Fondation de l’Organisation Internationale du Travail le 11 avril 1919
Le procès de l’ancien dignitaire nazi Adolf Eichmann, responsable logistique de la « Solution finale » pour l’extermination des juifs d’Europe, s’ouvrait à Jérusalem le 11 avril 1961.
L’Organisation internationale du travail ou OIT (en anglais : International Labour Organization, ILO) est depuis 1946 une agence spécialisée de l’ONU. Sa devise, si vis pacem, cole justitiam (« si tu veux la paix, cultive la justice »), est gravée dans la pierre de ses locaux.1
Sa mission est de rassembler gouvernements, employeurs et travailleurs de ses États membres dans le cadre d’une institution tripartite, en vue d’une action commune pour promouvoir les droits au travail, encourager la création d’emplois décents, développer la protection sociale et renforcer le dialogue social dans le domaine du travail2.
Elle est fondée le 11 avril 1919, à la suite de la Première Guerre mondiale, pour « poursuivre une vision basée sur le principe qu’il ne saurait y avoir une paix universelle et durable sans un traitement décent des travailleurs »3. En 1946, l’OIT devient la première agence spécialisée des Nations unies. En 2012, l’Organisation regroupe 183 États membres. Son siège est situé à Genève, en Suisse. Son directeur général est le Britannique Guy Ryder depuis le 1er octobre 2012. L’organisation est distinguée en 1969 par l’attribution du prix Nobel de la paix.
Histoire
L’esquisse d’une politique internationale du travail avant 1914
La conférence de Berlin (1890)
La première « conférence internationale concernant le règlement du travail dans les établissements industriels et dans les mines » se tient à Berlin du 15 au 29 mars 1890, à l’invitation de l’empereur Guillaume II et avec l’aval du pape Léon XIII. Elle réunit les « principaux États industriels de l’Europe » (Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède-Norvège, Suisse), à l’exception de la Russie.
La conférence adopte diverses recommandations quant au travail dans les mines, au travail du dimanche et aux conditions d’emploi des enfants, des adolescents et des femmes. Elle préconise que l’exécution de ces mesures soit « surveillée par un nombre suffisant de fonctionnaires spécialement qualifiés, nommés par le gouvernement » et « indépendants des patrons, aussi bien que des ouvriers » (les inspecteurs du travail). Elle invite également les États participants à échanger entre eux les « rapports annuels » de ces fonctionnaires, les « relevés statistiques » et les « prescriptions émises par voie législative ou administrative » dans le domaine du travail.
L’Office international de Bâle (1901)
L’assemblée constitutive de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs (AIPLT ou APLT) se tient à Bâle les 27 et 28 septembre 1901. Le secrétariat de l’AIPLT est assuré par l’Office international du travail, dont le siège est également fixé à Bâle. Si l’association vise à réunir les partisans de la protection légale des travailleurs pour promouvoir cette dernière, l’office se présente comme un organisme privé indépendant à caractère scientifique.
C’est à l’initiative de l’AIPLT que sont signées à Berne, le 26 septembre 1906, les deux premières conventions internationales du travail, l’une sur l’interdiction du travail de nuit des femmes dans l’industrie, l’autre sur l’interdiction de l’emploi du phosphore blanc dans l’industrie des allumettes. La première est signée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et la Suisse. La seconde ne porte que sept signatures, celles de l’Allemagne, du Danemark, de la France, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas et de la Suisse.
La création et le développement de l’OIT
En 1919, les États signataires du traité de Versailles créent l’Organisation internationale du travail (OIT), en marge de la Société des Nations.
Avec la résolution du premier conflit mondial, beaucoup sont conscients du fait « qu’il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger4 » . Arthur Fontaine – l’un des rédacteurs de la partie XIII qui a permis la création de l’institution5 – commence sa constitution en affirmant qu’« une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale6 ».
En 1926, la nouvelle organisation s’installe au Centre William Rappard, à Genève.
En 1927, a mis à l’ordre de sa douzième session prévue pour 1929 la question du travail obligatoire, institutionnalisé depuis 1917 dans les colonies belges7. Une mission d’enquête est réclamée en Belgique en 1930 par les politiques, polémique dont le journal La Libre Belgique se fait largement écho8, en particulier dans les plantations congolaises de café.
Le 10 mai 1944, la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail, réunie à Philadelphie, adopte la déclaration de Philadelphie. Parmi les institutions de la Société des Nations (SDN), l’OIT est la seule organisation qui survit telle quelle à la disparition de celle-ci en 1946 (plusieurs agences de l’ONU sont directement inspirées de sections de la SDN). L’OIT devient une institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies (ONU). Dotée d’une structure tripartite unique, elle réunit sur un pied d’égalité les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour débattre des questions relatives au travail et à la politique sociale. Le secrétariat de l’Organisation, le Bureau international du travail (BIT), a son siège à Genève en Suisse et gère des bureaux extérieurs dans plus de 40 pays.
En 1969, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’OIT reçoit le prix Nobel de la paix.
En février 2002, l’OIT crée une Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation. Cet organe indépendant a pour but d’amener le débat à quitter le terrain de la confrontation pour celui du dialogue et de jeter ainsi les bases de l’action pour faire en sorte que la mondialisation profite à davantage de personnes.
Le 10 juin 2008, l’OIT adopte à l’unanimité sa nouvelle déclaration de foi, la « Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable ».
En 2016, l’OIT compte 187 États-membres après l’adhésion du Royaume des Tonga.
Source : Wikipedia
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Il y a 60 ans, avec le procès Eichmann, les survivants de la Shoah enfin entendus
Il y a 60 ans, le 11 avril 1961, le procès de l’ancien dignitaire nazi Adolf Eichmann, responsable logistique de la « Solution finale » pour l’extermination des juifs d’Europe, s’ouvrait à Jérusalem. Cet événement hors norme permit de libérer la parole des rescapés et d’offrir au monde une leçon d’histoire.
« Il est entré dans la cabine de verre à 8 h 55. Sans préavis. Simplement, il est entré et il s’est assis. Grand, sec ; complet sombre, chemise blanche méticuleusement repassée, cravate. Deux policiers immobiles à ses côtés. C’est tout »*. Le 11 avril 1961, le journaliste israélien Haïm Gouri assiste à l’ouverture du procès d’Adolf Eichmann dans le tribunal de district de Jérusalem. Comme le monde entier, il a les yeux rivés sur ce criminel nazi jugé pour sa participation à la Solution finale qui envoya à la mort six millions de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois, cet homme 55 ans, ancien colonel SS, apparaît dans la salle d’audience derrière cette « cage de verre », construite pour le défendre contre tout éventuel attentat.
Un an auparavant, le 13 mai 1960, Adolf Eichmann avait été enlevé en Argentine par des agents du Mossad, le service de renseignement israélien, au terme d’une longue traque. Pendant une quinzaine d’années, pourtant activement recherché, ce fonctionnaire nazi avait échappé à la justice, bénéficiant de complicités et se faisant passer pour un certain Ricardo Klement. Grâce à l’obstination du procureur allemand Fritz Bauer, il avait finalement été repéré à Buenos Aires, séquestré, puis transporté jusqu’en Israël.
« Le Nuremberg du peuple juif »
Après avoir passé 316 jours au secret dans une prison spécialement aménagée dans le nord de l’État hébreux, il doit enfin répondre de ses actes. Les accusations portées contre lui sont nombreuses. Après la Conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, au cours de laquelle est mise en place la Solution finale, Adolf Eichmann coordonne les déportations de juifs d’Allemagne et d’Europe de l’Ouest, du Sud et de l’Est, vers les camps de mise à mort. Il dresse les plans de déportation jusque dans les moindres détails. Travaillant avec d’autres organismes allemands, il gère aussi la confiscation des biens des déportés. De 1942 à 1944, Adolf Eichmann devient ainsi « l’administrateur en chef du plus grand génocide de l’histoire », suivant la formule de son biographe David Cesarani.
À Jérusalem, en 1961, c’est la première fois depuis le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1946 qu’un important cadre nazi se retrouve devant des juges. C’est également la première fois que l’un d’entre eux est jugé en Israël. « C’est un procès particulier », note ainsi l’historienne Annette Wieviorka, auteure de « Eichmann, de la traque au procès » (ArchiPoche). « Le premier ministre israélien de l’époque David Ben Gourion a voulu en faire le Nuremberg du peuple juif. Le génocide avait beaucoup été évoqué à Nuremberg, mais il n’était alors que l’un des éléments de la criminalité nazie. Lors du procès Eichmann, il est au centre ».
Quinze ans après la fin du conflit, l’historiographie sur cette période n’en est encore qu’à ses balbutiements. En Israël, c’est encore le silence et la gêne qui règnent à l’évocation de la Shoah. Les rescapés ne suscitent que peu de compassion. « Il y avait une sorte de suspicion envers ceux qui avaient survécu, comme s’ils l’avaient fait au prix de choses immorales. Ils étaient même surnommés ‘les savons’ car à cette époque on pensait que les nazis en avaient fabriqué à partir de la graisse provenant de la crémation des corps. Ce qui était faux », décrit cette spécialiste de la Shoah.
L’avènement du témoin
Le moment est venu d’entendre les survivants. « Le procès a été conçu pour donner aux Israéliens d’abord, au monde ensuite, une leçon d’histoire », résume ainsi Annette Wieviorka. Face à Adolf Eichmann, 111 témoins se succèdent au fil des quatre mois et trois jours du procès. Les récits des victimes marquent les audiences, comme celui de la Biélorusse Rivka Yosselevska, qui décrit comment elle a réchappé d’une exécution par des Einsatzgruppen, les escadrons mobiles chargés d’exécuter les juifs. Elle raconte que sa fille Martha, âgée de huit ans, lui a demandé avant d’être emmenée par ses bourreaux : « Maman, pourquoi tu m’as mis mes habits du dimanche, puisque c’est pour nous tuer qu’ils nous emmènent ? ». Martha est abattue la première. Blessée à la tête, Rivka réussit à sortir de la fosse.
Un survivant du camp de Chelmno, en Pologne, décrit aussi comment il a été forcé à creuser des fosses après le gazage des juifs : « Je travaillais là depuis plusieurs jours déjà (…) lorsque sont arrivés tous les gens de la ville où j’habitais. (…) Il y avait là ma femme et mes deux enfants. (…) Je me suis couché à côté des corps de ma femme et de mes enfants et je voulais qu’on me tue. Un des SS s’est approché de moi et m’a dit : ‘Tu as encore des forces, tu peux continuer à travailler' ».
Pour Annette Wieviorka, cette libération de la parole lors du procès Eichmann marque « l’avènement du témoin » : « On considère que le témoin est à la fois porteur d’histoire et agent de mémoire. Alors que les survivants des camps et des ghettos étaient plutôt méprisés, ils retrouvent une dimension morale. Cela les réhabilite et cela inscrit vraiment la Shoah dans le code génétique israélien ».
« Ce n’était pas qu’un simple rouage »
Derrière sa cage de verre, écouteurs sur les oreilles avec la traduction, Adolf Eichmann reste impassible. S’il reconnaît avoir été « mêlé à des choses affreuses », il se retranche derrière les ordres reçus. « Les seuls responsables, ce sont mes chefs, ma seule faute a été mon obéissance », répète-t-il. Sa défense est simple. Ce fils de comptable, sans diplôme, commercial dans l’industrie jusqu’à ce qu’il intègre la SS en 1932, cherche à se montrer comme un simple exécutant.
Soixante ans plus tard, cette image d’un « bureaucrate de la mort » s’est imposée. « Cela montre une certaine naïveté de la part de tout le monde. On pense qu’un grand criminel, cela se voit et là on se retrouve avec un petit homme à lunettes en costume dans sa cage de verre qui a un tic de la bouche », analyse Annette Wieviorka. « Mais il ne faut pas se tromper, c’est un homme d’une incroyable pugnacité. Il se bat vraiment pied à pied pour essayer d’échapper à la mort. Finalement, il adopte la stratégie de défense que l’on retrouve chez ce type de criminel : ‘J’ai obéi aux ordres, ce n’est pas moi, je ne pouvais pas faire autrement' ».
Dans son livre, « Eichmann à Jérusalem », la philosophe Hannah Arendt conclut que le colonel SS n’a montré ni antisémitisme, ni troubles psychiques, n’agissant que pour faire carrière. Selon elle, il est la personnification de la « banalité du mal ». Pour l’historienne Annette Wieviorka, cette théorie est une véritable méprise : « Hannah Arendt s’est trompée sur sa personnalité. À l’époque, on ne connaissait rien sur lui. Depuis de nombreux livres ont montré qu’il n’était pas uniquement un criminel de bureau, mais qu’il était véritablement antisémite. Il a aussi fait preuve d’initiative dans l’organisation de la Solution finale ». « La banalité du mal est valable pour les conducteurs d’autobus, de train, pour ceux qui font les fiches, mais pas pour Eichmann, ce n’était pas qu’un simple rouage », insiste-t-elle.
Sept mois après l’ouverture du procès, le 11 décembre 1961, le tribunal se réunit pour énoncer son verdict. Devant une salle comble, le président Moshe Landau souligne qu' »Adolf Eichmann s’est rendu coupable de crimes terrifiants, différents de tous les crimes contre les particuliers et qu’il s’agissait en fait de l’extermination de tout un peuple ». « Pendant de longues années, il a appliqué ces ordres avec enthousiasme », précise aussi le tribunal. Quatre jours plus tard, il est condamné à mort. L’avocat du condamné, Robert Servatius, fait appel mais celui-ci est rejeté, le 29 mai 1962, par la Cour suprême.
Adolf Eichmann est pendu dans la nuit du 31 mai 1962 puis incinéré. Ses cendres sont dispersées hors des eaux territoriales d’Israël. « Son destin rejoint celui des condamnés à mort de Nuremberg », souligne Annette Wieviorka. « Les corps ne doivent laisser aucune trace ».
*Haïm Gouri, « La Cage de verre », Albin Michel, 1964
Source : France24.com