— Par Julien Sartre —
Directrice suspendue à titre conservatoire, plaintes croisées pour détournement de fonds publics, signalements à différents procureurs… le MACTe est dans la tourmente. 420 000 euros ont mystérieusement disparu et peinent à réapparaître dans la comptabilité de l’établissement public.
En Guadeloupe, une plainte pour détournement de fonds publics peut en cacher une autre. Il en est de même pour les accusations de corruption et de malversations, par média interposé. Depuis deux mois, les habitants de cette île des Antilles françaises assistent, médusés, au naufrage d’une institution mémorielle et muséale importante : le Mémorial ACTe (MACTe), aussi connu comme le Centre caribéen d’expression et de mémoire de la traite de l’esclavage.
Le lieu, geste architectural épuré et impressionnant, se trouve sur le site d’une ancienne usine sucrière, en face du port, sur le front de mer de Pointe-à-Pitre. Il a été inauguré en mai 2015 par le président de la République d’alors, François Hollande.
Lundi 29 mars, un nouveau conseil d’administration devait y avoir lieu, une semaine après une précédente réunion houleuse… et interrompue. Le sort de la directrice, Laurella Rincon, est dans la balance : suspendue à titre conservatoire en raison « des tensions sociales extrêmes », du droit de retrait exercé par une partie du personnel et d’une « affaire inextricable », sa révocation est sur le point d’être votée par les administrateurs.
« L’affaire inextricable » a débuté en février avec la révélation par la chaîne locale de télévision Guadeloupe La Première des notes de taxi de Laurella Rincon. Une ardoise de plus de 5 000 euros, pour des courses effectuées d’octobre à décembre 2019, que l’institution refuse de payer, au grand dam de l’intéressée.
Contactée par Mediapart, cette dernière justifie ces frais engagés par la collectivité par le fait qu’elle n’avait pas le permis de conduire, qu’il n’y a « pas de transport public fonctionnel en Guadeloupe, [qu’]il y a un pool de chauffeurs pour cela et [qu’]un avenant a été fait à [son] contrat ». Laurella Rincon ne reconnaît aucune embauche illégale, conteste tout mésusage de fonds publics.
Le syndicat CFTC de Guadeloupe a déposé plainte contre elle pour « emploi fictif », « détournement de fonds publics, irrégularités dans le fonctionnement du conseil d’administration » et « harcèlement moral ». Dans la presse locale, « l’affaire des notes de taxi de madame la directrice » défraie la chronique. Laurella Rincon dépose plainte à son tour pour « dénonciation calomnieuse » contre le syndicaliste de la CFTC.
« Il n’est pas tolérable que ma cliente soit jetée en pâture sur la place publique sous prétexte qu’elle entend dénoncer des pratiques de gestion opaques qui, aujourd’hui, semblent plus que jamais perturber l’écosystème en place, argumente son avocate parisienne, Me Nollary Yim-Dunand, dans une réponse écrite qu’elle a fait parvenir à Mediapart. Sa mise à pied n’est qu’une réponse maladroite à la panique qui semble envahir certains décideurs locaux, coalisés pour la circonstance car inquiets des conséquences judiciaires. Malgré cela, Madame Laurella Rincon n’entend laisser quiconque porter atteinte à sa dignité ou salir sa réputation, encore moins par des individus s’abritant derrière une respectabilité de façade tout en s’affranchissant des règles de droit élémentaires par aveuglement, habitudes malsaines ou impression d’impunité. »
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Lire le droit de réponse du Président du MACTe
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