Pour un marxisme clairvoyant !
— Par Max Dorléans (GRS) —
La famille est libéraux est très grande, et nous devons en avoir une claire conscience pour nous permettre de voir plus nettement et d’agir en conséquence. On pourrait presque dire que cette famille semble sans borne, au point que depuis quelques décennies, beaucoup de citoyen/nes ont perdu leurs repères, ne s’y retrouvent plus, parce que le clivage d’hier qui semblait pertinent à l’immense majorité de la population, entre partis de gauche et partis de droite, s’est considérablement érodé. Au point que le fameux « ni droite, ni gauche » employé à dessein pour brouiller les pistes de réflexion, pour accréditer l’idée que les différentes idéologies d’hier de gauche et de droite n’existent plus, que la ligne de démarcation droite-gauche est complètement désuète, et relève de nos jours d’une idéologie dépassée, a pour but de discréditer celles et ceux qui aujourd’hui encore parlent de lutte de classes, d’intérêts contradictoires entre possédants et démunis, entre classe possédante et classe non possédante. En gros, disqualifier celles et ceux qui disent que la pensée marxiste comme outil d’analyse, est pertinente, n’est pas à jeter à la poubelle comme cherchent à le faire croire les brouilleurs de pistes qui dirigent la société, et qu’il ne s’agit point, comme le professent ces charlatans et apologistes du système capitaliste libéral actuel, d’archaïsmes et de pensées dépassées, incapables de penser le 21 ème siècle. Sauf qu’en réalité, le marxisme permet encore à celles et ceux qui l’utilisent comme instrument de connaissances et de compréhension de l’évolution de nos sociétés, d’avoir une boussole pour l’action, indiquant sans faille la permanence dans l’histoire des sociétés humaines, à partir d’un certain stade, de classes sociales aux intérêts radicalement opposés, et donc aux projets fondamentalement différents.
Et par conséquent, loin du « ni droite, ni gauche », il est faux de prétendre à l’absence d’idéologies différentes à reléguer aux oubliettes. Faux d’évoquer l’inexistence d’idéologies différentes et porteuses de projet de société très différents, sinon opposés. Ce qui veut dire qu’il faut expliquer que pour beaucoup de partis se déclarant formellement de la gauche, de partis prétendant défendre les intérêts du plus grand nombre, il s’agit à la fois d’alignement sur la pensée libérale de droite et les « lois du marché », et de renoncement par ces partis, à l’idée et au projet de changer en profondeur la société. Ce qui signifie donc que le « ni droite, ni gauche » est de la fumisterie, du brouillard visant à faire croire à l’existence de projet commun à toutes et à tous, à l’existence d’un intérêt général qui transcenderait les classes sociales et les individus. Que le « ni droite, ni gauche » est en réalité lui-même un vrai discours purement idéologique trompeur, car des projets radicaux de gauche continuent d’exister et cherchent à précisément indiquer l’existence de projet alternatif et opposé à modèle porté par cette société, parce que la lutte de classes n’a pas par enchantement disparu, et que les intérêts des dominants ne sont pas les intérêts de l’immense majorité. Car les intérêts des puissants sont clairement opposés et contradictoires de ceux qui triment chaque jour, et que le dire ne traduit en réalité qu’une vérité toute simple vécue au quotidien par l’immense majorité de la population. A savoir que les inégalités sociales explosent, que la vie quotidiennement plus chère est insupportable pour les plus démuni/es, que la paupérisation chaque jour de fractions plus larges de la société n’est pas une vue de l’esprit, que l’avenir est bouché pour les générations actuelles et à venir, que le ciel s’assombrit toujours plus au détriment du plus grand nombre en raison de l’existence d’une société capitaliste dont la minorité de pwofiteurs tire profit et pouvoir. Alors, le « ni droite, ni gauche », doit-on continuer de se faire leurrer avec ce vrai discours idéologique mensonger, doit-on croire encore à cette fadaise qui asphyxie et paralyse certain/es, ou doit-on examiner en toute lucidité le cours réel du développement de l’actuelle société fait de difficultés de natures diverses pour l’immense majorité de la population, et dont la crise systémique du capitalisme n’épargne aucun domaine de notre vécu, aussi bien individuel que collectif, ici même comme ailleurs sur la planète. Dès lors, ne devons-nous pas plutôt nous résoudre, à dire que le clivage droite/gauche est fondé ; qu’il ne s’agit pas d’une lubie ou d’un fantasme d’encrouté/es et de « has been » rivés à leurs vieux démons idéologiques ; que ce clivage mérite par conséquent toute notre attention et toute notre considération, parce qu’en réalité c’est un même discours libéral qui nous est servi en France comme ici par certains de droite (LR, UDI, Forces martiniquaises de progrès …) – et de droite extrême – et d’autres de gauche (PS, Mouvement républicain et citoyen, Génération.s, PSM…) même si évidemment cette idée insupporte certains à gauche. Un découpage « classiste » entre libéraux de gauche et libéraux de droite qui inclut des variantes et sous-groupes, dont les batailles sont loin d’être de simples escarmouches, comme le montrent ces jours-ci, au sein des « DOM », les récentes attaques portées par des libéraux de droite antimonopolistes (Max Dubois…) contre des ultra-libéraux patentés de droite (Groupe Bernard Hayot), sur la question du partage de rente « bananière ». Entre une branche ultra-libérale qui entend, parce que toute puissante, emporter l’intégralité de la mise (à savoir la totalité de subventions européennes notamment), et une autre branche opposée au monopole et/ou quasi-monopole de GBH (Groupe Bernard Hayot), et qui entend avoir sa part du gâteau, sans évidemment discuter, et encore moins remettre en cause l’existence même du gâteau, en l’occurrence la monoproduction de bananes à laquelle sont attelées les subventions . Des variantes que l’on trouve également à gauche, puisque parmi les libéraux de gauche, outre la gauche classique libérale martiniquaise (FSM, PSM, Bâtir, PPM…) certaines organisations indépendantistes ne sont pas moins libérales que d’autres qu’elles fustigent. Alors, au diable le « ni droite, ni gauche », et oui à un marxisme vivant qui rende compte de la situation de notre Martinique et du monde, et qui soit un indispensable outil pour l’action.
Max Dorléans (GRS) le 10 avril 2021