Les quatre policiers impliqués dans l’interpellation de Michel Zecler, un producteur de musique noir, sont toujours sous contrôle judiciaire.
Le 21 novembre, l’interpellation violente de Michel Zecler, un producteur de musique noir, à Paris, faisait scandale. Les quatre policiers mis en cause dans cette affaire, intervenus à son studio de musique, et filmés par les caméras de vidéosurveillance, ont été suspendus et le sont toujours un an après les faits puisque leur contrôle judiciaire est maintenu. L’enquête judiciaire continue à explorer l’éventuelle dimension raciste de leurs actes.
À l’époque des faits, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait promis leur « révocation dès que les faits seront établis par la justice ». Ce soir-là, en début de soirée, Michel Zecler a été passé à tabac dans son studio de musique du 17e arrondissement par plusieurs policiers qui ont déclenché un contrôle en invoquant dans des procès-verbaux une « absence de port du masque » et une « forte odeur de cannabis » (seulement 0,5 g retrouvé).
Dans un premier temps, Michel Zecler a été placé en garde à vue pour « violences » sur les policiers et « rébellion ». Le parquet de Paris avait classé rapidement cette enquête après avoir consulté les images de vidéosurveillance du studio, à l’opposé de la version policière. Quelques jours plus tard, la révélation des images sur le site Loopsider avait déclenché une vague d’indignation jusqu’au sommet de l’État. Une « agression inacceptable » et des « images qui nous font honte », avait même commenté Emmanuel Macron.
« Violences volontaires »
Placés en garde à vue, les policiers avaient reconnu devant l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », des coups « pas justifiés » et avoir agi « principalement sous l’effet de la peur ». Le 30 novembre, les trois policiers soupçonnés d’avoir porté les coups à Michel Zecler avaient alors été mis en examen pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique », avec plusieurs circonstances aggravantes, dont celle de racisme. Leurs procès-verbaux tronqués leur ont valu aussi une mise en cause pour « faux en écriture publique », un crime passible des assises. Deux d’entre eux ont fait un mois de détention provisoire, avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire. Depuis, le gardien de la paix Aurélien L., âgé de 24 ans, « essaie de reconstruire sa vie loin du tumulte et envisage une réorientation professionnelle hors de la police », a commenté son avocat, Me Jean-Christophe Ramadier.
Me Anne-Laure Compoint, l’avocate de Pierre P., 32 ans, et Philippe T., 45 ans, n’a pas répondu à l’AFP. Quant à Me Bruno Beneix-Christophe, l’avocat de Hugues R., le policier mis en examen pour un jet de grenade lacrymogène dans le studio, il a regretté la non-réintégration de son client, qu’il explique par « l’émoi » que pourrait provoquer une telle décision. Les juges, eux, continuent leur travail, s’attachant notamment à vérifier les déclarations de Michel Zecler, qui affirme avoir été traité de « sale nègre » pendant son interpellation.
« Bâtards »
Plusieurs jeunes présents dans le sous-sol du studio ont encore récemment confirmé l’avoir entendu, selon une source proche du dossier. Les policiers, eux, le nient. L’enquête a par ailleurs mis à jour, comme l’a dévoilé l’émission Envoyé spécial de France 2 en avril, plusieurs messages potentiellement racistes de l’un des mis en cause. À l’une de ses correspondantes s’inquiétant quelques mois avant l’interpellation qu’il devienne « raciste », Aurélien L. avait répondu, selon des éléments du dossier consultés par l’AFP : « C’est pas du racisme, mais tous les bâtards qui foutent la merde, ce sont tous les mêmes. » « Je suis dégoûté que tous ces bâtards soient acceptés en France », déclarait-il aussi.
L’enquête porte également sur les faits dévoilés dans la seconde vidéo diffusée par Loopsider, dans laquelle on voit Michel Zecler également frappé par au moins un policier dans la rue à la fin de son interpellation. Me Caroline Toby, l’avocate de Michel Zecler, n’a pas souhaité s’exprimer sur ce scandale qui avait mis la pression sur l’exécutif, sur fond d’accusations de violences policières systémiques. Le 4 décembre, dans un entretien à Brut, Emmanuel Macron avait reconnu l’existence de contrôles au faciès et de violences de la part des policiers, provoquant leur ire. Pour la calmer, le gouvernement avait lancé le Beauvau de la sécurité, une vaste concertation clôturée en septembre dernier par l’annonce, entre autres, d’une « simplification » de la procédure pénale et d’un doublement des effectifs de policiers sur le terrain.
Source : AFP / Sud-Ouest