La remise des prix pour la 63° édition du festival de Berlin a consacré des films venus de petits pays
La 63e Berlinale s’est achevée samedi 16 février par un palmarès relativement équitable, à l’image de la compétition. Jusque dans la faute de goût finale avec l’attribution surprise et incompréhensible de l’Ours d’argent du « meilleur réalisateur » à David Gordon Green pour un film surtout remarquable par sa bêtise et sa médiocrité (Prince Avalanche). On sent dans cette distinction, qui n’est pas mineure, le résultat d’un compromis introuvable entre les membres du jury qui ont fini par neutraliser les bons metteurs en scène pour couronner, in fine, le pire d’entre eux.
Intuition confirmée par la double mention spéciale attribuée à Gus Van Sant pour Promised Land et à la Sud-Africaine Pia Marais pour Leyla Fourie, un très beau film qui méritait mieux que ce lot de consolation (les lauréats ne sont même pas invités à monter sur scène). En dehors de cet accroc regrettable, le palmarès d’un jury présidé par l’imprévisible Wong Kar Waï a respecté l’équilibre moyen de cette sélection d’où aucun film ne se détachait nettement.
L’Ours d’or attribué à Child’s Pose, de Călin Peter Netzer (également Prix de la critique internationale) consacre l’essor du cinéma roumain, dans le sillage de Cristian Miungiu. Ce film suit l’acharnement de la mère d’une famille aisée, qui veut innocenter son fils, coupable d’avoir renversé et tué un enfant sur la route. La victime est le fils de pauvres gens qu’elle va adroitement circonvenir, en usant de sa propre douleur de mère, après avoir poussé le témoin principal à modifier sa déposition et son propre fils à minimiser sa responsabilité.
Cet Ours d’or rendra plus forts les professionnels du cinéma roumain
Film marquant mais qui souffre cependant de deux défauts. L’un formel par le recours épuisant à la caméra sur l’épaule qui donne le mal de mer, tic esthétique, trop répandu aujourd’hui ; l’autre moral car le film s’achève sur une impression nauséeuse qui peut se résumer ainsi : l’indécence et le pardon, sur fond d’impunité.
En recevant la récompense suprême, la productrice de Child’s Pose a profité de cette tribune pour mettre en cause, avec fermeté, les autorités roumaines qui s’en prennent à la culture et n’ont pas compris que le cinéma, dans sa vitalité actuelle, était « le meilleur ambassadeur » du pays. Elle a même souligné que si ce film avait dû être produit dans les conditions actuelles, il n’aurait jamais vu le jour.
Comme un défi, elle a clamé que cet Ours d’or rendrait plus forts et plus déterminés les professionnels du cinéma roumain. Enfin, après s’en être prise à la censure politique, elle a dénoncé « la censure commerciale » qui pénalise les films d’auteur, en les empêchant d’atteindre le public. Message tonique et revigorant qui tranchait sur les remerciements habituels et convenus.
Le Bosniaque Denis Tanovic est l’un des grands gagnants de cette compétition puisque son film An episode in the life of an iron picker (que l’on pourrait traduire par Un épisode dans la vie d’un biffin) repart avec le Grand prix du jury et son acteur principal, Nazif Mujic, avec l’Ours d’argent de la meilleure interprétation alors qu’il est dans la vie un Rom au chômage. Il n’avait consenti qu’après des mois de discussion à jouer un épisode de sa propre vie.
Dans un style naturaliste, sans concession, Danis Tanovic suit la galère d’une famille, démunie, dans une situation d’urgence où tout lui est refusé, y compris des soins vitaux à l’hôpital, parce qu’elle n’a pas d’argent. Chronique de la misère, vécue sans révolte, avec une énergie opiniâtre, un sens discret de la solidarité, une générosité et une pulsion de vie incarnée par deux fillettes bondissantes dont la gaîté est un démenti au malheur ambiant.
Paulina Garcia, meilleure actrice
L’Ours d’argent de la meilleure actrice est revenu à l’archi-favorite, Paulina Garcia, pour sa composition d’une célibataire en quête d’amour, dans Gloria, de Sebastián Lelio (Prix du jury œcuménique). Son interprétation a éclairé et dominé tous les rôles de femmes mûres, abondants dans cette sélection. Ce que n’a pas manqué de souligner, au nom de toutes les femmes, la productrice de Child’s pose. Il était difficile de ne pas y entendre au mieux un appel, au pire un coup de pied de l’âne au Festival de Cannes, attaqué l’an dernier pour n’avoir retenu aucun film de femmes…