— Par Max Dorléans (GRS) —
Il semble, à écouter certains, que les prochaines municipales, intéressent de moins en moins de monde, mis à part ceux/celles intéressés à un titre ou à un autre, au résultat des scrutins. Ou plus exactement, un nombre grandissant de citoyens, s’intéresse moyennement à la question, car ils ne se font guère d’illusions sur les changements promis, soit par les maires qui vont être reconduits à la tête des municipalités, soit par les nouveaux chefs de mairie. Un regard somme toute lucide, car à regarder les émissions télévisées à propos des prochaines municipales, ce n’est guère l’enthousiasme qui est de mise.
Il suffit en effet d’écouter les propos des uns et des autres, pour évidemment se convaincre de ce que il n’y a guère de profond changement attendu dans le proche horizon, quelques soient les vainqueurs. Puisque, malheureusement, mais sans surprise, les batailles tournent sur ce que les maires ont fait ou pas, et ce que les candidats disent indiquent vouloir faire une fois élu/es, alors même que sur les préoccupations fondamentales et quotidiennes de la population, on ne les a guère vu, dans leur immense majorité, ni les uns ni les autres. Et, de ce point de vue, la question du chloredécone est un exemple significatif.
Pourtant, le moins qu’on puisse dire, c’est que ce ne sont pas les problèmes qui manquent, et les besoins essentiels de la population à régler. En outre, nous n’accepterons pas non plus, le fameux clivage entre élections dites « nationales » et élections « locales » pour ramener ces dernières aux nids de poule à boucher, et qui sert d’alibi pour évacuer la prise en compte des préoccupations essentielles de la population. Des préoccupations simples qui tournent autour des questions de travail et d’emploi, de logement, de transport, de santé, de culture, de formation, d’eau, de refus de pollution, de loisirs…C’est-à-dire rien que le quotidien, chaque jour plus difficile, pour l’immense majorité.
En effet, comment demander à l’électeur ou à l’électrice sa voix, et en même temps se taire ou n’être pas offensif sur la bataille sur le chloredécone, sur la crise de la santé et de l’hôpital public (du CHUM notamment), sur la situation du grand âge et de la petite enfance, sur la réforme des retraites, sur l’insuffisance des logements, etc.
Comment parler à la jeunesse dont une fraction est laissée à l’abandon dans la rue et sous les abris-bus, et ne pas pointer le système capitaliste générateur de chômage, de licenciements, de casse des services publics, de pouvoir d’achat moindre, de moyens chaque jour plus insuffisants, de droits et allocations aux plus faibles en recul, et parallèlement de cadeaux, subventions et impôts moindres pour les plus riches !
Comment sur la question du chloredécone, ne pas investir significativement cette bataille, avec ceux/celles qui l’ont prise en charge, notamment LPDM (Lyannaj pou depolyé Matinik), pour poser non seulement les questions immédiates de dépollution des humains et des terres, mais pour poser la question de la qualité de notre alimentation (être saine), mais aussi celle de l’impératif de nourrir notre population, avec une production locale visant cet objectif, et qui fasse reculer l’importation de produits alimentaires (+ de 80% de notre consommation) sur laquelle nous n’avons aucune lisibilité, et dont bien des reportages nous montrent la mauvaise qualité de la production vouée aux revenus les plus bas…
Comment ignorer la question du droit à la santé, alors que les déserts médicaux sont le lot commun de bien des communes, que les hôpitaux de proximité de communes ont subi des transformations qui rendent plus compliquées, pour leurs populations, la prise en charge de leurs besoins élémentaires de soins ! Comment encore, s’agissant des EPHADs publics en nombre insuffisant, évacuer cette question, en les laissant au privé, avec des prix inaccessibles à l’immense majorité, et/ou qui contraignent considérablement la famille et les enfants quand ils n’ont pas d’autre solution !
Comment parler de notre environnement lorsque, l’on ne part pas en guerre contre les concessionnaires de véhicule qui s’enrichissent quotidiennement, sans exiger d’eux – comme pour les médicaments non utilisés repris par les pharmaciens – que les VHU (véhicule hors d’usage) soient repris par eux – et non pas par nos impôts via le budget communal – et donc retirés du bord de nos routes et autres quartiers !
Comment parler de vie digne pour les plus âgé/es, et ne pas être, avec les familles, offensif vis-à-vis de l’État qui brise les outils de solidarité, qui ne met pas les moyens qu’il faut pour que la dernière période de leur vie, ne soit pas synonyme de mal-être, d’isolement, pour que leurs conditions de logement et de vie soient dignes après des années de labeur qui ont enrichis quelques-uns !
Surtout, comment encore et fondamentalement aborder avec une chance de succès réel ces préoccupations, sans mettre au cœur du projet la démocratie participative réelle et pas formelle, pour que la population se mêle enfin de ce qui la concerne directement. Ce signifie donc que la population doit pouvoir décider et contrôler son quotidien. Que celle-ci puisse dire son mot sur le budget communal, sur les priorités à donner à ceci ou à cela. Ce qui la conduira à questionner le budget lui-même. Savoir notamment, si avec les budgets des communes tels qu’ils sont aujourd’hui, les municipalités sont en capacité de satisfaire les besoins essentiels des citoyens, sachant en outre que l’État a mis sur le dos des collectivités, et des mairies notamment, des missions supplémentaires sans moyens additionnels.
Alors, oui, nous aurions souhaité, comme beaucoup, que ces préoccupations soient au cœur des débats. Ce qui mettrait évidemment la question de l’insuffisance des budgets des municipalités sur le devant de la scène. Ce qui conduirait à questionner le système capitaliste et son fonctionnement, avec des miettes pour le plus grand nombre, et une richesse insolente pour quelques uns. Avec clairement l’impératif d’aller prendre l’argent où il se trouve. Avec l’impératif d’indiquer la nécessité d’une autre répartition des richesses pour satisfaire les besoins du plus grand nombre, puisqu’elle constitue la seule orientation crédible. Une orientation qui peine à émerger avec l’immense majorité de ceux et celles qui briguent nos mandats !
Max Dorléans (GRS)