Durant son déplacement de trois jours aux Antilles, Jean-Marc Ayrault compte faire des « propositions concrètes » en matière d’emploi, de fiscalité ou encore de sécurité. Il s’agit de son premier déplacement en Outre-mer depuis son entrée à Matignon. Il reste en Martinique jusqu’à jeudi avant de gagner la Guadeloupe, menacée d’une « explosion sociale » selon les termes du porte-parole du mouvement syndical LKP tenus dans Le Parisien à paraître jeudi.
« Je suis venu là pour écouter, dialoguer mais aussi dire tout ce qui a été entrepris depuis un an« , a indiqué le Premier ministre à la presse. Selon lui, « après dix années de recul, le défi à relever est considérable« . Il doit notamment annoncer jeudi si le gouvernement maintient en l’état le système de défiscalisation dont bénéficient ces territoires.
Le taux de chômage est deux fois plus élevé en Martinique et Guadeloupe qu’en métropole. La Guadeloupe est aussi en proie à une insécurité croissante depuis le début de l’année. Ces deux départements avaient massivement voté en faveur de François Hollande en 2012.
Elie Domota, porte-parole du LKP (Collectif contre l’exploitation outrancière), a été l’un des leaders de la grève générale en Guadeloupe en février 2009. A l’heure de la visite de Jean-Marc Ayrault, il dresse un constat sans concession de la situation.
« Qu’attendez-vous de la visite du Premier ministre aux Antilles ?
ELIE DOMOTA. Nous n’attendons absolument rien de sa venue. M. Ayrault vient ici pour s’extirper du bourbier dans lequel il est en métropole : les affaires, la hausse du chômage, l’impopularité du gouvernement… Il vient se changer les idées trois jours avant de repartir, mais ici nous n’attendons plus rien de lui ni de M.
Hollande.
La Guadeloupe et la Martinique ont pourtant voté très majoritairement pour François Hollande en mai 2012…
Aujourd’hui on voit bien que le slogan « le changement c’est maintenant » est une vaste blague. Depuis un an, c’est la continuité de la politique de Nicolas Sarkozy. La loi sur la vie chère de M. Lurel est une escroquerie, en fin de compte il s’agit aujourd’hui de répartir la « profitation » entre les importateurs et les distributeurs. On fait croire aux gens qu’il y a une liste de produits à bas prix, mais les prix n’ont jamais baissé. Au contraire, ils augmentent ! Les marges des importateurs-distributeurs sont toujours aussi opulentes. Même chose pour le carburant. La présidence a changé sur le papier, ce sont les socialistes qui sont au pouvoir. Mais ils ne sont socialistes que par leur nom.
Les accords négociés après le mouvement social de 2009 n’ont pas amélioré la situation ?
L’Etat vient d’annoncer l’arrêt du revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) (NDLR : cette mesure permettait aux salariés touchant un revenu inférieur ou égal à 1,4 fois le smic de recevoir jusqu’à 100 € supplémentaires par mois. Plusieurs fois prolongée, elle a été supprimée il y a un mois). Il s’était engagé à amorcer des discussions avec les organisations syndicales et patronales pour permettre une pérennisation de ce dispositif, mais cela n’a pas été fait. Aujourd’hui beaucoup de patrons disent qu’ils ne paieront pas les 100 €, alors qu’ils s’y étaient engagés.
Jean-Marc Ayrault vient signer des emplois d’avenir et des contrats de génération. Cela pourra-t-il aider sur le plan de l’emploi ?
Ce ne sont pas avec ces mesurettes qu’on va s’attaquer au chômage ! Il ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui près de 35 % de la population active est sans emploi. Chez les jeunes de moins de 25 ans, le chiffre est plus effrayant car environ 60 % sont au chômage. Nous sommes dans une situation catastrophique. Nos élus se contentent de faire de la figuration alors qu’il y a des engagements très forts à prendre en termes de développement économique, en matière de production agricole, et en matière d’éducation et de formation professionnelle.
Selon vous, la situation est donc aussi tendue qu’en 2009 ?
La situation est tout aussi explosive qu’il y a quatre ans. En 2009, le mouvement social a servi de soupape d’évacuation. Les gens sont descendus dans la rue car ils en avaient marre, mais c’était dans un cadre syndical. Au lieu de respecter les engagements, ils ont craché dessus. Nous sommes aux portes d’une explosion sociale, et malheureusement elle sera moins contrôlée qu’en 2009. Chacun devra assumer ses responsabilités. »
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