— par Kélian Deriau —
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Pour la dernière exposition de ses tableaux de pyrogravure, présentée au Calebasse café au Marin, Alain Garcés a confirmé que la pyrogravure empreinte du feu sur le bois, procédé millénaire, art brut de l’humanité, suscite louanges et sarcasmes. Mais les sommités en ce domaine a travers le monde, inconditionnelles de René Spetz, François Peeters, Emile Duc, François Prudhomme, considèrent toujours ces artistes comme d’authentiques géants d’un art de notre temps. Les pyrogravures originales, n’échappent pas aux collectionneurs d’œuvres d’art, ni aux yeux des connaisseurs du bel art. Ils voient d’un œil plutôt heureux le travail de nouveaux talents qui s’imposent sans conteste, dans l’univers des arts et de la culture. En outre, bien des collectionneurs branchés ou des amateurs chineurs avérés, achètent de la pyrogravure par simple précaution : Ils craignent de rater le train de la modernité. Cette situation du marché de l’art avec une approche précieuse et presque ridicule , pour tout ce qui ne s’affiche pas tout de go dans les galeries, loin de voiler , voire de stigmatiser la pyrogravure, génère et entretient le mystère d’avant les jours fastes. Il était naturel que dans ce mouvement actif de transmission et d’innovation de l’art, une part fût faite à la pyrogravure. Les collectionneurs ont du nez pour les trésors que l’on leur cache. C’est de l’ordre du jeu du chat et de la souris. C’est qu’il faut se méfier des emballements, ces effets de mode si nocifs a l’art, car chacun sait ce que dure la mode : un temps ou longtemps, très longtemps. D’autres expressions, en leur temps, ont connu les affres d’‘un colin-maillard truqué, des revers de goût et pas des moindres, puisque la peinture abstraite elle même eu à supporter de ces valses- hésitations qui sont les curseurs du marché de l’art.
Ce qui fait la beauté de ces images, c’est leur fécondité laborieuse.
Je veux entretenir le lecteur, d’un homme singulier, d’une originalité et d’une puissance de création si décidée, qu’elle se suffit a elle même et ne recherche même pas l’approbation. S’il signe son œuvre c’est que la règle, l’impose, mais tous ses ouvrages sont d’abord signés de son âme éclatante. Hors des notions acquises, Alain Garcès, qui a fait a lui tout seul toutes les petites ruses du métier, et sans conseils sa propre éducation, est devenu sans y paraître un maître du feu. Son imagination au travail vagabonde d’une rêverie en spirale, a une sorte de kaléidoscope doué de conscience. Cette intuition qui fait qu’il voit tout en nouveauté, aspire instinctivement les ombres ou les lumières des effluves de la vie. Il veut avec ardeur se souvenir de tout : la silhouette d’une inconnue, un coin de mur en embuscade, ou une ambiance tendre ou musicale. Le moindre choc d’une idée qui en un clin d’œil le fascine, devient aux sources les plus vives, un atelier réfléchi. Aucun de ces modèles offerts, aucunes de ces nuances n’échappent a un classement méthodique dans l’instinct d’une mémoire sans faille, d’où peut sourdre une création colorée de noir et de blanc vêtue. Alain ne peut jamais considérer le choix du sujet comme indifférent et
malgré l’amour nécessaire qui doit féconder le plus humble tableau, il croque en vérité, cette poésie de la forme des choses, en une esquisse fidèle pour que les ordres de l’esprits ne soient altérées par l’hésitation de la main. Ce qui fait la beauté de ses images, c’est leur fécondité laborieuse.
C’est l’œuvre qui le fait créateur.
Alors même qu’il ne fixe aucune limite a son évasion, parler d’une œuvre à naitre est lui attribuer une existence, alors qu’elle n’est pas. Ainsi une éthique de l’émancipation tente de s’imposer, de prendre la parole. Il ne dit, ne nomme une œuvre, que lorsque son sourire devient définitif.
Il ne faut pas oublier que la pyrogravure est un art dangereux, plein de traitrises et qui exprime si bien le caractère personnel de l’artiste. Un art compliqué sous sa simplicité apparente. Quand soudain le feu déborde dans son indépendance, le tracé de l’artiste et qu’il enflamme l’espace créatif, point de soldat en la matière : l’œuvre pleure et l’artiste remballe son estime. Mais rien n’y fait, chaque fois il faut remettre l’œuvre dans les starting-blocks du talent. La première qualité d’un pyrograveur est donc l’étude lente et sincère de son modèle. Il faut non-seulement qu’il mélange soigneusement sa verve à l’expression du modèle, mais qu’il garde toujours en mémoire que c’est l’œuvre qui le fait créateur, combien même lui donne t’elle l’impression de pleine liberté et qu’elle ne demande pas mieux que d’être célébrée au plaisir de l’artiste. Etonnant renversement où la subjectivité de l’œuvre emporte celle de l’artiste.
Kélian Deriau
Août 2010.
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