Lettre ouverte au Préfet de Guadeloupe
Monsieur le Préfet,
Les Associations, Organisations et Personnes soussignées, réunies en collectif le 5 février 2018, tiennent par la présente lettre ouverte à manifester leur indignation face aux conditions dans lesquelles s’effectue l’accueil des ressortissants étrangers par votre Administration ; particulièrement depuis le 1er novembre 2017.
Avant cette date, déjà, le Service des Étrangers tant à Basse-Terre qu’à Pointe-à-Pitre témoignait du peu d’empathie à accueillir les étrangers et à traiter les dossiers avec attention. Des retards importants dans les réponses à apporter aux demandes déposées n’ont cessé de s’accumuler.
Or depuis le 1er novembre dernier, vous avez purement et simplement, et sans concertation, supprimé l’accueil de Basse-Terre. Ainsi les usagers de toute la Guadeloupe doivent désormais se rendre à la Sous-Préfecture de Pointe-à-Pitre ; pour y être à 8 heures.
À quelle heure faut-il quitter son domicile pour rejoindre Pointe-à-Pitre en transport-en-commun lorsqu’on réside à Saint-Robert/Baillif ou à Beaugendre/Vieux-Habitants ? De plus, contrairement au discours officiel sur la garantie d’une bonne réorganisation du Service, le bureau d’accueil de Pointe-à-Pitre n’a pas été doté de moyens supplémentaires, humains notamment, pourtant plus que nécessaires.
Les conséquences de cette fermeture ont provoqué un désordre indescriptible qui se reproduit chaque matin devant la Sous-Préfecture. Dans l’espoir d’être reçus par vos services, les exilés se positionnent devant les grilles de celle-ci de nombreuses heures avant l’ouverture, certains depuis la veille dans la soirée et y passent ainsi la nuit. Les tensions sont vives à l’heure de l’ouverture (bousculades, cris, insultes, …). Beaucoup seront refoulés et devront tenter leur chance un autre jour. Ceux qui sont reçus ressortiront avec une simple convocation pour … le mois prochain !
Pour nous, Organisations signataires, le traitement réservé aux étrangers est indigne et relève du mépris, voire de la violence morale. C’est un déni d’humanité, contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme dont la France est pourtant signataire ! Dans un pays de Droits, les étrangers ne sont pas sans droits !
Nous tenons à attirer tout particulièrement votre attention sur les conséquences immédiates et très concrètes de ce désordre et des retards. Ainsi, le non renouvellement en temps utiles d’un titre de séjour entraîne :
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la suppression des prestations sociales du fait de la carence de vos services, privant un nombre d’usagers d’une source de revenus absolument essentielle dans leur intégration dont les conséquences sont insoutenables ;
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la perte d’un travail, (l’employeur craignant d’embaucher ou de renouveler le contrat d’un « sans papier ». …);
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la déscolarisation des enfants ;
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et autres désagréments.
Dès lors, au regard de tous ces désordres et dysfonctionnements, nous sommes légitimement en droit de souligner que la responsabilité de la Préfecture est considérable !
Pour toutes ces raisons, il apparaît donc évident aux Associations, Organisations et Personnes signataires qu’il convient :
1/ De rétablir le bureau d’accueil des étrangers de Basse-Terre ;
2/ De renforcer le Service des Étrangers de la Guadeloupe de manière que, tant l’accueil que le délai de traitement des dossiers soient effectués par un personnel bien formé notamment aux dispositifs des Droits et Conventions relatifs aux Droits Humains ─ une priorité devant être apportée aux demandes pour soins ;
3/ D’informer de cette situation tous les services sociaux versant des prestations aux étrangers afin qu’ils ne pénalisent pas les usagers dont le titre de séjour est périmé, et n’a pu être renouvelé du fait des carences signalées ;
4/ De dire, publiquement, à tous les employeurs de Guadeloupe qu’ils ne seront pas sanctionnés s’ils emploient des salariés dont le titre de séjour est périmé, car les régularisations sont en cours ;
5/ De surseoir aux reconduites à la frontière tant que le Service des Étrangers n’est pas en mesure de les recevoir dans des conditions descentes et de traiter, dans des délais raisonnables, les premières demandes de titre de séjour, et les demande de renouvellement, dans des délais normaux ;
6/ De calmer l’ardeur des services de Police ou/et de Gendarmerie, dont des faits de violences inadmissibles, à l’égard d’étrangers ─ même en règle, pour certains d’entre eux ─ par ces dépositaires de la force publique, nous ont été signalés.
Nous vous remercions de l’attention que vous-même et vos services porteront à nos revendications, et vous demandons de faire diligence dans l’esprit républicain qui nous anime.
Et vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre parfaite considération.
Associations, Organisations et Personnes signataires :
African Femmes Performances Association de Commerçants Haïtiens Association ROSELINE Association Tèt Kole Combat Ouvrier Fédération d’Associations Franco Haïtiennes de Guadeloupe Fritz FRANÇOIS (à titre individuel) Groupe Local CIMADE Peterson HERCOTE – journaliste (à titre individuel) Ligue des Droits de l’Homme Guadeloupe Rebelle ! Sixième Région Union Africaine Tanbou Ginen Travayè é Péysan