— Par Selim Lander —
Adeline Flaun est une comédienne d’origine martiniquaise de retour d’Espagne où elle a tourné dans plusieurs films. A quarante ans, elle a éprouvé le besoin de créer une œuvre qui combine une fiction à peine futuriste avec une peinture crue de la condition féminine hic et nunc.
Cette pièce coproduite par Tropiques Atrium a bénéficié de la compétence en numérique de Saïdou Bernabé et de Parallel 14, de Yannis Sainte-Rose pour la vidéo, deux médiums d’aujourd’hui qui loin de paraître artificiels comme si souvent au théâtre participent ici pleinement au spectacle, le premier en particulier puisqu’il est question de relations sexuelles virtuelles sur internet. Les silhouettes fantasmatiques des femmes aux formes trop parfaites projetées sur un écran géant, la manière dont elles sont animées (quelques mouvements ou gestes stéréotypés) en font des partenaires à part entière qui font contrepoids au côté très cru de ce qui est dit et montré par la comédienne en chair et en os. Idem pour les personnages en ombre chinoise, également plus grands que nature qui apparaissent sur le fond de scène à la fin de la pièce.
Cet environnement visuel (accompagné par la musique de Clara Aguilar mais ce n’est pas celle à quoi on prête le plus attention) n’est pas pour rien dans l’impression globalement positive que peut laisser Moi dispositif Venus. Car la construction de la pièce autour des deux thèmes précités pose problème. Celui des relations sexuelles sur internet est plus esquissé que véritablement traité et les gesticulations de la comédienne (laquelle se révèle pourtant par ailleurs bonne danseuse) derrière l’écran aux femmes virtuelles ne sont pas sauvées par ce qui se dit dans ces moments-là.
On s’intéresse davantage au personnage lorsqu’il se met à parler de lui, en particulier quand il relate ses premières expériences sexuelles, mais tout n’est pas au même niveau, ainsi la conversation avec les parents via des lunettes-téléphones (par ailleurs assez réussies).
En règle générale l’écriture de cette pièce – aux sens du fond et de la forme – est ce qui réclame le plus d’être retravaillé. Pour ne prendre qu’un point de comparaison, Moi fardeau inhérent que tout le monde en Martinique a en tête, on voit là comment l’écriture de Guy-Régis Junior peut sublimer l’évocation de la sexualité sans édulcorer ce qu’elle peut contenir de violence.
Festival des Petites Formes, Tropiques-Atrium, 23 mars 2019