Par Selim Lander.
Le programme du premier trimestre 2013 s’est clôturé jeudi 21 mars au CMAC de Fort-de-France par une session autour du pianiste Mario Canonge. Ce dernier, qui vit le jour en Martinique en 1960, est un musicien éclectique qui connaît une brillante carrière internationale.
Dans la première partie du concert, Mario Canonge s’était associé seulement un second musicien, le contrebassiste virtuose Michel Zénino. Un duo atypique au cours duquel la contrebasse s’affranchissait constamment du rôle d’accompagnement rythmique dans lequel elle est habituellement cantonnée, pour briguer une place équivalente à celle du piano. Malgré sa taille imposante il n’est pas aisé pour une contrebasse de rivaliser avec le piano, surtout quand il s’agit du grand Steinway du CMAC, qui sonnait encore une fois à merveille. Pour une fois on ne regrettait pas que les instruments fussent amplifiés, d’autant que l’ingénieur du son avait si bien réglé tout son appareillage que l’on pouvait presque douter qu’il fût là. Michel Zénino « pelote la grand-mère » comme peu de ses collègues (ce qu’on a pu constater immédiatement dans la seconde partie où il était remplacé par un autre instrumentiste, dans une formation plus classique) : il a très souvent les deux mains tout à fait en bas de la touche, à moins que sa main droite n’adopte un doigté de harpiste. Cette confrontation originale entre la contrebasse et le piano a pour résultat une musique qui parut souvent difficile, voire ardue – alors même que le répertoire se limitait sagement à des standards du jazz (signés Ellington, Monk, Corea, …). Une musique parfois à la limite de l’abstraction mais qui ne manquait pas de séduction pour qui ne rechigne pas devant les innovations pianistiques d’un Keith Jarrett, voire les exercices quasi théoriques du Clavier bien tempéré de Bach.
Rien de semblable dans la seconde partie où Mario Canonge avait adopté une formation en trio, avec Felipe Cabrera à la contrebasse et Lukmil Perez à la batterie, pour interpréter des morceaux de sa composition. L’idée de juxtaposer dans un même concert deux séquences d’abord sans, puis avec batterie était intéressante : elle aurait dû nous faire mieux percevoir le rôle exact du batteur dans la musique de jazz. L’expérience a malheureusement été faussée par la propension de la batterie à prendre le dessus sur les autres instruments, ce qui n’est certainement pas ce à quoi elle est destinée. Peut-être s’agissait-il là, au contraire de la première partie, d’un défaut de l’amplification, ici trop forte ? Quoi qu’il en soit, la prédominance de la section rythmique (encore renforcée par la contrebasse qui tenait ici sa place traditionnelle) n’a pu que nuire à la performance du pianiste, ce qui est dommage car on était curieux de découvrir ses nouvelles créations.
Fallait-il dans ces conditions convier Micky Télèphe à faire un bœuf avec son tambour ? Non que sa performance n’ait pas été appréciable et appréciée mais l’on n’avait pas besoin d’un « fût » supplémentaire à ce moment du concert.