Les députés ultramarins, dont beaucoup siègent dans l’opposition, ne s’estiment pas écoutés par le pouvoir, alors que leurs territoires sont frappés par de fortes crises sociales, économiques et écologiques.
— Par Nathalie Guibert —
Ils ont joué groupés sur les retraites. Pour refuser une réforme qui pénaliserait leurs territoires d’outre-mer déjà déshérités, intégrer la prime de vie chère des fonctionnaires dans les pensions, ou exiger des mesures d’égalité pour les agriculteurs… Au Palais-Bourbon, les députés ultramarins resserrent les rangs face à l’exécutif, depuis plusieurs mois. « Nous avons pris toute notre part dans le débat national car les retraités des outre-mer sont un impensé du gouvernement, souligne Karine Lebon, élue de La Réunion (Gauche démocrate et républicaine, GDR). Or nous avons une pension moyenne inférieure de 28 % à celle de l’Hexagone, avec quatre fois plus de personnes dépendant du minimum vieillesse. »
Siégeant pour la première fois de l’histoire dans l’opposition – pour 23 d’entre eux sur 27 –, bien ancrés dans leur circonscription, combatifs dans l’Hémicycle et adeptes de rapports directs avec les pouvoirs centraux, ces députés parfois néophytes se voient comme des sentinelles du malaise démocratique. « Assez », martèlent-ils quelle que soit leur sensibilité politique, de la « verticalité » du pouvoir, auquel ils reprochent un manque de considération autant que de résultats.
Alors nouvelle arrivée, Karine Lebon s’était « sentie humiliée » lors de l’examen du projet de loi de finances 2022. « On avait un ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, qui non seulement rejetait tous nos amendements, mais nous parlait avec un mépris difficile à supporter, au point qu’on avait décidé d’arrêter de défendre nos textes. J’ai entendu un collègue de la majorité dire : “Les outre-mer, ça ne change pas, ce sont toujours les pleureuses de la République”. »
« Un niveau de frustration terrible »
« Chez nous, ça va péter. Les gens sont déjà dans le coup d’après, ils ne croient plus à la négociation », affirme Jean-Victor Castor (GDR, Guyane). Selon l’indépendantiste Moetai Brotherson (GDR, Polynésie), président de la délégation outre-mer du Palais-Bourbon, « l’idée n’est pas de se séparer de l’ensemble républicain. Mais il faut arrêter de croire que les solutions viennent d’en haut. Le casque colonial, parfois, c’est nous qui l’avons encore vissé sur le crâne »…
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