Sabotage du Rainbow Warrior le 10 juillet 1985
L’affaire du Rainbow Warrior désigne le sabotage du navire amiral de l’organisation écologiste Greenpeace, le Rainbow Warrior, par les services secrets français le 10 juillet 1985, ainsi que ses suites médiatiques, politiques et judiciaires. Le navire, à quai en Nouvelle-Zélande, était paré à appareiller pour l’atoll de Moruroa afin de protester contre les essais nucléaires français. L’opération de sabotage fut commanditée par le ministre de la Défense français Charles Hernu, avec l’autorisation explicite du président de la République française François Mitterrand (selon le témoignage de Pierre Lacoste, patron de la DGSE). L’opération fit un mort : Fernando Pereira, photographe, membre de l’équipage de Greenpeace.
Cet acte, qui constituait une violation de la souveraineté de l’État néo-zélandais, fut à l’origine de tensions entre les deux pays et eut des conséquences sur leurs relations politiques et économiques.
Protection du nucléaire français
Le 19 mars 19852, le directeur de cabinet du ministre de la Défense Charles Hernu, Patrick Careil, est convoqué par son ministre qui lui demande de préparer une opération contre le Rainbow Warrior, bateau de l’organisation écologiste Greenpeace amarré à Auckland en Nouvelle-Zélande. Le but du Rainbow Warrior est d’emmener d’autres bateaux vers l’atoll de Moruroa pour protester contre les essais nucléaires français et les gêner dans la mesure du possible. Or, en novembre 1984, plusieurs rapports parviennent sur les bureaux du ministère de la Défense : selon les informations des autorités militaires à Papeete et d’un agent infiltré au sein de Greenpeace, l’organisation écologiste se préparerait à une campagne beaucoup plus virulente et agressive qui remettrait en cause le nucléaire français. De plus, les services secrets français soupçonnent Greenpeace d’être financée par des organisations « proches de l’appareil de propagande soviétique » et d’espionner leurs essais nucléaires.
Selon le rapport confidentiel de l’amiral Lacoste, daté du 8 avril 1986, resté secret jusqu’en juillet 2005, la mission de l’opération est d' »interdire à Greenpeace de réaliser ses projets d’intervention contre la campagne des essais nucléaires français à Mururoa, à l’été 1985″.
Mise en place de l’opération
L’amiral Lacoste explique que l’action contre Greenpeace a été donnée, selon lui, avec l’accord du président François Mitterrand :
« Reçu en audience par le président de la République, le 15 mai à 18 heures, j’avais mis cette question au premier point de l’ordre du jour (…). J’ai demandé au Président s’il m’autorisait à mettre en œuvre le projet de neutralisation que j’avais étudié à la demande de Charles Hernu. Il m’a donné son accord en manifestant l’importance qu’il attachait aux essais nucléaires. Je ne suis pas alors entré dans un plus grand détail du projet, l’autorisation était suffisamment explicite. »
Cette opération est préparée par les officiers du service Action de la DGSE qui, après son échec lors des attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983, a un nouveau chef, le colonel Jean-Claude Lesquer, prêt à relever le défi.
Les délais pour monter l’opération sont très brefs. Cinq hypothèses d’action sont proposées pour l’opération « Satanique »5 : l’envoi d’une équipe médicale diagnostiquant la jaunisse chez l’équipage mis en quarantaine ; le versement dans le réservoir du bateau de bactéries mangeuses de carburant ; une charge explosive légère pour endommager l’arbre d’hélice ou le gouvernail du Rainbow Warrior, l’obligeant à de lourdes réparations ; une dysenterie accidentelle6 pour laisser l’équipage à terre ; une charge explosive lourde pour couler le navire.
Cette dernière hypothèse, la plus radicale, est celle qui est retenue par le pouvoir politique pour que cesse l’activisme du Rainbow Warrior. L’Élysée donne l’aval à cette opération le 28 mai, et le ministère de la Défense le 7 juillet. L’amiral Lacoste, directeur de la DGSE, obtempère malgré ses réserves : il aurait préféré l’alternative consistant à polluer le gasoil du Rainbow Warrior pour l’empêcher de prendre le large9. Selon les journalistes Pierre Favier et Michel Martin-Roland, si Lacoste « avait mis sa démission en jeu, il est possible que le projet eût été abandonné, ou, à tout le moins, modifié10 ».
Le 8 juillet 1985, le général Saulnier signe les autorisations de crédits de la DGSE, dont 1,5 million de francs pour l’opération Greenpeace11. Selon le conseiller spécial du Président, Jacques Attali, dans Verbatim, Saulnier ne signe alors qu’une autorisation de surveillance de l’association….
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