Samedi 12 juin 2021 à 19h Tropiques-Atrium Scène nationale
Ne boudons pas notre plaisir mais il aura fallu attendre près de 4 ans après sa création pour que nous puissions voir en Martinique ce travail étourdissant. Ci-après une reprise de l’article paru sur Madinin’Art le 12 janvier 2018.
« J’habite une blessure sacrée.. » deuxième élément d’un diptyque de Max Diakok
— Par Roland Sabra —
Max Diakok poursuit son travail sur la quête du sens dans un balancement permanent entre polarités opposées et néanmoins complémentaires. Dans le très réussi « Depwofondis » il proposait d’emprunter le chemin qui va du social à l’individu, invitant à se défaire de défroques uniformisantes et oppressantes pour retrouver la primeur d’une saveur humaine enfouie sous les couches successives de la fonction civilisatrice. Dans « J’habite une blessure sacrée.. » le voyage proposé prétend faire le même chemin dans le sens inverse. De l’individu vers le social. Comment « la quête intérieure dialogue avec le besoin de solidarité humaine » nous dit-il dans la note d’intention qui présente son travail. Le parcours est en réalité fait d’aller et retour entre ces deux exigences autour d’un mécanisme qui relève d’un même procès. On retrouve en effet cette idée que l’ordre ancien et/ou présent est un désordre à déconstruire pour qu’émerge un nouvel ordre porteur d’une harmonie en gésine, fragile et précieuse. Sa fragilité tient au fait que « Le ventre est encore fécond… », que « Rien n’est jamais acquis à l’homme … ». La blessure peut se refermer sur la cicatrice qui, elle, demeure et démange en corps soumis, brisés, dans la violence des gestes inharmonieux saccadés et brusques de l’introduction. Le danseur émerge de l’anonymat en s’extrayant de la pénombre et des panneaux de fond de scène derrière lesquels son silouhette seule semble danser sur la très belle musique de Rico Toto. Il nous dit dans la brisure du geste, l’élan cassé et l’enfermement volontaire ou contraint d’un Moi forcené. La rigoise aujourd’hui abstraite et dématérialisée est toujours là à plier les corps. Elle est aussi la douleur du repli, du geste vers l’autre avorté dans la luminescence d’une velléité en deuil d’accomplissement.
Tout le travail de Max Diakok va consister à s’extraire de la gangue d’un isolationnisme stérile pour aller vers une individuation non-conflictuelle et même complémentaire, voire assujettie à celle d’autrui. Le geste, le pas de danse vont passer de la brusquerie soumise à la souplesse et l’amplitude accomplie après l’inévitable passage à travers l’univers d’un silence, d’une suspension de la bande son, déjà éprouvée dans Depwofondis. Ce sont là quelques-uns des signes d’une œuvre, celle de Max Diakok, qui s’articule autour d’un questionnement insistant, toujours répété dans des formulations chaque fois différentes.
« J’habite une blessure sacrée.. » peut-être vu comme le deuxième élément d’un diptyque inauguré par « Depwofondis ». La scénographie en est la manifestation la plus évidente.Elle reprend une idée du premier volet en l’approfondissant. Les cinq panneaux qui la constituent sont utilisés comme écrans de projection de films pré-enregistrés avec lesquels Max Diakok dialogue, reprenant, amplifiant, nuançant la phrase, ou le propos dansé. L’image est parfois fragmentée, morcelée. Elle s’efface, s’évanouit dans la coulisse et renaît dans autre lieu, différente et semblable comme un hommage aux déesses Individualité et Universalité. Travail captivant et fascinant qui entre en concurrence, avec le travail du danseur sur le plateau. L’attention du spectateur saisie par la vidéo se détourne de la scène en chair et en os au profit de l’image filmée. La captation idéalise la gestuelle quand la scène la restitue dans une réalité plus prosaïque. Peut-être y a t-il là une piste à creuser, à explorer entre idéal et réel, en dépassant le stade de la rivalité, en la dialectisant en quelque sorte.
Le travail de Max Diakok s’inscrit résolument une danse contemporaine qui interroge l’univers de sa réalisation dans son histoire et son actualité. On ne peut que regretter la frilosité des organismes de spectacles en Martinique qui prive le public d’accès à une œuvre qui lui parle au plus près de son identité.
Paris, le 10/01/2018
R.S.
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La presse en parle :
Geneviève Charras, L’amuse-danse – 22 juillet 2019
« Une danse furieuse, révoltée, agitée de soubresauts, de mouvements douloureux et sous-tendus par l’angoisse et l’oppression. De belles volutes, du sentiment dans cette distance aussi qui touche et émeut: le danseur s’y perd corps et âme et communique son aversion pour la cruauté du monde.Des projections d’images vidéo en contrepoint, paysages de couleurs ou effigie du danseur viennent répondre en dialogue à la danse live. Beau tableau mouvant de traces et signes magnétiques! »
Youness Boussenna, La Provence – 23 juillet 2019
« Tour à tour, il évoque l’oppression d’une gestuelle empêchée puis la vitalité retrouvée par une chorégraphie à nouveau ample. Mais aussi par une vibration des pieds à la tête, la puissance qu’offrent les forces de la nature et de l’esprit qui, par l’alchimie de la création, transforment la douleur en libération »
Amélie Blaustein Niddam, Toute la culture.com – 4 juillet 2019
« L’extrême mobilité du danseur nous met dans une transe qui décale ce que l’on voit et ce que l’on ressent. Tout le propos est ici entre beauté et horreur. Le titre de la pièce est tirée d’un poème d’Aimé Cesaire. La strophe suivante dit « J’habite des ancêtres imaginaires », c’est exactement ce que Max Diakok réussit à provoquer. »
Bénédicte Gattère, Toute la culture.com
« Ici, la mémoire est corps et la danse, le lieu de l’incarnation. Le corps n’est plus seulement vecteur d’un rythme, d’une histoire, d’identités plurielles et recomposées au gré des gestuelles, il est le pivot d’une réflexion en mouvement. »
Gérald Rossi, L’humanité
« Des gestes aussi bien millimétrés que les projections qui parviennent à donner une profondeur d’image en 3D à l’ensemble, notamment quand le corps se démultiplie sur la scène et sur les écrans entrainant le spectateur dans un univers qui restera jusqu’au final gravé dans les incertitudes de l’homme ».
Yourik Golovine, Radio Francebleu
« Bien écrit, profond et dense, c’est rare de voir la poésie si bien habitée par la danse »
Céline Zug, Boîte à culture
« Un solo époustouflant »
Roland Sabra, Madinin’Art
« Max Diakok poursuit son travail sur la quête du sens dans un balancement permanent entre polarités opposées et néanmoins complémentaires, travail captivant et fascinant »
Laurent Bourbousson, Ouvert aux Publics
« On sent le corps en danger et le corps pris de vertige. Le travail vidéo de Claudio Cavallari fait résonner les sentiments profonds que la violence voudrait étouffer et rend visible l’indicible ».
Philippe Triay, La 1ère Francetvinfo
« Max Diakok poursuit sa quête esthétique et métaphysique »
« J’habite une blessure sacrée »
Chorégraphie & interprétation : Max Diakok
Dramaturgie : Lucile Perain
Vidéo & scénographie : Claudio Cavallari
Musique originale : Rico Toto
Lumière : Johann Chauveau
Photo : Willy Vainqueur
Graphisme : Kalyane Studio
Reportage sur FranceTV : Cliquer sur ce lien pour voir le reportage