— Par Charles Tardieu, Ph. D. —
Les enfants d’abord
Le professeur et linguiste Robert Berrouët-Oriol a publié récemment un article intitulé : « Le calendrier scolaire de l’apartheid social en Haïti » (Le National, 2020) (1) pour qualifier les propositions de récupération de l’année scolaire 2019-2020 irrémédiablement affectée par les mouvements de protestation politique de septembre à décembre 2019. Puis par la mesure d’urgence sanitaire prononcée pour combattre la pandémie de la Covid-19. Cet article présente de manière innovante la réalité de l’appréciation sociologique, philosophique et économique du système éducatif haïtien qui a plu à certains analystes et a choqué d’autres. Le syndicaliste Georges Wilbert Frank, Coordonnateur général de l’UNOEH (Union des Normaliens et Éducateurs d’Haïti), reprenant à son compte la proposition de Berrouët-Oriol exprime l’idée que les mesures adoptées par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) concernant l’année scolaire 2019-2020 renforcent l’apartheid scolaire en Haïti.
Jacques Yvon Pierre, analyste et sociologue de l’éducation, traduisant le malaise de certains, remet en question la légitimité du concept d’apartheid le qualifiant de nouveau et se demande de quel type de sociologie de l’éducation relève-t-il : de la macrosociologie ou de la microsociologie. De plus, il s’interroge sur l’utilité de ce concept et de son éventuelle contribution à résoudre l’apartheid scolaire en Haïti. Il alimente, ainsi, le débat indispensable à l’analyse de notre système éducatif, particulièrement au moment où à travers la planète nous assistons à une remise en question profonde de tous les systèmes éducatifs, tandis qu’ici, en Haïti, nous semblons vouloir pérenniser, au fond, les mêmes objectifs éducatifs et les mêmes conceptions et idéologies dont ceux instrumentés à travers un insidieux apartheid scolaire et justifiant d’emblée l’échec massif où il plonge des écoliers. Dans le même courant de réflexion, Jacques Abraham (2) estime que « la ségrégation scolaire est un construit social indissociable des rapports sociaux d’inégalité dans le contexte scolaire haïtien (et) reproduit fidèlement les rapports sociaux d’inégalité dans les salles de classe ».
Ayant été le premier à proposer ce concept d’« apartheid scolaire » pour analyser la réalité éducative haïtienne, je me vois donc interpelé par l’émergence de ce débat ! À ce titre, je remercie à la fois Berrouët-Oriol et Jacques Yvon Pierre qui forcent à en préciser les contours de base en décrivant mieux comment il s’applique à la situation haïtienne. Et, tirer la sonnette d’alarme à ce moment de profonde crise sociale, politique, humanitaire et sanitaire et inquiétante pour la survie même de notre pays, Haïti. On devra en profiter pour rapprocher les pourtours aux nombreux autres cas de pays étrangers régulièrement décrits par des instances comme l’UNESCO, l’UNICEF, le PME, et des syndicats d’enseignants au Québec et en France, et même par des élus comme Alexandria Occasio-Cortez de New York aux États-Unis.
Apartheid ?
Les différents dictionnaires et chercheurs consultés attestent que l’apartheid fut le résultat de l’anxiété historique des Afrikaners obsédés par leur peur d’être engloutis par la masse des peuples noirs environnants (Nittle ; Giliomee ; Mandela) (3). Les dictionnaires précisent que l’apartheid c’est « toute forme de ségrégation », et cette dernière, c’est la « Séparation stricte règlementée des personnes appartenant à un groupe social (défini par la classe, la race, etc.) dans la vie publique. » D’autres sociologues et philosophes définissant le concept de l’apartheid pour l’Afrique du Sud proposent qu’il s’articule autour de la division politique, sociale, économique et géographique du territoire. Ce survol théorique, quoique rapide, permet tout de même de comprendre les mécanismes d’application du concept à la réalité éducative haïtienne (4).
Effectivement, dès la colonie de Saint-Domingue nous avons vu comment s’articulait ce système, que Charles Tardieu (5) a qualifié d’« éducation coloniale » arcboutée au Code noir. Cette éducation, qui s’exprimait au plan religieux par l’obIigation faite aux esclaves d’assister régulièrement aux messes du dimanche, servait à justifier la division de la société en deux grands groupes de maitres et d’esclaves, et enjoignait ces derniers à accepter leurs conditions comme une volonté divine. Les sermons prononcés lors de ces messes s’articulaient, en les justifiant, autour des divisions politiques, sociales, économiques et géographiques de la société, enrichie des critères épidermiques et linguistiques, en situation de la Colonie de Saint-Domingue ! En quelque sorte, une situation d’apartheid avant la lettre ! On peut aussi déceler chez certaines des nouvelles classes dirigeantes d’Haïti, la même « anxiété historique de celles-ci obsédées par leur peur d’être engloutis par la masse des peuples noirs environnants ».
Tardieu a aussi montré comment au cours des années, cette éducation coloniale allait évoluer pour devenir le système éducatif actuel qui divise la société en plusieurs catégories ou écoles à « plusieurs vitesses » et comment se reproduisent celles-ci. Ce « nouveau » système selon les analyses du Groupe de travail sur l’Éducation et la Formation (GTEF) produit 95% d’échec scolaire. En effet, le GTEF montre que sur une cohorte de 100 enfants entrant en première année fondamentale, il y à peine 5 % qui réussissent à terminer le cursus de 13 années de scolarisation et mériter le diplôme de fin d’études secondaires. Le groupe Cambridge Education, dans son « Analyse sectorielle » (2019) du système éducatif haïtien, confirme ce même niveau élevé d’échec scolaire. Il y a donc pour les 95 % d’enfants un échec scolaire personnel qui se traduit par l’échec éducatif massif et une perte économique et sociale énorme pour la société haïtienne dans son ensemble.
Ces 95% d’enfants endurant l’échec scolaire appartiennent à des groupes qui subissent une « ségrégation » qui s’articule, comme au temps de la colonie et de l’apartheid connu en Afrique du Sud, autour de divisions politiques, sociales, économiques et géographiques du territoire, en plus de la ségrégation basée sur des divisions linguistique et épidermique.
Apartheid scolaire
C’est dans ce sens qu’il faut conclure tout comme en Afrique du Sud que l’apartheid scolaire, en Haïti, a pour objectif la division éducative selon les multiples dimensions politiques, sociales, économiques, géographiques de la population, des enfants et des jeunes de sorte que la réussite scolaire est réservée aux couches favorisées (les 5% identifés par le GTEF). De plus, l’apartheid scolaire en Haïti avait, ex ante, utilisé un concept bien plus large qui incluait les dimensions épidermique et linguistique caractéristiques de l’environnement colonial de Saint-Domingue puis d’Haïti libre et indépendante. Aussi, il semble tout à fait approprié d’appliquer avec Robert Berrouët-Oriol et d’autres le concept d’apartheid scolaire à la réalité haïtienne. Celui-ci aurait, alors, pour objectif final d’assurer la pérennisation de la division de la société autour de critères de réussite et d’échecs éducatifs.
Il s’agit là, d’une expression particulière de ce que Bourdieu et Passeron (6) nomment la « violence symbolique ». Celle-ci autorise l’institutionnalisation d’un pouvoir méconnu qui à son tour impose des significations particulières comme l’échec scolaire d’une majorité de la population, non seulement comme légitime, mais les fait passer comme tare culturelle dont celle-ci serait le seul responsable en dissimulant les rapports de force qui les créent et les sous-tendent. Cette violence symbolique s’exerce alors non seulement avec le consentement des victimes, mais surtout avec l’intériorisation que ces populations portent en elles des causes profondes de l’échec en question.
Dans la mesure ou la décision du ministère de compléter à tout prix l’année scolaire 2019-2020 et à tenter de récupérer coute que coute 5 mois de scolarité s’appliquera surtout aux établissements que fréquentent les 95% d’écoliers voués déjà à l’échec structurel, il y a lieu de craindre que cette stratégie renforce la trajectoire vers l’apartheid scolaire et la reproduction des inégalités. Enfin, les directives du ministère en matière de protection des écoliers contre la Covid-19 ont pour effet de réduire les 54 jours de classe prévus à la moitié. C’est donc dire que les écoliers appartenant aux 95% déjà voués à l’échec bénéficieront d’un nombre de jours et d’heures d’enseignement qui n’offrent pas le minimum d’heures d’enseignement indispensable pour assimiler les compétences déjà réduites du programme à minima. C’est donc dire, aussi, que cette décision a de fortes chances de propulser une grande partie de la population des jeunes en provenance des milieux les plus vulnérables, les 95% dont parle le GTEF, vers l’échec scolaire, vers l’abandon.
Il faut signaler que ce même phénomène « apartheid scolaire » est aussi observé dans de nombreux autres systèmes scolaires à l’échelle planétaire. Il confirme comment l’échec scolaire qui conduit à l’abandon scolaire aboutit très souvent à des comportements qui rapprochent ces jeunes des milieux de déviance sociale et de gangstérisme, et concerne le plus souvent les enfants de milieux « vulnérables ». Il est dénoncé, par exemple, par Alexandria Ocasio-Cortez représentante au Congrès américain du 14th Congressional District de Bronx et Queens à New York. Elle explique dans une intervention sur son compte « Twitter » (juillet 2020) comment l’échec scolaire qui affecte un nombre important d’écoliers de son district, et qui risque de s’amplifier suite au Covid-19, se traduit par l’abandon scolaire et très souvent, pour les jeunes sans aucune perspective d’amélioration de leurs conditions matérielles, par la séduction et le recrutement par les gangs.
Toujours aux États-Unis, selon Jonathan Kozol (The Nation, 8 décembre 2005) : l’apartheid scolaire, rarement mentionné dans la presse ou ouvertement confronté même parmi les éducateurs jadis progressistes, est bien vivant et augmente rapidement (7). Kozol rapporte encore comment la Cour Suprême des États-Unis avait précisé : « La décision Brown de la Cour Suprême de 1954 ne visait pas à « augmenter les scores » pour les enfants des minorités, mais à donner aux enfants Noirs l’accès à la culture majoritaire, afin qu’ils puissent la négocier avec plus de confiance, pour que les Afro-Américains aient des chances égales. Des scores plus élevés aux tests ne suffiront pas à l’imprudent pour penser que les enfants noirs peuvent être enseignés, quel qu’en soit la qualité, de manière isolée et avoir ensuite la confiance comme des adultes pour réussir dans un monde blanc où ils n’ont pas d’expérience » (8).
En France, dans un article intitulé : « Apartheid scolaire : « Nos décisions individuelles produisent collectivement un résultat désastreux’’ », publié le 21 avril 2018, Gurvan Le Guellec rapporte comment l’économiste Julien Grenet, qui supervise les expériences de mixité scolaire à Paris, explique que la capitale est devenue une ville d’apartheid. Felouzis, Liot et Perroton (2015) avaient mis à nu l’apartheid scolaire dans l’Académie de Bordeaux (9).
Suite à sa série d’articles consacrée à l’apartheid scolaire en Île-de-France, Le Guellec reçoit une série de témoignages. Celui de Lucette retient particulièrement son attention : « D’elle, on sait juste qu’elle a un certain âge – son parfait anonymat sur internet en atteste –, qu’elle a été institutrice toute sa carrière dans la même école primaire du Val-d’Oise, et qu’elle a donc « bien connu » l’apartheid scolaire – entre riches et pauvres, entre Noirs et Blancs – qui sévit à Paris et dans sa banlieue. » (10) Le Guellec, dans cette même série d’articles, cherchant à savoir comment Paris est « devenue une ville d’apartheid » rapporte les propos de Gilles Pécout, recteur de l’académie « Paris, ville de ségrégation ». Le propos est fort, presque provocateur, écrit-il : « Oui, Paris est une ville d’apartheid, c’est dur à admettre, mais c’est une réalité. »
Au Québec, Marie-Andrée Chouinard, rapportant la position de la Centrale des syndicats du Québec affirme que « La concurrence que se livrent les réseaux privé et public sur le terrain de jeu des écoles laisse une carte scolaire inéquitable (…). La réussite pour tous? Impossible d’en rêver avec une «ségrégation scolaire» comme la nôtre. » Elle poursuit « Le rêve de chances égales pour tous les écoliers, entretenu notamment par la Commission des états généraux sur l’éducation il y a dix ans, a tout du plus cuisant des échecs dans la réalité, puisque le Québec est aux prises avec un système «d’apartheid scolaire». » (11)
Voilà donc un concept bien établi dans de multiples assertions et applications tant au point de vue de la macrosociologie que de la microsociologie dans plusieurs sociétés qui mérite d’être plus scientifiquement validé comme outil d’analyse du fonctionnement du système éducatif haïtien, ce qui n’en diminue pas moins la profonde pertinence déjà. Cependant, la plupart des annalistes du système scolaire haïtien (Joint, 2008) (12) continuent d’utiliser le concept d’inégalité pour caractériser la distribution des écoles selon une typologie « d’écoles à plusieurs vitesses » qui répond à des préoccupations beaucoup plus culturalistes qui évacuent la complexité et les rapports de cause à effet qui répondraient mieux aux déterminismes des modèles économiques, sociaux et politiques mis en place et entretenus par les dirigeants et les classes dominantes de la société haïtienne.
Le calendrier scolaire de l’apartheid
Le MENFP a publié un calendrier scolaire couvrant la période du 17 aout au 23 octobre proposant de couvrir 54 jours de classe qui se traduiraient en 270 heures de classe pour le fondamental et en 324 heures pour le secondaire. Ceci permettrait aux écoles concernées par la mesure d’atteindre un total de 120 jours de classe, tout de même en dessous de 20 jours de la moyenne minimale internationale de 140 jours de classe par an. Cependant, le protocole de retour publié par le ministère (13) propose, comme une des mesures de distanciation physique en prévention de la contamination, une rotation des écoliers en salle de classe. Dans les écoles avec un effectif minimal de 60 écoliers une telle rotation se réaliserait à raison de 30 écoliers pendant 5 jours de classe chaque 2 semaines. Au final, cela ferait pour ces écoliers un total de 27 jours de récupération en classe et non les 54 annoncés par le MENFP.
En somme, l’année scolaire couvrirait pour les écoles des catégories d’enfants les plus vulnérables (les 95% dont le GTEF a parlé !) 97 jours de classe pour l’année scolaire 2019-2020. Or, il est impossible de couvrir les apprentissages proposés dans le curriculum du ministère en seulement 97 jours de classe en lieu et place de 190 jours ! et réussir les examens prévus par les évaluations régulières.
Deux cas de figure peuvent alors être envisagés : premier cas : on réduit proportionnellement aux nombres de jours de classe les objectifs du curriculum, auquel cas les enfants recevraient une formation au rabais afin qu’ils puissent « réussir les épreuves d’examens » en fin de cette année académique de 97 jours ; tandis que les écoliers faisant partie des 5 % ayant bouclé l’année scolaire par des stratégies hybrides ont déjà complété toutes les étapes régulières de l’année, y compris les examens finaux, cette fois basés sur le curriculum dans sa totalité ; deuxième cas : les écoliers de la première catégorie (les 95%) échouent en masse et doivent redoubler l’année 2019-2020. Dans ces deux cas de figure, les enfants des milieux vulnérables sont les seuls à payer très cher les conséquences du « pays lock » et de la Covid-19.
Signalons, au passage, que les 54 jours pour tenter de compléter l’année académique 2019-2020 seront autant de jours de classe à soustraire du calendrier de l’année 2020-2021, ce, uniquement pour les écoles victimes de l’apartheid scolaire. Puisque tout porte à croire que la minorité des écoles du groupe des 5% fonctionnera selon un calendrier régulier autour des 190 de classe/an. Ce choix de gouvernance scolaire se traduira, dans les faits, en deux calendriers scolaires distincts pour l’année académique 2020-2021. Un premier affichera plus ou moins 97 jours de classe et un deuxième respectera les 190 jours qui favorisent une réussite de qualité ! Résultat : ce calendrier scolaire creuse les inégalités scolaires entre deux grands groupes des enfants haïtiens : 1) ceux faisant partie de la majorité des 95% signalée par le GTEF généralement vouée à l’échec et 2) la minorité traditionnellement favorisée.
Les revendications des enseignants des écoles publiques
Le MENFP a certainement sous-estimé la valeur explosive des revendications des enseignants du secteur public, et probablement continue sur cette voie. Les conditions de formation, de travail et de vie des travailleurs du monde de l’éducation (la « condition enseignante ») des secteurs public et privé confondus laissent ostensiblement à désirer, tout le monde le sait. La responsabilité de l’amélioration de celle-ci revient certainement au principal ordonnateur et régulateur du système, le ministère de l’Éducation. La grève lancée par les syndicats était prévisible et le ministère a choisi d’en minimiser la probabilité et n’en a pas tenu compte dans ses scénarios de reprise de l’année scolaire comme une des menaces probables à l’exécution d’un calendrier scolaire très serré. Il aurait fallu une orientation maintenue avec opiniâtreté en faveur de la réussite pour que le ministère autant que les syndicats acceptent de placer les intérêts des enfants en première ligne. Il fallait instaurer un dialogue responsable et mesuré dans un cadre de partenariat franc pour remplacer les hostilités.
Dans les circonstances, les revendications syndicales et l’intransigeance combattive du ministère deviennent d’autant plus virulentes qu’il semble ne pas avoir d’issue. À l’éclairage du concept d’apartheid scolaire, on doit se rendre à l’évidence que ces hostilités affectent majoritairement les écoliers des milieux marginalisés qui sont finalement exclus des solutions, déjà déficitaires, de reprise des activités scolaires pour compléter l’année académique 2019-2020. Ces écoliers, comme ils en témoignent d’ailleurs eux-mêmes, font face à l’échec aux examens que tient à réaliser coute que coute le ministère malgré de nombreuses propositions pour une solution de remplacement promouvant la réussite des écoliers.
Non à l’apartheid scolaire, oui à la réussite scolaire de tous les enfants
Enfin, il faut reconnaitre que Robert Berrouët-Oriol a judicieusement utilisé le concept d’apartheid scolaire pour Haïti. On doit donc proposer l’hypothèse que ce modèle de retour organisé pour sauver une année scolaire pourrait avoir comme conséquences, extrêmement fâcheuses, l’échec scolaire et le renforcement de l’apartheid scolaire pour les catégories les plus à risque des écoliers haïtiens. Il pourrait aussi précipiter le recul de l’enseignement public puisqu’on devrait s’attendre à ces que ces effets affectent beaucoup plus les écoles publiques qui seraient les plus propices à l’échec scolaire puisque ces écoles ont été, en grande majorité, incapables de maintenir des activités proprement scolaires durant le « Peyi Lòk » en automne 2019, la période de kidnapping en novembre-décembre et durant la pandémie de la Covid-19.
La seule stratégie pour freiner les effets de l’apartheid scolaire en cette période post Covid-19 consisterait à mettre l’accent et à favoriser la réussite scolaire grâce à toutes les remédiations scolaires possibles étalées sur un à deux ans de scolarité et grâce notamment aux technologies disponibles et l’enseignement hybride, c’est-à-dire en présentiel et à distance en mobilisant la participation efficace des parents. Ainsi, les trois crises affectant le système scolaire haïtien en 2019-2020 auraient été mises à contribution vers le renouveau indispensable de l’Éducation haïtienne.
Offrir la réussite scolaire aux 95% laissés pour compte
Pour ne pas « conclure » avec un sujet d’une telle importance, il semble plus approprié de proposer encore des stratégies visant à œuvrer à la réussite scolaire, malgré et envers tout pour les années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 pour ces catégories d’écoliers en particulier, mais pour tous les autres aussi. Cette réussite scolaire emportée in extrémis pourrait-devrait servir de point de départ pour le système éducatif haïtien post-Covid qui offrirait désormais aux jeunes haïtiens de toutes les catégories la réussite comme première perspective de vie. L’unique instrument d’une telle perspective de réussite de tous les enfants répondant d’une volonté de réussite pour tous reste le partenariat le plus large que possible entre tous les acteurs, les agents, le secteur éducatif, c’est-à-dire un partenariat public, privé, communautaire, associatif et international.
Une telle proposition bouscule, certes, les idées préconçues et la pauvreté de la facilité traditionnelle. Mais l’échec scolaire et éducatif massif du système éducatif haïtien dans toutes ses composantes de la petite enfance à l’enseignement supérieur et universitaire en passant par la formation professionnelle et technique exige des solutions radicales et innovantes ! Il s’agit, alors, moins d’affirmer qu’un élément de ces changements radicaux est impossible, mais plutôt de se mettre à l’œuvre pour penser et concevoir le nouveau dans toute sa complexité et ses promesses de richesse !
Cette proposition s’inscrit certainement dans le sens de la « fraternité scolaire » réclamée par les lycéens pour faire face aux effets négatifs de l’apartheid scolaire renforcé par la situation du « Peyi Lòk », de la période de kidnapping et du temps de la Covid 19 et plus particulièrement pour assurer la disponibilité d’enseignants pour les préparer aux examens prévus en novembre 2020 pour terminer l’année académique 2019-2020.
RÉFÉRENCES
(1) Berrouët-Oriol, Robert (2020) Le calendrier de l’apartheid social en Haïti, Le National, [En ligne] : https://www.madinin-art.net/le-calendrier-scolaire-de-lapartheid-social-en-haiti/, 23 juillet 2020, Port-au-Prince.
(2) Abraham, Jacques, (2020) L’école haïtienne: Entre ségrégation et rapports sociaux d’inégalité, L’Harmattan, Paris.
(3) Voir à ce sujet : Hermann Giliomee, The Afrikaners – Biographie d’un peuple, 2003 ; Nittle, Nadra Kareem. « A Brief History of South African Apartheid. » ThoughtCo, Feb. 11, 2020, thoughtco.com/brief-history-of-south-african-apartheid-2834606 ; Long Walk to Freedom : The Autobiography of Nelson Mandela.
(4) Tout en admettant que beaucoup plus de recherches méritent d’être conduites pour mieux circonscrire la description et l’application d’un tel concept dans la réalité haïtienne.
(5) Tardieu, Charles, (1980) L’Éducation en Haiti de la période coloniale à nos jours (1980), Université de Montréal, thèse de doctorat en Éducation comparée et internationale, Prix de la Société d’histoire, de géographie et de géologie d’Haïti, Éditions Henri Deschamps, 1991, Port-au-Prince.
(6) Bourdieu, Pierre et Passeron, Jean-Claude, (1970) La Reproduction, Éléments d’une théorie du système d’enseignement, Collection Le sens commun, Les Éditions de Minuit, Paris.
(7) Jonathan Kozol (2005) The Nation, 8 décembre 2005, [En ligne] : https://www.alternet.org/2005/12/apartheid_education/
(8) Idem.
(9) Felouzis, G.; Liot, F.; Perroton, J. (2015) L’Apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, Seuil, Paris.
(10) Le Guellec, Gurvan, (2018), Apartheid scolaire : « Nos décisions individuelles produisent collectivement un résultat désastreux », Nouvel Observateur du Monde, SA, [En ligne] : https://www.nouvelobs.com/education/20180419.OBS5484/apartheid-scolaire-nos-decisions-individuelles-produisent-collectivement-un-resultat-desastreux.html
(11) Chouinard, Marie-Andrée (2006), Apartheid scolaire, Le Devoir, Montréal, [En ligne] : https://www.ledevoir.com/politique/quebec/109852/apartheid-scolaire, 24 mai 2006, Québec.
(12) Joint, Louis-Auguste, (2008) « Système éducatif et inégalités sociales en Haïti. Le cas des écoles catholiques », Recherches et ressources en éducation et formation [En ligne], 2 | 2008, mis en ligne le 24 avril 2020, consulté le 20 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rref/861
(13) MENFP-DSS (2020) Protocle sanitaire relatif aux écoles durant la pandémie de Covid-19, Port-au-Prince.