— Par Pierre Alex Marie-Anne —
Au détour d’une interview du responsable d’une formation politique, fort discrète au demeurant sinon à l’approche des élections, nous voyons resurgir ce vieux serpent de mer d’une Dorsale routière, censée résoudre les problèmes du BTP et du développement de la. Martinique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet, fortement inspiré par un des majors du BTP, ne tient pas la route, il n’a pas d’autre but en réalité que de permettre à cette multinationale de siphonner les financements européens susceptibles d’être mobilisés par la Collectivité Territoriale de Martinique. Le même scénario se reproduit à chaque fois : hier, il s’agissait d’un viaduc autoroutier à quatre voies traversant de bout en bout la baie de Fort-de-France ( exit l’une des plus belles baies du monde, à jamais défigurée !), aujourd’hui, d’ une “voie express” partant de Basse-Pointe pour rejoindre Sainte-Anne, à travers mornes et collines du centre de l’île. Le point commun de ces deux projets pharaoniques, outre d’obérer pour des décennies les finances de la dite collectivité, est de sacrifier irrémédiablement l’environnement naturel constituant le socle de l’attractivité de notre territoire pour nos visiteurs ; en l’occurrence, cette grande diagonale du nom de “Dorsale” partant de Basse-Pointe, empièterait sur les contreforts du massif montagneux des Pitons du Carbet ( adieu leur inscription avec la montagne Pelée, au patrimoine mondial de l’humanité -les associations de défense de l’environnement apprécieront !), pour se diriger vers Sainte-Anne, en multipliant ses ramifications, adaptées en conséquence, en direction des localités rencontrées sur son parcours, ville de Fort-de-France comprise.
On ne peut que déplorer la naïveté voire la complaisance dont fait preuve ce chef de parti, qui, à court d’imagination créatrice en cette période pré-électorale, se transforme en ardent propagandiste de cette mauvaise cause. Les arguments justificatifs qu’il invoque ne laissent pas de surprendre :
Premier argument, le BTP manque de chantiers, soit! Mais le vrai problème n’est pas dans l’absence de projets, il en existe une pléthore dormant dans les cartons, mais bien dans la volonté de les réaliser ( extensions du TCSP vers le Robert, Schoelcher et Rivière Salée, dans un premier temps, viaduc de Fond Lahaye, désenclavement de Grand Rivière, mise hors d’eau de la RN5 dans la traversée de la plaine centrale, protection contre les inondations des bourgs et villages dont Rivière Pilote, réfection complète du réseau de distribution d’eau potable et généralisation de l’assainissement collectif, mise aux normes parasismiques de l’habitat …), tous projets d’une utilité sociale incontestable, et mobilisant d’ores et dejà des financements publics considérables.
Deuxième argument, réduire le temps de trajet entre les communes excentrées et le chef-lieu ( dix minutes de gagnées, selon les estimations, pour un projet se chiffrant en milliards d’euros !) ; Le plus cocasse est la conséquence qu’il retire de ce gain mineur de mobilité, «la fixation des populations » des communes éloignées sur place, du fait qu’elles n’auront plus besoin de venir habiter dans la capitale pour avoir accès à tout son éventail d’équipements ; il suffisait de penser à cette nouvelle doctrine d’aménagement du territoire pour s’épargner la complication d’avoir à investir massivement dans le développement d’ une région pour retenir ses habitants.
Il n’est pas interdit d’autre-part de s’interroger sur le bien-fondé de cette obsession, dans un pays d’à peine mille cent kilomètres carrés, où les gens ont le sentiment de tourner en rond comme des poissons rouges dans un bocal, de raccourcir plus que nécessaire les distances. L’aménagement des grands axes existants pour un transport en commun rapide et sécurisé, véritable clé de l ‘aménagement rationnel du territoire, apparaît de loin préférable à cette course effrénée vers une fausse et trompeuse modernité.