Entrevue exclusive avec Jean-Claude François
Le LIV INIK AN KREYÒL et la problématique des outils didactiques
en langue créole dans l’École haïtienne
—Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
L’annonce du ministère de l’Éducation nationale relative au LIV INIK AN KREYÒL qui devait être introduit à la mi-juin 2023 dans les écoles du pays à hauteur de 1 million d’exemplaires à distribuer gratuitement a retenu l’attention des directeurs d’écoles et des enseignants. S’il est éventuellement avéré –comme le soutiennent plusieurs directeurs d’écoles et nombre d’enseignants–, que la diffusion massive du LIV INIK AN KREYÒL n’a pas encore débuté au début du mois d’août 2023, de nombreuses questions demeurent ouvertes. D’abord en quoi consiste le LIV INIK AN KREYÒL ? À quels objectifs pédagogiques doit-il répondre ? Par qui a-t-il été élaboré et édité ? Les organisations professionnelles d’enseignants ont-elles été associées à la conception de ce nouvel outil pédagogique ? L’expertise de l’École normale supérieure et de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti a-t-elle été sollicitée à l’étape de la conceptualisation et de la validation du LIV INIK AN KREYÒL ? À combien s’élève le financement global de ce projet au ministère de l’Éducation nationale ? Sur le plan de la didactique créole et de la didactisation du créole, qu’est-ce qui caractérise le LIV INIK AN KREYÒL ? Comment expliquer que le projet de LIV INIK AN KREYÒL ait pu être mis en route en dehors d’une politique linguistique éducative nationale qui se fait toujours attendre ? C’est pour répondre à cet ensemble de questions que la présente entrevue exclusive a été conduite avec Jean-Claude François, président directeur général des Éditions Pédagogie nouvelle S.A. Mais avant d’accéder aux réponses de cette entrevue, il est utile de replacer la complexe question de l’usage du créole au sein de l’apprentissage scolaire dans son contexte historique, pédagogique et institutionnel.
Le linguiste Renauld Govain, doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti, est l’auteur d’une étude fort instructive, « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques » (revue Contextes et didactiques, 17 | 2021). Mettant en lumière l’antériorité des débats sur le créole, Renauld Govain nous instruit que « (…) le Général Guérin, secrétaire du Président Alexandre Pétion (1807-1818), proposait d’utiliser le CH [créole haïtien] comme langue d’enseignement à l’école primaire. En 1898, Georges Sylvain aurait déclaré que si le créole était introduit dans les écoles primaires, rurales et urbaines, le problème de l’organisation de l’enseignement populaire haïtien connaitrait une nette amélioration (cité par Vaval 1911) ». Dans les années 1940, la perspective de l’usage du créole dans l’enseignement a été posée notamment par Christian Beaulieu, compagnon de lutte de Jacques Roumain et auteur de « Pour écrire le créole » (Les Griots, 1939). Il fut l’un des premiers, à cette époque, à réclamer l’utilisation du créole à des fins pédagogiques. De manière plus programmatique, la question de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien a été posée avec la réforme Bernard de 1979, mise en veilleuse en 1987, et qui faisait du créole langue d’enseignement et langue enseignée (voir notre article « De l’usage du créole dans l’apprentissage scolaire en Haïti : qu’en savons-nous vraiment ? » (Le National, 11 novembre 2021). De la mise en veilleuse de la réforme Bernard en 1987 à aujourd’hui, l’État haïtien n’a toujours pas fourni un bilan analytique détaillé de cette première grande réforme du système éducatif national (voir notre article « L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire » (Le National, 17 mars 2021). Toujours sur le plan historique, les contributeurs du livre « Haïti : couleurs, croyances, créole » ont noté qu’« À partir de l’occupation américaine (…) on commença à réclamer l’utilisation du créole dans une vaste campagne d’alphabétisation du peuple. Que l’on puisse également produire des œuvres littéraires sérieuses et des études scientifiques en créole semblait prématuré [sic]. Il est vrai qu’une Académie créole fut fondée en 1947, sous la présidence de Charles-Fernand Pressoir et la vice-présidence de Jean Price-Mars. Mais, après sa séance inaugurale, dont Haïti Journal rend compte le 10 février, elle semble ne s’être plus jamais réunie. 1956 vit la création, sous la présidence de Lamartinière Honorat, d’un Institut de langue créole, société culturelle dont les statuts furent publiés dans Panorama (nouvelle série, mars 1956, pp. 35-38). Son but était « de promouvoir le développement de la langue créole et de la culture populaire nationale ». Cet Institut de langue créole se proposait, entre autres tâches, de « publier une histoire complète de la langue créole et une revue littéraire créole » et de « préparer l’édition d’une grammaire et d’un dictionnaire créoles ». Ces projets non plus n’aboutirent pas. » (« Haïti : couleurs, croyances, créole », sous la direction de Léon-François Hoffmann, Éditions du Cidihca, 1989).
Alors même que le ministère de l’Éducation nationale, sans se référer à un quelconque bilan analytique de la réforme Bernard de 1979, se revendique de ses « orientations stratégiques » dans plusieurs documents officiels, c’est encore le linguiste Renauld Govain qui fournit un éclairage de premier plan sur les lacunes et les limites de cette réforme : « La réforme de 1979 a certes introduit le CH [créole haïtien] à l’école à la fois comme langue d’enseignement et langue enseignée, mais elle ne s’est pas donné les moyens de l’application de cette mesure : les outils et matériels didactiques nécessaires à cela n’ont pas été développés et toutes les écoles de la république n’ont pas été amenées à comprendre qu’elles devaient se plier à la mesure parce qu’elle est une mesure officielle s’inscrivant dans une dynamique de régulation du système scolaire. Cette introduction est un pas en avant pour la valorisation de la langue mais ne suffit pas pour l’aider à dépasser les représentations négatives dont elle est l’objet depuis la naissance de l’État d’Haïti. On pourrait même imaginer que cela participe à la cristallisation des idées reçues consistant à faire croire que le CH est inapte à exprimer des réalités relevant d’un certain niveau d’abstraction car il n’y a guère de manuels ou d’autres outils didactiques. Or, les manuels didactiques sont à même de montrer que la langue est capable d’abstraction, le discours didactique étant modelé de façon telle qu’il est différent du discours vernaculaire des activités de tous les jours. En outre, sur un plan plus théorique, il n’a été conçu aucun dispositif didactique, voire méthodologique sur la langue en vue de la rendre plus apte à remplir son rôle de langue d’enseignement. Il est donc plus que nécessaire de mettre à disposition des praticiens des orientations théoriques en termes de didactique du créole langue maternelle. La question de didactisation de la langue reste donc pendante » (Renauld Govain, « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques » (revue Contextes et didactiques, 17 | 2021). Cette pertinente réflexion de Renauld Govain sur la didactisation de la langue créole a été amplement élargie et approfondie dans l’article qu’il a rédigé avec la collaboration de Guerlande Bien-Aimé, « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle » paru dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).
Ces dernières années, plusieurs éditeurs de manuels scolaires, en Haïti, ont consenti de remarquables efforts pour produire et diffuser des outils didactiques en langue créole (livres de didactique et de communication créole et livres ciblant les matières scolaires). Ainsi, les Éditions Pédagogie nouvelle, Canapé Vert, Henri Deschamps, Zémès, C3, CUC-Université Caraïbe ont-elles introduit plusieurs titres sur le marché du livre sans attendre l’adoption, au ministère de l’Éducation nationale, d’une véritable politique nationale du livre, du manuel scolaire et d’autres matériels didactiques. En Floride, EducaVision s’est lancé dans la production de livres bilingues anglais-créole mais l’on ne dispose pas de données permettant de savoir ni d’évaluer leur éventuelle diffusion dans les écoles d’Haïti.
C’est donc dans ce contexte général qu’est apparu le projet de LIV INIK AN KREYÒL. En raison de l’importance qu’il semble devoir revêtir pour l’ensemble du système éducatif national, en dépit du fait que 80% des écoles du pays sont financées et administrées par le secteur privé de l’éducation (l’État ne répond qu’à 20% de l’offre scolaire), le projet de LIV INIK AN KREYÒL doit faire l’objet d’une réflexion analytique approfondie. La présente entrevue exclusive entend y contribuer.
Q/ Robert Berrouët-Oriol (RB-O) : Pouvez-vous expliquer, compte-tenu de votre connaissance du marché du livre scolaire en Haïti, en quoi consiste précisément le LIV INIK AN KREYÒL ? À quels objectifs pédagogiques entend-il répondre ? S’agit-il d’un ouvrage recommandé, optionnel ou obligatoire dans toutes les écoles du pays ?
R/ Jean-Claude François (JCF) : Selon mon entendement, le LIV INIK AN KREYÒL, destiné, dans un premier temps, aux strates initiales du système éducatif haïtien, c’est-à-dire les première et deuxième années du Fondamental (LIV INIK 1 & 2), se veut le résultat d’une démarche dont l’idéal recherché, selon le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, est de produire et de rendre accessibles aux élèves des outils pédagogiques qualitatifs dans leur langue maternelle, le créole. Le titulaire du Ministère référencé, Nesmy Manigat, à l’occasion d’un événement de lancement officiel du LIV INIK, à l’hôtel Oasis, le 25 août 2022, déclara que « …pwojè sa a vize poul transfòme mòd lekòl peyi a genyen depi plis pase 200 lane, yon lekòl daprè li ki chita sou echèk… Fòk lekòl la ka bay ti moun yo bon jan konpetans, fè yo aprann kreyòl epi pèmèt yo metrize lang manman ak papa yo…” (cf. site internet du ministère, « Ayiti-Edikasyon : Liv inik pou premye ak dezyèm ane fondamantal, yon pwojè tou nèf ».
Une telle affirmation paraît valider la poursuite de plusieurs objectifs dont, entre autres, un enseignement en langue maternelle dès le plus jeune âge, une plus grande fréquentation de l’école et de meilleurs résultats (Kosonen, 2005), une meilleure communication entre les enseignants et les parents, majoritairement créolophones (Benson, 2002), plus de réussite scolaire et moins de décrochage (Hovens, 2002) et, dans tous les cas, une école moins compartimentée (Abraham, 2002).
S’agissant des objectifs pédagogiques précis que poursuit le MENFP, il y a lieu de souligner que Nesmy Manigat affirme haut et fort situer Le LIV INIK dans le sillage de la réforme Bernard, cette démarche qui “avait mis en évidence la création d’un cycle fondamental complet de 9 ans et d’un cycle secondaire de 4 ans, l’éducation à la citoyenneté de la première année de l’école fondamentale jusqu’à la dernière année du secondaire, le développement de la filière professionnelle et technique, l’usage du créole comme langue d’enseignement et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif… » (Marlyne Jean, Alter Presse, 5 avril 2022).
Le LIV INIK, qui s’apprête à inclure les niveaux 3 et 4, les éditeurs et concepteurs de manuels ayant été invités à se mobiliser à cette fin, m’apparaît en phase de devenir une prescription du curriculum du premier cycle de l’École fondamentale haïtienne. Telle assertion, on s’entend, se relativise d’elle-même, pour plusieurs raisons évidentes dont, par exemple, le caractère encore informel du « Cadre de référence curriculaire pour le système éducatif haïtien », qui n’est pour l’instant qu’un document de travail ou encore de l’impermanence marquée des choses dans l’environnement haïtien comme en témoigne la « fin cahoteuse de la réforme Bernard » (Berroüet-Oriol, 13 avril 2022) . Sans donc qu’il puisse à ce stade être déclaré formellement obligatoire, le LIV INIK aspire, selon moi, à clairement se généraliser puisque le MENFP a annoncé officiellement qu’il dotera de Liv Inik 1 & 2 pour l’ouverture de 2023 toutes les premières et deuxièmes années des écoles de la République.
RB-O : Selon les informations dont vous disposez en ce qui a trait au marché du livre scolaire en Haïti, par qui le LIV INIK AN KREYÒL a-t-il été élaboré et édité ? Existe-il UN SEUL LIV INIK AN KREYÒL ou chacun des sept éditeurs retenus pour élaborer et éditer le livre a-t-il rédigé et édité son propre livre unique, ce qui laisserait croire, dans cette hypothèse, qu’il existerait actuellement SEPT VERSIONS DISTINCTES DU LIV INIK AN KREYÒL ?
JCF : En juillet 2022, le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) lança en bonne et due forme l’appel d’offres portant le numéro MENFP-2122-F-DLSU-AOON-0011, par lequel des éditeurs scolaires et également des concepteurs d’ouvrages furent appelés à concourir pour la production du Liv Inik, niveaux 1 & 2. Nous fûmes effectivement sept maisons d’édition à manifester notre intérêt à participer à l’appel d’offres. Il s’agit de C3 Editions, CUC Éditions, Editions Deschamps, Éditions/Impresion des Antillles, Kopivit, Les Éditions Pédagogie nouvelle et les Éditions Zémès.
Le point de repère commun aux éditeurs est le « Cahier des charges pour l’élaboration du livre scolaire unique au premier cycle fondamental », un révérenciel conçu par le MENFP, via la Direction du curriculum et de la qualité (DCQ), pour les fins de guidance, de conformisation et d’harmonisation.
On ne saurait affirmer qu’il n’existe qu’UN SEUL LIV INIK AN KREYOL. Certes, le Cahier des charges établit un socle commun de « modalités conceptuelles, didactiques et pédagogiques, linguistiques, techniques et matérielles », et s’y conformer strictement est en principe une condition incontournable pour l’obtention de l’homologation du LIV. Mais en attendant que se tienne une évaluation subséquente qualifiée et indépendante des produits, il n’est a priori pas interdit d’anticiper que chaque maison d’édition, sur la base de son appréciation et de son expertise, ait en quelque sorte construit son propre LIV INIK AN KREYOL et qu’en conséquence le niveau du produit fini puisse se révéler inégal.
RB-O : Un nombre indéterminé d’enseignants et de directeurs d’écoles s’oppose déjà, selon nos informations, à l’arrivée du LIV INIK AN KREYÒL dans les écoles du pays. Ils soutiennent que cet ouvrage risque d’enfermer l’apprentissage des matières scolaires dans le format étroit d’un condensé unique de 300 pages là où les élèves devraient pouvoir disposer d’un large éventail de ressources didactiques diversifiées et couvrant toutes les matières scolaires. Qu’en pensez-vous ?
JCF : La posture oppositionnelle à l’arrivée du LIV INIK AN KREYOL que vous soulignez est sans aucun doute réelle et ne paraît pas à la simple observation sur le point de s’atténuer. Elle peut aussi bien être tant le miroir de causes sociétales bien enracinées en Haïti que le reflet de problèmes liés au système éducatif haïtien dans sa complexité profonde. En tout cas, ce positionnement semble prolonger la mentalité qui a prévalu à l’arrivée de la réforme Bernard et en aurait partiellement au moins causé le naufrage. Quelques-uns de ceux que la problématique du créole intéresse, qui ont lu vos articles nombreux et documentés dans le journal Le National, entre autres, ainsi que les résultats de vos travaux de recherches entreprises en mode collégial (voir Robert Berroüet-Oriol et al, « La didactisation du créole au coeur de l’aménagement linguistique haïtien » (Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021) sans compter des auteurs importants sur la question du créole et de la réforme Bernard que vos citations et références bibliographiques ont indubitablement contribué à faire mieux connaître (mentionnons à titre purement indicatif : Michel Saint Germain (1989), Jacques Rosembert (1998), Patrick Agnant (2018), Robert Chauderson et Pierre Vernet (1983), Fortenel Thelusma (2018), Charles Tardieu (2017 ) se sont posé la question, à savoir, s’il arrivera un temps où l’unanimité sera véritablement réalisée autour de l’insertion du créole dans les écoles haïtiennes (réf.: « Le défi de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien », Berrouët-Oriol, 8 janvier 2020).
Une question qui mériterait à notre point de vue d’être posée puis élucidée par une enquête indépendante et approfondie est la suivante : quel est l’état des lieux du matériel éducatif en usage au du premier cycle du niveau fondamental aussi bien dans les 20% d’établissements que l’État haïtien finance que dans le reste des 80% dont le secteur non public a la charge ? Par extension, n’y a-t-il pas lieu de se demander également si le foisonnement de toutes sortes de matériels librement en usage dans les salles de classe n’est pas un facteur contributif à la véritable aversion que profèrent certains enseignants et directeurs d’écoles contre le LIV INIK qu’ils peuvent éventuellement percevoir comme concurrentiel ?
Sur un registre purement pédagogique, disons sans ambages que la volonté de concentrer 5 matières à l’intérieur de 300 pages même pour des élèves de première et/ou de deuxième année risque d’avoir un effet réducteur pour les programmes d’apprentissage.
RB-O : À votre connaissance, le ministère de l’Éducation nationale a-t-il mis sur pied un mécanisme de contrôle de l’implantation du LIV INIK AN KREYÒL dans l’ensemble des écoles du pays et si oui quelles en sont les caractéristiques ?
JCF : Il se dit depuis un certain temps qu’une commission aux fins susmentionnées est en voie de création.
RB-O : Selon vous, les organisations professionnelles d’enseignants ont-elles été associées à la conception de ce nouvel outil pédagogique ?
JCF : Il ne paraît pas pour l’instant exister un dialogue très constructif entre les organisations professionnelles d’enseignants et le MENFP.
RB-O : Comment expliquer que l’expertise de l’École normale supérieure et de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti n’ait pas été sollicitée à l’étape de la conceptualisation et de la validation du LIV INIK AN KREYÒL ?
JCF : La maison d’édition « Les Éditions pédagogie Nouvelle » a cherché et obtenu le regard de deux intervenants de la Faculté de linguistique appliquée, le premier, à titre de traducteur de 2 des 5 matières du LIV INIK 1 et le deuxième à titre d’auteur et de concepteur de la partie KREYOL du LIV 2, déjà terminé, et des LIV 3 & 4 en processus d’élaboration.
RB-O : Le livre scolaire unique a été expérimenté dans certains pays d’Afrique, notamment au Cameroun où il fut dans un premier temps introduit puis recalé pour ensuite être à nouveau diffusé dans les écoles conformément aux directives du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques. À votre connaissance, le LIV INIK AN KREYÒL a-t-il fait l’objet d’un projet-pilote de validation dans des écoles-cibles avant d’être promu à une diffusion massive dans les écoles d’Haïti ?
JCF : Non.
RB-O : Disposez-vous de données relatives au financement global de ce projet au ministère de l’Éducation nationale ? Celui-ci s’est-il formellement engagé à acheter de chacun des sept éditeurs retenus pour élaborer et éditer le LIV INIK AN KREYÒL un nombre préétabli d’ouvrages qu’il entend distribuer gratuitement dans les écoles du pays ?
JCF : Nous ne disposons pas de données précises au niveau du financement global. Toutefois, il est possible de spéculer qu’une enveloppe d’environ six cents millions de gourdes (environ 4 millions de dollars américains) représentant le montant qui a été dans le temps alloué aux opérations de l’ancien « programme de subvention annuelle des manuels scolaires ».
Le ministère de l’Éducation nationale a procédé dans un premier temps par un appel d’offres. Sur les 20 lots qui étaient en jeu, 8 ont été adjugés à 3 maisons d’édition dans une proportion de 6-1-1. Par la suite, il y a eu d’autres octrois de gré à gré, tous dûment autorisés par la Commission nationale des marchés publics (CNMP). Cette première production de livres, LIV 1 & LIV 2, étant destinée à la rentrée scolaire de septembre 2023, tous les sept éditeurs auront en dernière analyse participé à cette première ronde.
RB-O : Sur le registre combien essentiel de la didactique créole, qu’est-ce qui caractérise le LIV INIK AN KREYÒL ? De quelle manière, sur le plan de la didactique créole, le LIV INIK AN KREYÒL se démarque-t-il des ouvrages précédents rédigés en créole depuis environ vingt ans ? Sur le plan de la méthodologie, les rédacteurs du LIV INIK AN KREYÒL disposent-ils d’un protocole unique et normalisé de rédaction du contenu de l’ouvrage ?
JCF : L’auteur de ces lignes, quoique plutôt plus familier de la didactique des langues étrangères, c’est-à-dire aux « méthodes, approches, hypothèses et principes pédagogiques, qui permettent aux enseignants d’optimiser les processus d’enseignement/apprentissage des langues étrangères » –il est l’auteur de quelque 7 ouvrages gradués de l’enseignement de l’anglais langue seconde– a eu un regard concentré sur l’aspect didactique créole des 4 niveaux du LIV INIK produit par EPN. Dans le parfait respect de la compétence des concepteurs du LIV INIK à EPN, il a, à titre de président directeur général, suggéré que soit priorisée l’approche communicative dont la méthode est basée sur la « compétence de communication ».
RB-O : Merci d’avoir aimablement répondu aux questions de cette entrevue.
Montréal, le 16 août 2023