« Salam Shalom » de Widad Amra

— Par Pierre Pinalie—

 Salam Shalom de Widad AMRA

Il s’agit d’une belle poésie qui s’étire et se chante comme une cantate longue et fine, une expression émise par une femme apparaissant en tant que symbole ethnique, linguistique et géographique. Sous sa plume, on se sent quelque peu au centre du monde, comme si la terre avait un axe autour duquel nous tournons tous, et le désir de l’auteur s’envole vers un espoir de paix. La série de jugements politiquement exprimés révèle une atmosphère difficile où le fanatisme crée des horreurs à l’image des doigts d’un artiste chilien coupés par l’abominable dictateur d’un pays où la liberté fut muselée pendant longtemps.

 

Il y a dans le titre un très émouvant bilinguisme fondamental dans lequel deux langues, deux sociétés, deux philosophies expriment la paix entre les humains. Il y a là, donc, la plus profonde prière pour l’amour des uns pour les autres sur une planète où, malheureusement, l’attentat et la haine se répètent dans la quotidienneté. Widad, l’auteur, est le fruit d’un métissage réalisé sur une île où flotte, chez certains incurables malades, un racisme aussi condamnable que celui que pratiquaient les esclavagistes d’hier.

 

Jéhovah, Jésus et Mahomet, le vendredi, le samedi et le dimanche, tout cela représente des prières différentes, mais il y a toujours un fracas humain, et « les fanatiques sont là, d’un côté, de l’autre du mur ». Qu’il s’agisse du signe de la croix, des prosternations devant Allah ou de réunions devant le Mur des Lamentations, tout cela alimente la colère des hommes, attise le feu du fanatisme et renforce la haine de l’autre et le pouvoir des grands.

 

Dans sa langue légère, claire et sévère, Widad Amra évoque et dénonce tout ce qui bouscule et salit la terre où ces messieurs les politiques ne savent guère arrêter l’horreur. « Les prières des hommes s’élèvent sans jamais se rejoindre », et à ce propos, malgré le trio sacré de Jéhovah, Jésus et Mahomet, quel commentaire serait convenable sur les Incas, les Aztèques, les Pharaons, les Asiatiques de la Chine ou de l’Inde, et les aborigènes d’Australie ? En effet, pourquoi y a-t-il aujourd’hui tant de haine et tant d’oppositions entre des religions qui se veulent toujours détentrices de la vérité ?

 

Comment un pape allemand peut-il faire dépenser tant d’argent pour aller célébrer les visions d’une jeune pyrénéenne il y a 150 ans, alors que le peuple haïtien souffre dans la misère et dans l’inondation ? Quant aux mille événements de la Palestine, comment l’Islam qui prétend défendre les droits d’un peuple, peut-il pareillement tuer des milliers d’êtres dans d’horribles attentats ?

 

Oui, Widad, salam shalom, et que la paix soit sur tous ! Et j’oserais presque prononcer après tes superbes propos, la formule « amen » qui se veut chrétienne mais qui est hébraïque.

 

 

Pierre PINALIE

 

(Vendémiaire, an 216)