— Par Claudine Blasco, membre de la Ligue des Droits de l’Homme en Guadeloupe —
Article basé sur le rapport 2021 du ministère chargé de l’égalité femmes hommes,
8 Mars 2022 État des lieux des droits des femmes guadeloupéennes
« Vers l’égalité réelle entre les hommes et les femmes »
Aujourd’hui les femmes guadeloupéennes représentent 52,8% de la population de la Guadeloupe.et 40% d’entre elles ont plus de 50 ans d’après le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies.
Droits politiques et économiques et sociaux
Elles sont donc majoritaires sur nos îles et pourtant d’après le dernier rapport du ministère français chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes, dans les Outre-mer, le taux d’emploi des femmes est partout inférieur à celui des hommes. Elles sont minoritaires en tant que maires, mais majoritaires en tant que mères seules, deux fois plus qu’en métropole. Et qui dit mère isolée dit précarité, chômage, temps partiel, difficultés dans la vie quotidienne.
Aux hommes le pouvoir politique et économique aux femmes le silence et la pauvreté .
Droit à la santé
Le recours à l’IVG est plus fréquent chez nous qu’en métropole. A peu près 40 pour mille guadeloupéennes avortent contre 15 pour mille au niveau de toute la France.
En outre elles ont deux fois plus de probabilité de déclarer un état de santé intermédiaire, mauvais ou très mauvais que les femmes vivant en métropole.
L’accès à l’eau et à l’assainissement déficient sur nos îles ainsi que la pollution par le chlordécone en sont une des raisons, associé à un manque cruel de personnel soignant et d’infrastructures de soins de proximité. La suspension du personnel soignant non vacciné, majoritairement féminin, a aggravé la pauvreté des femmes mais aussi l’offre de soins pour la totalité de la population locale.
Violences
99 % des femmes françaises ont déjà été victimes d’un acte ou commentaire sexiste au moins une fois dans leur vie en France (Source : HCE, Rapport « état des lieux du sexisme en France », 2019 )
Les violences sexistes et sexuelles dans le milieu du travail, du sport, de la migration, de la famille à l’égard des femmes, sont le fait de plus de 90% d’hommes.
Les femmes habitantes des Outre-mer sont plus souvent victimes de violences dans les lieux publics (sifflements, attouchements,violences physiques et psychiques, harcèlement, cybersexisme…) que les femmes habitantes de France métropolitaine. Elles paient aussi un lourd tribut aux violences conjugales. (voir Focus outremer page 77 du rapport )
L’effet de la pandémie sur l’égalité femmes hommes en France
Le partage des tâches domestiques ne s’est pas amélioré.
Les taches ménagères ont été assurées aux 2/3 par les femmes, l’école à la maison a été presque entièrement à leur charge.
Elles ont été deux fois plus nombreuses que les hommes à cesser leur travail rémunéré pour garder leurs enfants, les conditions de télétravail leur ont été deux fois moins favorables qu’aux hommes (plus isolées, moins de lieu dédié au télétravail, plus d’enfants à charge pendant le télétravail, moins d’équipements adaptés) .
Plus de femmes que d’hommes ont perdu leur emploi durant cette pandémie. Elles ont donc vu leurs revenus baisser plus vite que ceux des hommes.
Le renoncement aux soins et la détresse psychologique ont été plus accentués chez les femmes, de même les signalements de violences faites aux femmes ont été multipliés par 10 durant la pandémie. L’accès à la contraception et à la santé reproductive a été fragilisé par la crise
Et pourtant ce sont elles qui ont été en première ligne pour prendre soin de la population durant la pandémie. Elles sont 99% des aides à domicile, 87% des infirmiers, 78% du personnel soignant et des travailleurs sociaux, 70% des personnels d’entretien. Elles se sont épuisées à prendre soin de nous. Mais les médias les ont oubliées pour les faire parler de cette crise en tant qu’expertes ou débatrices (16% de femmes contre 85% d’hommes interviewés).
Les dégâts occasionnés par le patriarcat, les stéréotypes sexistes, la pandémie sur les droits des femmes et particulièrement des guadeloupéennes sont très importants, il est temps de penser une vraie politique publique de soutien et d’amélioration des conditions de vie et des droits des femmes partout en France et spécialement en Guadeloupe.
Dans ces temps incertains de pandémie et de guerre, les guadeloupéennes sauront prendre toute leur part dans la construction de l’égalité femme homme dans notre pays.