— Par Isabelle Alfonso-Damico —
Nabd El Jazirah
Parce que d’habitude, … disons en règle générale, l’auteur chouchoute son lecteur, le protège…
Parce que Widad est une femme, une mère, et même une jeune et merveilleuse grand mère…
Parce que le titre, écrit en arabe, sonnait à mes oreilles avec le souvenir, les racines, et la douceur de l’enfance…
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore tel que son sourire et son empathie à l’autre…
Je suis entrée avec douceur dans ce livre « Nabd El Jazirah »
je ne me suis pas méfiée…
Emportée par le rythme, entrainée par la passion, happée par la force de l’écriture,
j’ai été bousculée, renversée, malmenée par une plume
« Nabd el Jazirah »… le souffle cyclonique et tourbillonnant d’un délire. Me suis retrouvée littéralement scotché à mon oreiller
oui, …oui, j’étais tranquillement allongée dans mon lit, livre à la main, prête à voyager dans les racines « widadiennes.
A première vue les racines torturées des beaux arbres; celles qui, apparentes, disent la profondeur de l’encrage nourrit par plusieurs Terres.
Mais c’est finalement dans le ventre de la Terre, vers ces racines enfouies que Widad nous entrainent. Dans les racines perdues d’un monde devenu fou, sans repères.
J’y ais vu un arbre errant, voyageant avec sa motte de Terre, cherchant la raison dans un univers devenu fou.
Mais c’est sans compter la sagesse du poète.
Remettant la folie à sa place: chez nous, les sois-disant « normaux », acceptant tout, les incohérences et les contradictions avec la même inconscience.
Formatés au point d’avoir perdu le lien à l’essentiel: la vie, la Nature, l’amour, la simplicité… l’humanité et l’humilité en somme.
Et puis, le réveil brutal lors du tremblement de Terre.
La norme est folie et enfin la folie devient la norme.
Dans le tremblement, la peur renvoie à l’essence, au réel et nous voilà enfin tous fous… enfin… je veux dire normaux.
De ce démarrage rapide, saccadée, foisonnant, délirant, bruyant…nous voyageons jusqu’au retour au quotidien -pas tout à fait le même, pas tout à fait un autre- mais en passant
par la croyance du temps du changement de société, aux prises de consciences si vivifiantes du poing levé des révoltés de février,
par la mort du poète qui redit aux peuple les mots qu’il lui a consacré toute sa vie.
De perte de repères au retour à la « norme »,
des mots de révoltes du peuple entre-choqués à ceux du poète,
De la solidarité populaire aux remplissage sans fin des caddies,
des mornes arborescents de moins en moins nombreux au béton chaque jour plus envahissant,
oui, décidément, la poésie sait nous dire à tous
oui, décidément, il y a, dans nos têtes l’envie d’entendre ces mots qui troublent mais rassurent, secouent mais remettent du sens.
C’est assise, lisant à voix haute que j’ai refermé le livre… deux enfants m’avaient rejoint discrètement, médusés par le texte, transportés et valdingué par une plume… et enfin, avec une envie folle de le partager avec vous..
Nabd El Jazirah de Widad AMRA
Isabelle Alfonso-Damico