Luçon (France) – « Des prêtres ont commis des crimes de violences sexuelles contre des enfants »: pour la première fois en France, une plaque fait désormais « mémoire » aux dizaines de victimes agressées depuis les années 1940 au diocèse vendéen de Luçon.
Dans un silence recueilli à la cathédrale de Luçon dimanche après-midi, Mgr François Jacolin a dévoilé devant 250 personnes une plaque où est inscrit un long texte de repentance de l’Eglise de Vendée.
Rassemblées dans le cloître, il y a parmi elles, une trentaine de victimes abusées durant leur enfance, leur entourage, des prêtres et des fidèles.
« Des prêtres ont commis des violences sexuelles contre des enfants qui leur étaient confiés« , lit-on sur cette plaque. « Des pasteurs à la tête du diocèse de Luçon ont manqué de lucidité, de courage et de justice devant de tels actes, aggravant ainsi les souffrances des enfants violentés, et exposant d’autres enfants aux mêmes risques« , ajoute ce texte qui appelle les prêtres mis en cause à demander « pardon » et vivre dans le « repentir« .
Installée dans une chapelle de la cathédrale, la plaque honore la mémoire de ces enfants agressées par des hommes d’église, en Vendée depuis 1940.
Un geste salué par le collectif des victimes de Vendée et son cofondateur Jean-Pierre Sautreau, ancien pensionnaire de Chavagnes-en-Paillers, abusé à 12 ans. Son livre, « Une Croix sur l’enfance » paru en 2018, a déclenché une enquête au diocèse de Luçon.
« Quand j’ai écrit mon premier livre, je ne pensais pas réunir autant de victimes autour de moi (il en dénombre 120 ndlr). C’est un premier pas et un geste très fort de la part de l’évêque de Vendée. On est réparés localement mais on attend que l’Eglise de France et les autres évêques effectuent également cette démarche« , a-t-il dit.
Silencieux dimanche, l’évêque de Luçon rappelait il y a quelques jours à l’AFP que « c’était une demande d’un certain nombre de victimes pour que soit fait mémoire, symboliquement« . « On ne peut jamais réparer totalement« , admettait-il.
Cette déclaration de repentance avait été annoncée en octobre par l’évêque qui avait dénombré 65 victimes depuis les années 1940, dont 12 femmes.
L’enquête avait été menée sur des faits de pédophilie durant la période 1950-1979, dans deux établissements, Chavagnes-en-Paillers et l’institution Saint-Joseph de Fontenay-le-Comte.
– « Une reconnaissance incommensurable » –
Leurs souvenirs enfouis, la plupart des victimes expriment une émotion rentrée.
« Cette cérémonie, cette plaque, chaque victime est reconnue comme telle, elles peuvent de nouveau se regarder dans la glace, et dans les yeux des autres« , affirme Michel, 66 ans et retraité, abusé à Chavagnes. Père de trois enfants, il n’en avait jamais parlé avant le livre de Jean-Pierre Sautreau.
« C’est un geste très fort, c’est un premier pas mais il faut aller plus loin car on a eu des vies brisées« , souligne cet homme qui n’a pas l’impression « d’avoir été heureux« . « Je n’ai pas eu la carrière que j’aurais voulu à cause de mes addictions et j’ai eu du mal à aimer parce que je ne m’aimais pas moi-même. Heureusement mes trois enfants ont réussi« , se console le sexagénaire qui attend des réparations financières.
Pour Blandine Chaillou-Berthier, 68 ans, violée à 6 ans par son oncle prêtre, cette cérémonie est « une reconnaissance incommensurable« . Elle est de ces « adultes qui ont été des enfants sacrifiés » et y voit « une première étape dans la restauration de notre dignité« , « la vérité devait être dite et reconnue« .
Si la pose de cette plaque est bien une première en France, selon la Conférence des évêques de France (CEF), elle « n’est sans doute pas la dernière« , a souligné la CEF auprès de l’AFP.
La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) doit rendre ses travaux fin septembre. Lors d’un point d’étape en mars, elle a estimé le nombre de victimes de pédocriminalité dans l’Eglise à « au moins 10.000 » depuis 1950.
En Suisse romande, l’Eglise catholique a récemment procédé à la pose de telles plaques, en novembre 2019 dans la cathédrale de St-Nicolas à Fribourg et en février 2020 à Monthey.
Source : AFP / Sud-Ouest