— Par l’UFM —
Fort de France, le 6 août 2019
Objet : Réaction à propos de la rubrique « Mémoire sensible », article des 3 et 4 août 2019 intitulée « Histoire…de femmes tuées »
Lettre ouverte à la Rédaction de France-Antilles
Nous avons découvert avec stupéfaction votre dossier paru dans l’édition des 3 et 4 août dernier, intitulé en 1ère de couverture « Histoire…de femmes tuées » mais en réalité, en page 6 et 7 : « Féminicides : l’acte d’après ».
Son introduction surfe sur l’actualité, l’organisation d’un Grenelle consacré à la lutte contre les violences envers les femmes, mais la double page du dossier porte exclusivement sur des auteurs de féminicides qui se sont donné la mort après leur meurtre ou assassinat de leur compagne ou ex-compagne.
On peut se demander quel est votre objectif en faisant ressortir de l’ombre ces horreurs de l’époque, et comment elles seront ressenties : une recherche du sensationnel macabre ? que la population s’apitoie sur le sort de ces criminels ? Qu’elle considère comme des « faits divers » les meurtres et les suicides, ou comme une fatalité parmi tant d’autres ?
A l’heure où l’on dénombre par moins de 85 féminicides en France et en outre-mer depuis le 1er janvier 2019 – chiffres effroyables cette année d’une gravité sans commune mesure – l’orientation prise par votre rédaction, nous semble incongrue voire tendancieuse !
A la lecture de cet article, nous regrettons le peu de considération pour le plus important :
– les femmes victimes
– les familles des victimes, et de leur souffrance ravivée par le rappel de ces faits
– ces enfants qui grandiront, sans mère et sans père, traumatisé.e.s par ces drames, par tant de souffrance ! Quel avenir leur réserve-t-on ?
– l’analyse de ces actes horribles, et de leurs conséquences
– une analyse sur les suicides et leurs raisons …
Il importe de rappeler que ces auteurs de féminicides, ces criminels, ont en majeure partie délibérément choisi de se soustraire à la justice par lâcheté, égocentrisme ? ne pouvant maîtriser leur frustration…après le « NON, ça suffit » refusé à leur (ex)conjointe !
Quelles raisons autorisent ces hommes à s’approprier la vie de leur (ex)conjointe, voire des enfants, souvent les leurs, et autres victimes directes et indirectes ? Il n’y en a pas…AUCUNE…sauf la jalousie, l’emprise, la domination machiste… gratuite !!!
N’oublions pas ici les nouvelles victimes, inscrites désormais au compteur de l’horreur, de cette boucherie gratuite et qui ne cesse de s’emballer ! Ni les milliers de femmes qui, chez nous, au quotidien, vivent dans la peur, la souffrance de ces violences de toutes formes de la part de leur (ex) conjoint.
Sans cesse, nous, associations féministes, personnel du secteur social ou autres, oeuvrant sur le terrain depuis des décennies, répétons que c’est ENSEMBLE, citoyen.ne ;s, administrations, politiques, que nous réussirons SOLIDAIREMENT à faire reculer ces violences conjugales jusqu’aux plus extrêmes, phénomène sociétal : la sensibilisation de la population, l’éducation de nos jeunes, le renforcement de l’accompagnement des victimes afin qu’elles s’en sortent le mieux possible, la formation de l’ensemble du personnel judiciaire et des forces de l’ordre, et le respect des procédures internes mais aussi la sanction des auteurs sont indispensables. Les moyens manquent sévèrement à l’appel… !
La population a manifesté, sans réserve, ses encouragements s’agissant de l’initiative prise par l’UFM en 2018, suite au énième féminicide enregistré en Martinique (*). Nous avons en effet enregistré plus de 11 000 signatures et sollicité tant le Préfet, la CTM, les parlementaires, l’ensemble des maires pour, qu’enfin, une véritable politique locale de proximité, au quotidien, de lutte contre les violences envers les femmes en Martinique soit mise en place, en concertation avec les professionnel.le.s et bénévoles aguerri.e.s de la place.
C’est le sens de la mobilisation en France, qui a amené le gouvernement à organiser ce Grenelle en septembre pour définir des axes de travail à la mesure du phénomène, ayant été déclaré « Grande cause du quinquennat » en cours. Celui-ci ne peut être dissocié de l’égalité entre les femmes et les hommes, et de conditions de vie décentes.
Les médias ont un rôle important à jouer : de sensibilisation, de dénonciation, de modèles positifs…plutôt que des rappels d’évènements macabres et violents. il y a de quoi faire ! Nous comptons sur vous pour cette cause citoyenne et humaniste.
Salutations solidaires…Féministes tant qu’il le faudra !!!
Rita BONHEUR – Gisèle DERIGENT – Catherine HEMART
de l’Union des Femmes de Martinique
(*) Féminicides en Martinique : de 1998 à 2018 : 26 femmes