A côté des élections, la Vie

Tribune

— Par Robert Saé —
electionsC’est vrai, il faut attacher de l’importance aux élections dans sa commune. C’est vrai, le rapport entre les forces politiques issu des prochaines échéances sera l’un des éléments comptant dans l’évolution de notre pays. Mais,  quand même, un regard lucide sur le monde actuel ne devrait-il pas amener chacun à mieux évaluer la portée de ces scrutins ?  Il nous faudra bien plus que les commandes d’une municipalité ou de la collectivité Unique pour répondre aux défis qui sont les nôtres !
Face à la gangrène du système financier international et à l’agressivité des politiques imposées par les gouvernements agents du néolibéralisme, peut-on continuer à promettre le « développement » en prétendant séduire les investisseurs ou convaincre le gouvernement français de prendre en compte notre « retard de développement » et nos « spécificités »?
Comme si l’Union Européenne allait revenir sur  ses dogmes de compétition barbare  et de désengagement de l’Etat ;
Comme si les spéculateurs internationaux allaient devenir raisonnables ;
Comme si la bombe du surendettement des USA  n’allait pas éclater à terme ;
Comme si on ne réalisait pas le bouleversement spectaculaire  en cours dans les rapports économiques au niveau mondial ;
Face à la fréquence et à  l’ampleur des catastrophes naturelles qui, à cause du changement climatique, affectent toute la planète et menacent tout particulièrement notre pays, face à la crise alimentaire mondiale annoncée par les scientifiques, face au séisme majeur prévu par les initiés,   peut-on encore se contenter de bonnes intentions et d’annonces ?
Comme si n’était pas essentielle et prioritaire l’organisation à la base de la population ;
Comme si des réponses décisives pouvaient être apportées sans que nous disposions du POUVOIR POLITIQUE d’agir globalement sur la situation ;  Pouvoir qui implique la possibilité de voter des lois sans « mèsi-souplé », de décider souverainement des priorités de développement économique, d’organiser librement des partenariats avec les pays de notre région, de définir le  contenu et les formes de l’éducation ;
Face à l’agressivité accrue des impérialistes, à leur interventionnisme militaire, à leur stratégie de recolonisation et de guerre économique, peut-on continuer à développer l’illusion que la France et l’Union Européenne nous garantiraient une paternelle exception ?
Comme si le chaos provoqué par l’agression des occidentaux en Afghanistan, en Irak et en Lybie, les interventions militaires de la France en Côte d’ivoire, au Mali et en Centre Afrique, le soutien accordé  aux fascistes ukrainien, la subversion orchestrée en Syrie  et au Venezuela, ne suffisaient pas à nous éclairer quant aux  véritables objectifs  des pays impérialistes;
Comme si la stratégie menée contre l’Iran, le redéploiement des moyens militaires Etats-uniens  visant à encercler la Chine, l’accentuation de la rivalité avec la Russie, ne nous appelaient pas à nous préparer au pire ;
Face à la toile du totalitarisme que tissent les multinationales pour contrer les résistances populaires, face au mépris manifesté par les occidentaux à l’égard des processus démocratiques, au Venezuela par exemple, peut-on continuer à prétendre qu’une victoire aux élections  ouvre les portes du pouvoir ?
Comme si les législations restreignant les droits individuels et collectifs ne se multipliaient pas;
Comme si la souveraineté des pays déjà indépendants n’était pas systématiquement piétinée ;
Comme si l’espionnage des gouvernements et des individus  s’était arrêté après les  révélations de Snowden ;
Comme si la guerre médiatique, les manipulations et la désinformation allait diminuer en intensité ;

Voila le cadre dans lequel nous vivons !  C’est dans ces conditions là que nous devons construire notre futur !
Et, hélas, c’est  dans ce contexte que :
–    des « ZORROS » voudraient  nous faire croire qu’ils porteront solution à tous nos problèmes, une fois devenus maires,
–    des adeptes d’un nouveau moratoire, toujours éblouis par le mirage des élections et l’agitation des foules, font de la mobilisation pour la conquête de la Collectivité Unique  « la mère de toute les batailles ! » car, disent-ils, celle-ci nous permettrait d’accéder à la …« Responsabilité ! »
–    des personnes se disant  motivées par la défense des intérêts du peuple et préoccupées par l’avenir de notre pays  passent plus de temps à  attiser les divisions au sein de la population qu’à construire des alternatives ;
–    des opportunistes  combattent les organisations et les militants   du mouvement populaire dont les analyses et la pratique contribuent à démasquer leur inconséquence ;
–    des commentateurs professionnels  se donnent le sentiment d’exister en raillant  les points de vue ou l’action des autres, confortablement installés derrière  le clavier  d’un ordinateur, leur seul champ de lutte.
Contribuer à une vraie transformation du monde et au développement des conditions d’une vie meilleure, cela implique que nous ayons une vision globale de la réalité et que nous intervenions de façon cohérente sur tous les fronts nécessaires.
Dans la situation néocoloniale que nous subissons, la marge d’action dont disposent les élus  est limitée. Il est, évidemment, de l’intérêt des populations qu’elles portent aux commandes des collectivités locales des équipes qui puissent répondre le mieux que possible à leurs préoccupations. Mais dans cette période charnière où nous vivons,  entre un système finissant et un nouveau monde en germe, nous sommes appelés à  nous défaire des poncifs idéologiques, du formatage des esprits et du mimétisme par rapport à l’occident pour  porter des réponses novatrices aux questions fondamentales que sont, entre autres, les suivantes :
–    Comment concilier la protection du vivant, de l’environnement, l’intérêt des générations futures et la nécessité de satisfaire à nos besoins ?
–    Comment concilier  la liberté  individuelle et l’intérêt collectif ?
–    Comment empêcher que la souveraineté populaire ne soit confisquée dans le cadre de la démocratie représentative?
–    Quelle articulation entre le secteur public et le secteur privé garantira la justice sociale et  la sanction positive  de l’initiative individuelle ?
–    Comment assurer la répartition équitable des richesses dans la société ?
Notre mieux-vivre  résultera d’une construction collective de l’ensemble de notre peuple. Il sera le fruit des échanges, s’appuyant sur l’humilité, la tolérance et le respect mutuel, qui permettront une réflexion approfondie et féconde et assureront une base solide à notre Cohésion Nationale.
Mais puisque, contrairement à ce que prétendent les maîtres du système, l’affrontement entre les classes sociales n’a pas disparu  et puisque la division entre pays impérialistes et pays dominés est toujours d’actualité, de notre réflexion collective   doit sortir fortifiée la mise en œuvre de contre-pouvoirs aux plans politique, économique et social.  Au final,  notre lutte pour la décolonisation et  l’émancipation doit se poursuivre.
Ainsi donc, à côté des élections, il y a la lutte, il y a la vie.

Robert SAE
Responsable aux affaires extérieures du CNCP
15 / 02 / 2014