A horizon 2030, de sérieuses menaces existentielles vont planer sur la Guadeloupe !

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

Faute de se projeter suffisamment dans l’avenir, notre pays est aujourd’hui au bord d’une crise profonde. Mais il n’est pas trop tard pour imaginer ce que sera notre société dans quelques années et faire en sorte de s’y préparer au mieux dès maintenant, car une Guadeloupe  isolée de la France hexagonale par la fameuse  différenciation prônée par le gouvernement serait inaudible compte tenu des circonstances au moment de la survenue de nouvelles crises, notamment celle de la réduction drastique de la dépense publique et l’endettement public et privé.

L’année 2030 et les suivantes seront -t-elles de nouvelles annus horribilis pour notre vivre ensemble et notre économie ? 
Contrairement à d’autres pays, il n’existe en Guadeloupe aucune réflexion sérieuse sur ce que le pays pourra devenir en 2030, dans sept ans, c’est-à-dire demain matin ; et encore moins sur ce qu’il peut choisir de devenir en 2040 ou 2050.

Déplorer plus tard et après coup, la montée exponentielle des crises en Guadeloupe sera stérile, car elles répondent à une logique, celle des perdants de la globalisation et du progrès technologique. Les crises restent imprévisibles parce qu’elles résultent de la cristallisation de facteurs innombrables que l’on ne sait pas mesurer.

La préparation de l’avenir de la Guadeloupe se fait dans un présent chargé d’interrogations e France hexagonale..

Les Français n’ont pas la tête économique mais politique », écrivait Alexis de Tocqueville en 1848. A ce peu d’affinité pour l’économie s’ajoutent des fractures multiples à savoir une aversion surannée pour le capitalisme et un penchant actuel pour un Etat autoritaire et l’intervention forte de l’Etat dans la sphère économique.

Une partie de l’élite politique ne semble pas avoir pleinement conscience des enjeux qui se dessinent dès maintenant pour le futur de la Guadeloupe.

Ces marchands d’illusions et leur vision court-termiste de la chose publique ne feront qu’aggraver les difficultés de notre pays. Vrais problèmes, mauvaises solutions. Le repli sur soi n’apportera aucune réponse à des défis bien réels.

Ce sont d’abord des défis anxiogènes qu’il va falloir affronter de plein fouet, et non continuer à se complaire dans la politique de l’autruche. C’est ce paradoxe d’un champ de l’action publique reposant entièrement sur une catégorie de gens adeptes du court-terme aux contours mal définis dont il nous a paru important d’explorer les effets, car ce flou définitionnel explique le caractère parfois bricolé, discontinu et arbitraire de nos politiques publiques. S’ils se donnent avant tout à voir sur le plan sanitaire avec les problématiques récurrentes de l’hôpital et l’eau, les effets du court termisme sont aussi économiques, sociaux et politiques. Plusieurs analyses pointent les risques que la crise – ou plutôt sa gestion – font courir à la cohésion sociale de la Guadeloupe dans un proche avenir.

Pour nous, la gestion de ces futures crises va restreindre l’ordre politique, à savoir la structure d’une démocratie de représentation et de surveillance. Les crises n’auront pas seulement restreints des libertés individuelles, elles vont se traduire aussi par la mise en suspens de ce que des philosophes politiques appellent « l’espace public », ce dernier n’existant plus que sous une forme virtualisée. 

Face à la sphère politique nationale jacobine, nous devons aujourd’hui avoir le courage de mettre en place une vraie politique de réformes pour faire émerger très rapidement un nouveau paradigme de société, plutôt que d’utiliser les mêmes et coûteuses rustines que les quarante dernières années. L’idée est d’apprendre du passé en s’inspirant du présent afin de se projeter dans le futur et concevoir les souhaitables. 

Donc pour ce faire, nous devons préparer notre société non seulement aux affres du changement climatique, mais également à une autre source de peurs, celle de la révolution numérique qui suscite des inquiétudes pour la cohésion sociale et l’emploi. De fait, il convient d’imaginer de nouvelles régulations, promouvoir l’innovation, renforcer l’éducation et la formation professionnelle.

Le problème est donc perçu comme vital, au sens propre du terme, il l’est d’autant plus qu’il s’accompagne de la conviction qu’inéluctablement un jour viendra où les évènements nous rappellerons à nos manquements. Comment dès lors exorciser le danger ?

La nouvelle stratégie politique de nos décideurs à l’horizon 2030 doit viser l’accompagnement de l’évolution de l’économie en anticipant la menace du changement climatique et en intégrant davantage, dans nos plans de développement, des mesures de protection contre l’intelligence artificielle potentiellement nuisible à la compétitivité de l’économie locale.

Cette stratégie d’aménagement de l’économie devrait répondre à des enjeux multiples, qui portent sur : le changement climatique et l’intelligence artificielle.

Le changement climatique constitue une « menace existentielle » pour la Guadeloupe.

En vérité, nous sommes tous choqués par la férocité des phénomènes météorologiques extrêmes en 2023. Alors que 2023 est en voie de devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée,en Guadeloupe,  des régions entières ont subi des vagues de chaleur meurtrières, des tempêtes, des inondations, enchaînant parfois une catastrophe après l’autre.

Côté océans, les températures « sont complètement hors normes » depuis des mois, sans que les scientifiques parviennent encore à l’expliquer pleinement. Pour ces scientifiques, le constat est sans appel : « la vie sur la planète Terre est en état de siège ».

Pour autant, se pose d’autres types de problèmes, car en effet, selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), publié en juillet 2019, Le réchauffement climatique ferait perdre beaucoup d’emplois.

Pourquoi ? Dans le sud de l’Espagne, de l’Italie,du Portugal, et de la France, où le climat est de plus en plus sec, des agriculteurs se mettent à cultiver des fruits exotiques.Certains cultivateurs italiens, espagnols et français abandonnent désormais les agrumes pour se tourner vers les patates douces, les citrons verts, oranges, mangues, goyaves ou encore les bananes, pour s’adapter à l’augmentation des températures en Europe. Le risque pour la Guadeloupe c’est que cette mutation nous échappe totalement et que nous nous retrouvons pieds et poings liés à une dépendance accrue de la France haxagonale.
D’après le rapport, une augmentation de 1,5° de la température sur l’ensemble de la planète risque de faire disparaître l’équivalent de 180 millions de postes à temps plein d’ici 2030. Dans les plus grandes économies du monde occidental et des pays émergents, un quart du travail actuel pourrait être automatisé avec de l’intelligence artificielle, selon Goldman Sachs. La banque américaine estime aussi que ChatGPT et ses émules pourraient contribuer, à terme, à faire disparaître 300 millions d’emplois dans le monde.

Et signalons surtout que parmi ces emplois perdus, beaucoup vont relever du secteur d’activité primaire et tertiaire, secteurs à prédominance de croissance pour la Guadeloupe. Il en est particulièrement pour le tourisme, en effet les pénuries d’eau deviendraient difficiles à gérer sous la pression du tourisme selon les lieux et saisons. Les récifs coralliens outre-mer seraient en danger. L’érosion littorale et la montée en puissance des ouragans comme récemment à Accapulco, bien que limitée aujourd’hui, viendrait menacer le modèle touristique balnéaire de la Guadeloupe ainsi que le tourisme vert qui monte en puissance actuellement.

Quant à la question de la problématique de l’intelligence artificielle, j’ai déjà eu l’occasion de m’appesantir sur la lenteur et le manque d’efficacité  de notre éducation nationale et de nos organismes de formation professionnelle… Et pour cause,   l’intelligence artificielle, malgré des enjeux majeurs, peine à se constituer en objet identifié et piloté des politiques publiques par nos responsables économiques et politiques.

Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de mettre l’accent sur cette menace de l’intelligence artificielle pour l’économie de la Guadeloupe. Cela étant dit, il y aura bien effectivement lieu un processus d’appauvrissement généralisé dû à la  » destruction créatrice  » ou principe de Schumpeter (l’évolution économique provoquée par l’innovation ne se déroule pas sur un rythme linéaire mais en suivant, à l’intérieur d’un cycle, une alternance de phases d’expansion et de crises), les inconvénients de la répartition des risques financiers ou titrisation – vont briser  le  consensus actuel de la société Guadeloupéenne.

La société OpenAI prédit l’émergence d’une future intelligence artificielle capable de bouleverser nos vies. ChatGPT n’est que le balbutiement du véritable potentiel de l’intelligence artificielle.

Elon Musk a prédit jeudi 2 mai 2023  que l’avenir de l’intelligence artificielle (IA) serait une «ère d’abondance pour une petite élite très bien formée aux algorithmes », et  pour d’autres, la survie avec un «revenu universel de base » , mais averti que des «robots humanoïdes» pourraient chasser les humains. Le patron de Tesla et de X (ex-Twitter) et cofondateur d’OpenAI,  a aussi prévenu que l’IA représentait l’une des « plus grandes menaces » pour l’Humanité… C’est pourquoi nous plaidons pour une refonte de notre système économique, en vue d’accorder la priorité aux secteurs essentiels d’une industrie agroalimentaire et à la mise en place de bonnes conditions de vie, comme la santé ou l’éducation. Peut-être convient-il de distinguer plusieurs générations de chefs d’entreprises, dont le trait distinctif serait moins la trajectoire sociale elle-même que les modalités de sa réinterprétation. Ce qui semble émerger aujourd’hui, comme dénominateur commun est, dès lors, plutôt le recours à la neuro-psychogénéalogie comme discours permettant la réinterprétation d’un passé douloureux et d’un vécu trop pesant, mais aussi comme discours objectivement accordé à la cohésion sociale. Préparer l’avenir, c’est réorienter dès maintenant notre économie vers les secteurs du tourisme de l’artisanat, et de l’industrie agroalimentaire, porteurs de retombées futures. Alors, dans ce moment, force est de constater qu’il faut  sortir des sentiers balisés de la politique politicienne, de la politique mortifère de l’assistanat, des idéologies qui n’ont plus droit de cité à l’ère du numérique et des changements géopolitiques, et nous réinventer les premiers parmi les collectivités de l’outre-mer.

« A pa lè ou fen pou mété manjé si difé. »…… Ce n’est pas au moment où tu as faim que tu fais cuire ton repas.

 

. Jean-Marie Nol économiste