France-Antilles : Notre rubrique du week-end, « Pawol anba fey » est aussi de retour depuis le 1er avril ! En ces temps de confinement, ne vous en privez pas, ça fait du bien au moral !
France-Antilles, pour le moment journal web seulement — « il est où le bonheur, il est où »… demande la chanson… bonheur d’aller chaque jour en ville acheter le journal version papier, et d’en tourner les pages, au risque parfois de se noircir quelque peu d’encre fraîche le bout des doigts, ou la nappe blanche sur la table étalée, en remplissant la page « jeux » —, France- Antilles donc nous offre de nouveau sa petite chronique humoristique hebdomadaire, pleine de bon sens populaire, en français mâtiné de créole martiniquais… Quelques minutes de lecture heureuse, d’autant plus qu’elle s’accompagne là d’un dessin original de Gabourg, agrémenté d’un bien joli texte! Une invite à lire, à rire, et à réfléchir… Un vrai cadeau ! (Janine Bailly)
Mennen mwen alé souplé…
Péloponèse (*) qui est aussi connue sous le ti-nom de Fonmi-wouj, fait partie des gens que le coronavirus qui est tombé sur nous là, a fini de conforter dans les certitudes que notre bas-monde est maudit. Et que, le mieux qu’il nous reste à faire, c’est de le quitter au plus vite. En tout cas, c’est la conviction de Péloponèse et ce, avant même toute cette malédiction d’aujourd’hui. Reste que pour quitter le monde de notre malheur et rejoindre le grand bonheur éternel, il n’y a pas cinquante solutions. Il y en a trois :
– Soit mettre fin à son séjour sur terre de ses propres mains.
– Soit proposer à quelqu’un de le faire pour vous.
– Soit s’en remettre à la volonté du Seigneur.
Dans le premier cas, si Fonmi-wouj est plutôt douée pour mordre tous ceux qui s’approchent d’elle de trop près, il ne faut pas trop compter sur elle pour s’autodétruire. Ce que l’on appelle en français son instinct de vie est aussi à vif qu’un bobo koulé san.
Ne parlons même pas du deuxième cas. Péloponèse ne mettant sa confiance dans les mains de personne, on ne voit pas à qui elle pourrait demander de venir l’étrangler pour elle-même. En réalité, il y en a sans doute plusieurs qui rêveraient de le faire, mais pas sur sa demande.
Reste donc la 3e voie ( comme dirait un célèbre politicien). Celle de la Volonté Céleste.
Aussi, depuis cette histoire de coronavirus, Péloponèse a multiplié au moins par 19 sa quête quotidienne auprès du Divin afin qu’Il puisse la faire voyager à sa rencontre.
Pour ce grand voyage vers ce qui ne peut être autrement que le Paradis, elle ne pose aucune exigence particulière, si ce n’est que la course soit brève et de préférence de nuit.
Fonmi-wouj n’est pas particulièrement une romantique et voyager de jour à regarder défiler les paysages jusqu’au ciel, ne l’enchante guère. L’avantage de la nuit, c’est qu’elle pourra continuer à dormir sur le chemin.
Quoi qu’il en soit, à notre connaissance jusqu’à ce jour, les prières de Péloponèse restent vaines. Et il n’y a pas là de quoi l’agrémenter d’une pincée de bonne humeur chaque fois que le matin se lève et qu’elle se réveille vivante, seule debout sur le bord de la route d’une nouvelle journée de vie.
Et de vie Péloponèse, qui écoute la radio et la télévision toute la journée, est de jour en jour persuadée que de vie, il y en aura de moins en moins sur notre terre.
Même si Fonmi-wouj n’est en rien une poétesse, il y a des choses, avant même son premier pipi du matin et le contact de son chapelet, qui lui chagrinent dans la tête.
Elle se demande pourquoi on a fait s’éteindre les bèt afè, pourquoi on a coupé les ailes des demoiselles, pourquoi on a enlevé la selle des chouval bondié, fait taire les cabrits des bois…
Elle se demande pourquoi aujourd’hui, il est plus dangereux de s’embrasser que de se haïr.
Pourquoi, ce sont les maîtres et les maîtresses qui pleurent pour retourner à l’école plutôt que les enfants.
Pourquoi il est plus salutaire de prier seul plutôt qu’en communion…
Péloponèse perd, un peu plus chaque jour, toutes les illusions de son monde. Celui qu’on lui a tant vanté qu’il était bon.
C’est certainement pour cela que toute sa vie, elle s’est levée Fonmi-wouj contre ce vieux monde là…
Et, dans le corridor de sa vie, brûle un dernier flambeau. J’ai bien peur que l’avenir ne puisse ranimer la flamme qu’elle laissera.
(*) A une grande dame de la vie