupe de manifestants » (…) Rodrigue Petitot a été blessé, Aude Goussard a été agressée par un CRS et frappée au visage à plusieurs reprises, un militant blessé au cou par tir de flashball, deux militants sont en garde à vue et les habitants du bourg se sont retrouvés asphyxiés par les tirs de gaz dans l’enceinte de la ville.
Jean-Pierre Maurice
Martinique : comment sortir de la crise?
L’émotion et la colère sont mauvaises conseillères.
Et la violence sert parfois des intérêts masqués cachés à la population.
Telles sont les leçons que la Martinique devrait tirer de la crise actuelle, conséquence de l’inconséquence des pratiques et des politiques publiques.
Certes, l’impatience est compréhensible. Mais il serait plus sage et plus productif que la réflexion constructive prenne le pas sur la spirale d’une violence aveugle.
L’une des démarches possibles est celle qui analyse les échecs de la décolonisation en Martinique.
On observe en effet l’inefficacité de la Collectivité Territoriale de Martinique et de son système électoral actuel, qui a abouti à la situation néocoloniale que tous peuvent constater.
Face à cet échec collectif, la réflexion et le dialogue -d’hommes et de femmes de bonne volonté- sont urgents, pour réussir la décolonisation et pour relever les défis économiques et identitaires.
Jean-Pierre MAURICE
Martinique, 10 octobre 2024