— Par Janine Bailly —

Admiral T, de son vrai nom Christy Campbell, artiste guadeloupéen de reggae/dancehall/rap/hip-hop/zouk, poursuit une carrière internationale et vient de remporter un vif succès au Zénith de Paris avec son « I am Christy Campbell Tour ». Auteur-compositeur-interprète, producteur de musique, joueur de gwo ka et de guitare, styliste avec son épouse pour la marque de vêtements Wok Line, on le connaît aussi pour son rôle dans le film Nèg Maron de Jean-Claude Flamand Barny.
Bon, le soir du concert, jeans et baskets, nous partons bravement pour l’Atrium. De toutes les rues qui convergent s’avance une marée de jeunes gens, garçons et filles, filles surtout, filles sur leur trente-et-un, filles maquillées-court vêtues, filles endimanchées-armées de sourires lipstickés, filles en ballerines ou sur talons haut perchées. La grande salle Aimé Césaire s’emplit peu à peu de cette foule bigarrée, bruissante, bruyante mais étonnamment bien disciplinée : « Où donc sont les jeunes bad-boys que vous m’avez promis ? », aurait innocemment demandé la Jeune Veuve du bon Monsieur La Fontaine. Quant à moi, me voici rassurée, car à l’exception de quelques sourires en coin à nous destinés, nul ne prête attention à la dame respectable que je suis aujourd’hui !
Une demi-heure plus tard, la scène s’illumine et les premiers sons font, au propre comme au figuré, vibrer tout l’Atrium. Suivront deux heures d’un concert-spectacle extrêmement bien rodé. L’artiste « fait le show », se donne à fond, débordant d’énergie et de chaleur, serrant des mains qui se tendent au bord de la scène, descendant dans son public ou lui parlant entre ses prestations. Et l’on vibre à écouter cette voix puissante qui passe de la violence à la douceur, du cri à la tendresse lorsqu’il entonne cette ode au lien qui doit unir les pères à leurs fils, texte émouvant chanté en français exceptionnellement, l’essentiel du répertoire d’Admiral T se faisant en cette langue créole dont il se veut le défenseur. Tout est réglé au cordeau, enchaînement des morceaux, perfection de l’acoustique, jeux de lumières, chorégraphies pour le groupe de danseurs qui accompagne l’artiste. Et c’est merveille de voir toute cette belle jeunesse qui s’est levée pour une danse immobile, et qui d’une seule voix accompagne Admiral T, puisqu’aussi bien, nombreux sont ceux et celles qui connaissent sur le bout du cœur toutes les paroles des chansons entendues. Tendre moment enfin que celui où deux petits bonhommes de dix ans, deux jumeaux déjà habités par le rythme, rejoignent Papa sur scène, l’un des deux usant de la batterie comme un pro, l’autre s’essayant au synthétiseur.
Alors qu’importe ce que pourrait m’en dire quelque esprit chagrin, ce soir-là, oui, j’ai oublié pour quelques heures le temps qui passe, oublié la vie qui tue les enthousiasmes, et trouvé la source où prendre un bain de Jouvence !
Janine Bailly, Fort-de-France, le 18 mai 2015