— par Janine Bailly —
Alors que le monde entier — ou presque — bougeait, porté par son indignation après la mort de George Floyd, que l’onde de choc gagnait de ville en ville, certains attendaient impatiemment une réaction massive des citoyens de la Martinique… Puisque, comme le disait Martin Luther King, « il vient un temps où le silence est trahison » ! Une affirmation reprise sur la page web de « Jodia » : on pouvait en effet y lire, légendant la photo de ce pasteur américain, militant non-violent pour la reconnaissance des Droits civiques des Noirs aux États-Unis, lui-même assassiné le 4 avril 1968, le commentaire suivant : « Cette citation devrait résonner dans les îles muettes ». C’est fait, au soir de ce samedi 6 juin, la vague est arrivée, qui a brisé le silence ! À Fort-de-France, deux actions ont été organisées, deux manifestations bienvenues pour protester contre l’assassinat de George Floyd par des agents de police, le 25 mai 2020 à Minneapolis. Deux manifestations qui entendaient dénoncer le racisme de façon plus générale. Une occasion aussi de manifester contre les violences policières, où qu’elle soient ! Une façon de participer à ce que d’aucuns nomment déjà « une journée historique ».
Le matin :
Dès 9 heures, un rassemblement s’est d’abord tenu place de La Savane, près de la statue de Joséphine de Beauharnais, depuis belle lurette décapitée — par un « commando », en septembre1991. Des manifestants avaient fait le déplacement ce samedi, venus de diverses organisations syndicales et politiques. Selon « RCI Martinique » : MIR, CNR, LDNA, en connexion avec le CIPN et d’autres organisations guadeloupéennes, se sont associés pour que cette action soit simultanée en Martinique, en Guadeloupe et à Paris .
Selon « Freepawol », le MIR (Mouvement International pour les Réparations) avait invité la population martiniquaise à un « Gwan Sanblé… contre le racisme, la négrophobie, la suprématie blanche, dans un contexte où toutes les communautés se lèvent pour dire non aux violences policières, exacerbées aux État-Unis et par extension en Europe (France) ». Au cas George Floyd, on peut aussi adjoindre le cas Adama Traoré ; à travers l’hommage rendu à George Floyd, il serait rappelé le nom des victimes de violences policières. Garcin Malsa, président du MIR, a déclaré : « Nous sommes rassemblés dans un lieu symbolique pour dire non à la répression policière qui vise plus particulièrement les peuples noirs, aux États-Unis, mais aussi partout dans le monde, y compris en France et en Martinique. Ce que l’on vit est une insurrection des peuples et des consciences, c’est la renaissance de l’Humanité ».
L’après-midi de ce même jour :
À dix-sept heures, une marche réunissant de trois à cinq cents personnes, selon les sources, est partie de la Maison des Syndicats en direction de la Savane, à l’appel des « Trente ». Trente personnalités qui en effet avaient demandé aux Martiniquais de participer à cette manifestation pacifique contre le racisme, qui se voulait « rassemblement unitaire de solidarité avec les luttes anti-racistes aux États-Unis ». Le communiqué expliquait ainsi cette action : « La vague d’indignation qui soulève les villes des États-Unis d’Amérique après un énième crime raciste de la police, est légitime. La solidarité qui s’exprime à travers le monde nous remplit d’espoir. Nous, Martiniquaises et Martiniquais épris de justice, de dignité et d’humanité répondrons à l’interpellation de ces graves événements ». Dans le défilé on aura remarqué, outre la présence de personnalités du monde politique et du monde des arts, la participation importante et active des associations féministes, l’Union des Femmes Martiniquaises, et Culture-Égalité.
Noé Malouda, l’un des « Trente », qui fut candidat aux élections municipales de Fort-de-France, répondait sur Martinique la Première à la question de savoir ce qu’il attendait de cette initiative. « Je crois que nous avons fait une premier pas… le peuple martiniquais a toujours été solidaire contre les injustices… on peut donner divers exemples d’injustice envers les minorités… c’est latent… nous en Martinique nous devons être très vigilants… », a-t-il dit entre autres choses, non sans avoir rappelé quelques affaires regrettables, restées vivaces dans la mémoire collective martiniquaise.
Quelques slogans plus particuliers se sont ajoutés à ceux déjà popularisés aux États-Unis. « À bas le racisme, à bas le capitalisme, à bas le colonialisme… Assassinat George Floyd, c’est le capitalisme qui est responsable », pouvait-on entendre dans les rangs des manifestants, ou « Le racisme sé an pwazon, fok nou fè’y disparet – Le racisme sé an pwazon, tout moun sé moun ». Sur les banderoles de jeunes manifestantes, Ta-Nehisi Coates était écrit lui aussi ; écrivain et journaliste américain engagé, dans son ouvrage « Une colère noire » il explique à son fils les dangers du racisme à l’œuvre dans son pays : « La race naît du racisme, et non le contraire ».
Qui sont les signataires de « L’appel des 30 » ?
AMORY Géraldine ; ARNAUD Geirge ; BELLEMARE Huguette ; BONHEUR Rita ; BROCHE Marie Louise ; CANTINOL Max ; CAROLE Francis ; CAROLE Micheline ; CHARPENTIER-TITTY Clément ; COSSOU Claude ; CURTON Sylviane ; DORLÉANS Max ; ÉDOUARD André ; FONTAINE Alfred ; GALAP Manuel ; GALABOU Louis Pascal ; GRUBO Rolande ; HARDY-des-SOURCES Marie-jo ; HIERSO Elie ; MALOUDA Noé ; NADEAU Marcellin ; NELLE Aurélie ; NILOR Jean-Philippe ; PAGO Gilbert ; PIERRE-CHARLES Philippe ; RAYMOND Franck ; SELLAYE Marcel ; TALLY Jacqueline ; TROUDARD Laurent ; VARTEL Marie-Christine
Ces « Trente » ont été rejoints par des organisations politiques et syndicales : la CDMT, la CGTM, la CFDT, l’UGTM, Le PPM et la ville de Fort-de-France, Combat Ouvrier, pour une première journée en hommage à « toutes les victimes du système répressif », une suivante étant déjà prévue : « Combat Ouvrier appelle aussi à une manifestation le mardi 9 juin, le jour de l’enterrement de George Floyd à Houston. Il y aura des manifestations monstres ce jour-là aux USA. Mardi 9 juin, accompagnons George Floyd tous ensemble en Martinique par une pensée commune mobilisatrice ! »
Source : France-Antilles Martinique, et les alertes du journal France-Antilles
Photos Paul Chéneau
Fort-de-France, le 6 juin 2020