— Entretien réalisé par Victor Hache —
Le rappeur-slameur, qui a grandi dans le quartier de Neuhof à Strasbourg, continue d’ouvrir des voies originales et sort « Scarifications ». Un album au flow détonnant, réalisé par le DJ Laurent Garnier, qui mêle hip-hop radical aux contours littéraires et musiques technoïdes teintées de spleen.
Depuis les débuts de sa carrière solo, l’ancien membre du groupe de rap NAP ne cesse d’étonner par son talent et son inventivité. Il le prouve une fois encore avec un nouvel album, Scarifications (Label Pias.) où se mêlent scansion hip-hop et musique électronique. Soit un rap qui claque, un flow radical aux contours underground, où Abd Al Malik fait vibrer les mots comme jamais, galvanisé par l’univers électro du très créatif Laurent Garnier. Ici, rien n’est plaqué. Tout n’est que fusion et dialogue entre deux planètes où sonorités technoïdes et rap dessinent des territoires emplis de pépites. Un registre bouillonnant qui sollicite constamment l’auditeur par des rimes aux nombreuses références littéraires et un verbe détonnant où la surprise est constante, avec, en prime, deux beaux hommages à Daniel Darc et à Juliette Gréco. L’album le plus audacieux et le plus inventif du moment.
C’est osé de mélanger hip-hop et électro, non ?
Abd Al Malik Je m’inscris dans une tradition. Quand Afrika Bambaataa travaille avec Kraftwerk, on est déjà dans cette démarche-là. DJ Mehdi est quelqu’un qui était à l’aise dans ces univers hip-hop et électro, et leur a donné ses lettres de noblesse. C’est fabuleux. Ce qu’on amène, Laurent Garnier et moi, c’est notre manière d’appréhender la chose musicale en allant dans des endroits inexplorés.
La fusion est totale entre vos textes et la musique de Laurent Garnier. Comment êtes-vous parvenus à ce résultat ?
Abd Al Malik On voulait une démarche radicale et sans compromis entre Laurent et moi. On est allé au fond de ce qu’on avait envie de faire. Quand deux personnes sont entières, quand l’un ne phagocyte pas l’autre, cela fonctionne. On s’aime énormément et on se respecte en tant qu’artistes. À partir de là, tout s’est fait de manière très fluide.
Vous dites : « Je suis muslim et noir de peau, qu’est-ce qui me détermine ? » Avez-vous réussi à répondre à cette interrogation ?
Abd Al Malik Ce qui me détermine, c’est le fait d’être un humain. D’une certaine façon, je m’interroge quand je vois l’autre : qu’est-ce que je vois en premier ? C’est une question générique que je me pose et que je pose à l’autre, qui n’arrive pas justement à dépasser ou ma confession, ou ma couleur de peau.
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Vendredi, 6 Novembre, 2015