— Par Dominique Daeschler —
La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet.
Double jeu de l’amour et du hasard. m.e.s. Patrick Ponce.
Moi, Kadhafi. Véronique Kanor, m.e.s. Alain Timar
Macbeth. Shakespeare, m.e.s. Geoffrey Lopez
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La mort grandiose des marionnettes. Création de Old trout puppet. Girasole.
Trois filles en frac manipulent des marionnettes à tige dans et devant un castelet, démystifiant l’histoire de la marionnette et la tentation d’une réception ébahie. La mort, la disparition, la dévoration, le rejet sont au rendez vous dans toutes les scénettes qui développent un humour sarcastique. Le travail est raffiné, inventif . Défilent à toute allure le chanteur d’opéra qui se fait régulièrement casser la gueule, l’animateur exsangue et mortifère, le grand cordon des intestins-tuyaux d’arrosage de l’homme mort devant le castelet. Tout est passage à l’acte, désinhibition, volte-face avec parfois, le temps de reprendre souffle une accalmie poétique (l’homme feuille). C’est avec férocité que les trois marionnettistes canadiennes enterrent leurs créatures nous renvoyant à un parterre de figurants dans le castelet, histoire d’enfoncer férocement le clou. C’est détonant : un seul regret on voit parfois les mains.
Double jeu de l’amour et du hasard. m.e.s. Patrick Ponce.
Patrick Ponce s’empare du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux pour mieux le réinventer dans les extravagances familières à Cartoun Sardines. Puristes s’abstenir. Une comédienne, deux comédiens travaillent le texte, se mettent en situation sur de hauts praticables à roulettes rappelant l’Illustre Théâtre et ses tribulations. C’est bien d’un voyage dont il est question sous l’œil amusé d’un machiniste complice qui pratique entrechats et s’offre des délires musicaux. On répète à vue, multipliant les interprétations , jouant à fond la facétie de la double interprétation Et les tréteaux deviennent jet-ski, piscine : on nage dans les interrogations de l’acteur sur le jeu, les doutes font remous, la liberté éclabousse. C’est volontairement bricolo-bricolette : défaire, refaire les espaces appelle la curiosité d’un spectateur que l’on veut actif, réceptif à l’arrêt sur image d’une lanterne magique et à une fluidité cinématographique.
Moi, Kadhafi. Véronique Kanor, m e s Alain Timar, théâtre des Halles.
Seconde collaboration d’ Alain Timar avec l’autrice martiniquaise Véronique Kanor et retrouvailles avec le comédien Serge Abatucci codirecteur du centre dramatique de Guyane : ce trio, bousculé par le sens des origines, choisit à travers ce texte sur Kadhafi, d’apporter un point de vue sur le colonialisme et les sociétés post-coloniales. Pour se faire, Paul personnage-porteur du récit est un comédien antillais à qui on propose le rôle de Kadhafi au théâtre, parlant non pas à partir de la Lybie mais d’une terre créole. Si le texte magistral de Véronique Kanor conserve une dimension historique en se référant aux faits et aux discours du colonel, il fait la part belle à la révolte, au caché et au non-dit des sociétés antillaises. Sa force est aussi d’avoir – et cela s’entend – été retravaillé au son, au rythme lors des répétitions avec le comédien.
Mais Kadhafi ? Que saura t’on de ce petit berger devenu leader de la révolution libyenne après un coup d’État, panafricaniste défiant cet Occident prétendant à l’universalisme, virant au dictateur ? On saura ce que Paul veut bien nous en dire car s’il est dévoré par son personnage, assimilé dans toute la violence du mot, il dévore aussi son sujet. Quand les images vidéo se brouillent, sa tête ne lui appartient plus, il est plein et vide. La chapelle du théâtre des Halles dans ses vieilles pierres est un univers clos, un tombeau symbolique ouvert à la sacralisation. Serge Abatucci , donne par son talent une dimension forte à ce personnage relais. Les vibrations de la voix, l’ intelligence du langage du corps dans l’espace- souple, dansant ou enraciné dans le sol- reconnaissent, quoi qu’on pense de Kadhafi, une dignité à ce dernier.
Macbeth. Shakespeare, m.e.s. Geoffrey Lopez. Fabrik Théâtre.
Duncan roi d’Ecosse est faible et malade, il doit la sauvegarde de son trône à l’appui militaire des généraux Macbeth et Banquo. Patatras ! D’étranges oracles vont prédire à ces derniers une destinée royale. L’attrait du pouvoir fait tout basculer et les assassinats se succèdent laissant en piste Macbeth et son épouse, couple démoniaque dont la folie et le remords auront raison. Geoffrey Lopez qui a adapté le texte le met en scène comme un feuilleton populaire du 19ieme siècle et une série d’aujourd’hui, où se côtoient révolvers et épées, masques à gaz, mélangeant les sources, tout au plaisir de ses trouvailles . C’est jeune, bouillonnant mais ça manque de rigueur et de choix à l’image de l’omniprésence de la fumée…A suivre : ce Macbeth rocambolesque est sauvé par son dynamisme .