— par Roland Sabra —
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_Le 29 novembre le Martinique Jazz Festival programmait en première partie « Bélénou » de Edmond Mondésir et Chengetai en deuxième partie. « Bélénou » que nous n’avions pas vu sur une scène du CMAC-Atrium depuis dix-huit mois confirme tout le bien que nous disions déjà de lui. Intelligence d’un dialogue permanent entre l’ hier et l’aujourd’hui de la Martinique tant sur le plan des textes que sur celui des sonorités musicales. Mais ce n’est pas tout ! Il y a aussi la valorisation d’une transmission de génération à génération, sans qu’il s’agisse d’une reprise à l’identique de ce qui a été légué. Non il y a appropriation de valeurs qui du fait de leur passage se trouvent transformées tout en étant fidèles à ce qu’elles étaient. L’art d’une trahison fidèle. Qu’Edmond Mondésir ait invité sur scène Félix Casérus en est l’illustration la plus forte. Le tableau concrétisait ce qui semble être l’essentiel de son propos être trait d’union entre la génération qui pousse aux portes des compositions et celle qui leur a données si ce n’est naissance, au moins la célébrité qui leur sied. La retraite volontaire de l’Education nationale et un peu forcée du monde politique profite à Edmond Mondésir, sur scène on le voit prendre de l’assurance, être moins statique, faire bouger son corps au rythme de la musique. Oh certes on ne le verra jamais se rouler sur la scène, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. En tout cas est-il que plaisir et le bonheur du groupe étaient suffisamment communicatifs pour que le public peu nombreux au regard des capacités d’accueil de la salle rouge du CMAC, manifeste clairement son contentement. Bien sûr quelques chagrins poseront la question de la pertinence de cette présence d’un groupe de Bèlè dans un festival de jazz. On se souviendra simplement que lors de la précédente édition du Martinique Jazz Festival, d’autres chagrins, pas les mêmes mais c’est tout comme car la démarche est sur le fond identique, avaient posé de façon bruyante et parfois intempestive cette même question déplacée, à propos de la performance d’Erik Marchand. Tout ce qui échappe au formatage dérange.
En deuxième partie Chengetai se produisait, après être passée au Lycée Schoelcher et à Rivière -Salée la veille. La chanteuse est apparue sur scène dans une robe tout à fait improbable, sorte de barbotteuse jaune tachetée de marron et de blanc dont on s’apprendra plus tard qu’elle imitait la robe d’une poule lors d’une chanson dont l’essentiel des paroles reproduit le caquètement, le crétellement, le gloussement du sympathique animal de basse-cour dont chacun sait qu’il brille par son intelligence! Nous étions assez loin des chansons à texte de la première partie ! Toujours est-il que la magie n’était pas au rendez-vous. Il a manqué quelque chose, comme une étincelle à ce spectacle, somme toute décevant malgré la qualité de la formation instrumentale qui accompagnait l’artiste. Le public ne s’y est pas trompé qui lui a réservé un accueil poli, sans plus. Le meilleur moment a peut-être été le rappel que la chanteuse a imposé bien plus qu’il ne fut réclamé par le public, rappel au cours duquel un pot-pourri de quelques standards a réveillé la nostalgie de moments plus intenses.
Le 30/11/2012 à Fort-de-France
Photo Philippe Bourgade Tous droits réservés