Stratégie de la danse
— Par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret —
Elle est « chorégraphe performer », sa différence avec un chorégraphe classique c’est que l’acte performatif met de la politique dans l’art. On ne fait pas que danser on prend le micro et on gueule dedans. L’art devient
total car on traite le corps de manière totale »
Annabel Guérédrat s’invite au festin d’une création improbable. Elle provoque le Tout Danse, quand sa verve chorégraphique toute particulière se veut vivante et libre, alors elle donne volontiers de ces petits coups de canif qui, chaque fois remettent en cause tant la légitimité que la portée de son exception culturelle. Ses dénigrements, ses envolées lyriques comme ses savantes théories sur l’art et la manière de nommer la danse ne résistent pas longtemps quand il suffit de regarder là où elle passe et d’être sensible aux formes sous lesquelles elle apparait. Annabel, danseuse toujours à la recherche d’une naissance qui semble lui échapper « questionne perpétuellement sa solitude »La voici devant nous, encore seule, en position fœtale au centre du plateau. Elle se voit entourée de spectateurs qui l’entourent. « Je respire. Je me lève. Je tourne sur moi-même comme pour ancrer mon noyau et je me mets à danser »
«Je suis une femme heureuse dans un aquarium»
Elle danse Annabelle elle danse et l’on voit une femme délurée, bien dans son corps et dans sa tête. La chorégraphe explore sa nouvelle plénitude, comme souvent à travers les transparences du corps et du langage. Elle se dévoile, elle se met à nu, joue avec le regard et les émotions des spectateurs. Ne faisant pas son métier mais cherchant à faire valoir sa propre technique et à nous faire partager son âme, ses sentiments, ses surgissements dans une improvisation performée et spontanée de ce solo de « Fanm doubout » dédiée entièrement à la « Féminité pleine » et autour du « Féminisme noir »…et quelqu’en soient les moyens. L’important est de dire son intime conviction. Un argument simple donc, tragique autant que poignant qui est traité au plan chorégraphique de la même façon, sans artifice ni fioritures et dansé par une femme racée, profondément empreinte de la grandeur de la femme noire et de sa poésie martiniquaise. Une artiste intériorisée et communicative, forte mais sans défense. Ce n’est pas de la poudre aux yeux que ces images d’exécution écrite mais bien un moyen de communication de l’expression des sentiments et des passions dont la danseuse est animée. « Je suis une femme heureuse dans un aquarium »
Notre avis :
La chorégraphe s’offre aux regards curieux ? voyeurs ? la danse s’intègre dans l’espace fonctionnel du tableau revendiqué, comme au théâtre : sur cette surface limitée, l’espace se dilate comme il est envahi, simultanément, des effluves chargées d’imaginaire « A Woman » réconcilie danse et politique en un miroir cruciforme tel que nous le voyons. Sans doute le savait-on mais c’est bien de le constater soi-même. Mais comme la recherche artistique n’est jamais innocente ni exempte d’idées à priori à démontrer ou à imposer et ne se situe jamais hors du champ idéologique. ..Dans cette saisie de l’intimité d’un corps complètement a l’abandon, n’y a-t-il pas quelque chose de risqué à le placarder à la lumière crue des sunlights ?
Pratique :
Au CMAC 20H salle Aimé Césaire.
Vendredi 28 et samedi 29 mars 2014
Création 2013
Conception & performer : Annabel Guérédrat
Assistante chorégraphique : Estelle Corbière
Compositrice DJ : Laura de Vasconcelos
Light designer& scénographie : Séverine Rième.
Crédit photos : Yann Mathieu Larcher
Compagnie ARTINCIDENCE.
Contact/information :
05. 96. 70. 79. 29.
Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret
Article paru dans France Antilles Le Magazine