Biodiversité et climat
Des chercheurs des Instituts Max Planck de biologie évolutive et de météorologie se sont posés la question suivante : comment les hommes peuvent-ils être incités à lutter ensemble activement contre le changement climatique? Pour y répondre, ils ont simulé le « dilemme social » – dû à la divergence des intérêts particuliers et collectifs – auquel les hommes se trouvent confrontés dans le cadre du changement climatique. Leurs travaux ont mis en évidence qu’un objectif commun de protection du climat ne pouvait être atteint que si chaque personne était convaincue que, sans action, elle serait très probablement personnellement touchée par les répercussions du changement climatique.
Le problème de la « tragédie des communs » se pose pour de nombreux biens communs. Il se résume ainsi : les bien communs sont gratuits pour tous, et, par conséquent, peu de gens les utilisent avec égards. Ainsi, par exemple, une réduction des rejets de gaz à effet de serre, qui permettrait de limiter les conséquences dramatiques du changement climatique, serait avantageuse pour tous, puisque le réchauffement climatique touche tout un chacun. Cependant, l’investissement personnel en faveur du climat comporte aussi un risque individuel : si tous n’y prennent pas part, alors ceux qui ont investi ont agi « pour rien » et doivent tout de même supporter les conséquences du changement climatique. Le sauvetage du bien commun qu’est l’atmosphère pourrait peut-être réussir si l’échec se traduisait par une forte probabilité de pertes financières élevées. C’est ce que confirment les travaux des chercheurs des deux instituts Max-Planck, même s’ils montrent aussi que, même dans ce cas, il arrive que les gens n’investissent pas suffisamment.
Les chercheurs ont utilisé une approche issue de la théorie du jeu. Ils ont fait jouer trente groupes, de six étudiants chacun, à un jeu interactif dans lequel chaque personne pouvait investir de l’argent dans la protection du climat. Pour éviter les conséquences dangereuses du changement climatique, les étudiants d’un même groupe devaient atteindre une somme commune de 120 euros, sachant que chaque étudiant disposait d’un capital initial de 40 euros. Chaque individu pouvait investir 4, 2 ou 0 euros au cours de 10 sessions successives. Comme chaque décision s’effectuait de manière anonyme, les participants n’avaient pas à se soucier de leur réputation. Toutefois, à chaque tour, les 6 contributions étaient communiquées à tous les joueurs, qui pouvaient ainsi observer les stratégies de leurs coéquipiers. Le jeu était financièrement lucratif : lorsqu’un groupe réunissait 120 euros, chaque sujet recevait le montant restant en liquide sur son compte. En cas contraire, il perdait tout avec une probabilité de 90% calculée aléatoirement par l’ordinateur.
Comme l’explique le Professeur Milinski, Directeur de l’Institut Max Planck de biologie évolutive, chaque étudiant souhaite, au final, conserver le plus d’argent possible, mais pour cela il doit atteindre avec les autres l’objectif commun. Il peut spéculer sur le fait que les autres membres de son groupe investissent suffisamment. Il peut s’abstenir et possède alors plus d’argent sur son compte. Mais ceci comporte par contre le risque que l’objectif collectif ne soit pas atteint et que le gain soit très probablement perdu. Dans le cas d’une probabilité de perte de 90%, il est rationnel d’investir, ce qui ne serait pas le cas si la probabilité de perte était de 50% ou de 10%, deux cas que les chercheurs ont également simulés.
« Nous souhaitions savoir si les réflexions égoïstes des individus pourraient conduire à une réussite collective, dès lors que la non-atteinte de l’objectif commun se traduit par une perte très probable de l’argent restant. Ce sont exactement les conditions qui existent dans le cas du changement climatique », précise le Professeur Milinski. C’est tout à fait ce qui s’est produit : la moitié des groupes qui s’attendaient à un risque de perte de 90% a atteint le seuil de 120 euros, l’autre moitié l’atteignait presque – et perdait alors le reste de son argent. En revanche, tous les autres groupes (avec un risque de 50% et 10%) restaient bien en-dessous des 120 euros. Ce sont donc les personnes qui redoutaient le plus de perdre leur argent en cas d’échec collectif qui se sont le plus engagées. Quelques étudiants – une minorité – ont même investi plus que la somme moyenne nécessaire pour chaque étudiant. Ils se « sacrifiaient », car ils constataient que les autres n’investissaient pas assez.
« Cette expérience nous montre que les hommes doivent encore être convaincus des conséquences dramatiques que l’on peut attendre du changement climatique », ajoute le Professeur Marotzke, Directeur de l’Institut de Météorologie. Ils ne s’engagent pour la protection collective du climat que s’ils redoutent avec certitude des inconvénients personnels. « Il reste préoccupant que seule la moitié des groupes présentant un risque de perte de 90% ait réussi à atteindre le seuil de 120 euros », poursuit le Professeur Marotzke. « C’est la mauvaise nouvelle, car des groupes de plus grande taille auraient certainement davantage de problèmes », or le nombre de personnes qui participent au « jeu climatique global » est bien plus grand que celui étudié ici. « Peut-être que les résultats de notre travail peuvent mieux se transposer sur de petits groupes comme celui des Etats du G8 », conclut le Professeur Milinski. Dans tous les cas, il faut faire appel aux intérêts propres des participants.
Pour en savoir plus, contacts :
– Prof. Dr. Manfred Milinski, Directeur de l’Institut Max Plack de biologie évolutive – tél : +49 4522 7630 – email : milinski@mpil-ploen.mpg.de
– Prof. Dr. Jochem Marotzke, Directeur de l’Institut Max Planck de météorologie – tél : +49 40 41173 311 – email : jochem.marotzke@zmaw.de
Source :
Communiqué de presse de l’Institut Max Planck de météorologie – 19/02/2008
Rédacteur :
Claire Nicolas, claire.nicolas@diplomatie.gouv.fr
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/53288.htm
Origine : BE Allemagne numéro 374 (27/02/2008) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/53288.htm