— Par Jean-Marie Nol, économiste. —
Le Coronavirus sème désormais le chaos partout dans le monde : Après la pluie, l’orage. Les Bourses européennes ainsi que Wall Street plongent dans le vide ces derniers jours . La Bourse de Paris a connu ces derniers jours la plus forte chute de son histoire à -12,28 %…
C’est vraiment abracadabrantesque, ce qui se passe avec le coronavirus et le ton de gravité de la dernière intervention du président Emmanuel Macron le démontre au delà du nécessaire . On a presque le sentiment de vivre un moment de guerre et pourtant, nombre d’entre nous en Martinique et Guadeloupe, continuons de croire qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe à vite oubliée .
Qui se trompe ? Vivons nous un principe de précaution exacerbé ou refusons nous de voir la réalité en face ? Seul l’avenir nous le dira, mais pour le moment, l’incertitude gagne et détruit l’économie à petit feu . Jour après jour, la crise sanitaire du Coronavirus se transforme et devient une crise financière et économique mondiale. Plus qu’un virus, la crise du coronavirus est une expérience de décroissance et de démondialisation accélérée. Plus rien ne sera comme avant et nul doute qu’il y aura une rupture dans la phase économique de l’après coronavirus.
L’intervention de Emmanuel Macron va bien en ce sens dans une remise en cause de l’ordre économique néo libérale… Extrait de l’intervention du président :
« Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile au grand jour les faiblesses de nos démocraties. »
Le mouvement est d’une violence incroyable que l’on doit pouvoir comparer à une entrée en guerre. Les frontières se referment, les personnes sont confinées et ne peuvent plus circuler librement, les avions sont cloués au sol, la croisière ne s’amuse plus et la panique gagne. le couvre-feu est imposé en Italie et maintenant dans plusieurs pays d’Europe et la France n’est pas épargnée avec la fermeture des bars, restaurants, commerces , on assiste à l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes et à la fermeture des écoles, collèges, lycées, universités et des crèches .
Bref, tout est en train de s’arrêter. Tout. Les conséquences pourraient bien être dévastatrices. Récemment Christine LAGARDE expliquait craindre une crise de l’ampleur de celle de la crise des sub prime de 2008 ; Comment ne pas lui donner raison ? Nous sommes dans une phase d’incertitude majeure dont nous ne sommes pas capable d’estimer les conséquences à court terme ou même à moyen terme pour l’économie de la Martinique et la Guadeloupe, mais ce qui est déjà sûr c’est que cette crise va conduire les entreprises à couper dans leurs investissements notamment dans le secteur du tourisme en Martinique et Guadeloupe . Les états sont déjà sur-endettés, et la France n’est pas en reste ; On ne va pas pouvoir mobiliser un budget de guerre sur la seule solvabilité des États. Les épargnants vont être mis plus tard à contribution de manière directe ou indirecte. La récession économique est d’ores et déjà programmée et l’on s’attend à une explosion des déficits budgétaires et des faillites d’entreprises en cascade. Ces facteurs présagent d’une chute brutale de l’activité économique qui va vraisemblablement entraîner à terme de nouvelles politiques d’austérités et à brève échéance une politique sociale a minima. Mais alors la question qui se pose désormais est de savoir que va-t-il se passer demain avec l’après coronavirus ?
Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et ne dépendra pas de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. A ce propos, on peut également citer Bertrand de Jouvenel qui écrivait : « À l’égard du passé, la volonté de l’homme est vaine, sa liberté nulle, son pouvoir inexistant (…). Le passé est le lieu des faits sur lesquels je ne puis rien, il est aussi du même coup le lieu des faits connaissables » (ce qui n’exclut pas qu’il donne lieu à plusieurs interprétations). Alors, au contraire, que « l’avenir est pour l’homme, en tant que sujet connaissant, domaine d’incertitude.
Alors pourquoi s’intéresser d’ores et déjà au monde de l’après coronavirus ?
Parce que demain, nous allons devoir faire face à une quadruple crise : sanitaire, économique, financière et sociétale . Il est évident que c’est la crise sanitaire qui va provoquer une crise financière et économique. Plus le temps passe, plus les conséquences seront néfastes pour l’économie réelle en Guadeloupe , les petits commerces, les restaurants et les TPE et PME. La crise sanitaire du Coronavirus pourrait rapidement se transformer en une crise économique profonde qui engendrera une mortalité importante de nos petites et moyennes entreprises en Martinique et en Guadeloupe . Si le volet sanitaire semble essentiellement être pris en compte par les autorités, le risque économique et financier doit être jugulé au plus vite, pour éviter que les efforts entrepris ces dernières années en termes de croissance économique et de baisse du chômage ne soient anéantis en quelques semaines. L’autre conséquence de la crise économique et financière sera l’enchaînement d’une crise sociétale.
En effet, voici venu avec le coronavirus le temps des immigrés indésirables.
Avec la crise mondiale du coronavirus , qui touche la France et l’Europe en plein , la xénophobie va bientôt se durcir. Les thématiques d’extrême droite vont se généraliser, dans une véritable clameur nationaliste. Déjà la propagation rapide du coronavirus, qui à ce jour a contaminé plus de 250.700 personnes dans au moins 118 pays, s’est accompagnée d’une déferlante de xénophobie envers la communauté chinoise en Asie et plus généralement les Asiatiques en Occident. Entre insultes et discriminations, la panique du virus a libéré un violent sentiment antichinois à travers le monde. La crise est d’abord sanitaire aujourd’hui mais demain sera financière et économique et sociale . Dans ce nouveau contexte, les faillites d’entreprises vont se multiplier et le chômage exploser. Ouvriers, employés, cadres, Commerçants, artisans et professions libérales accuseront les étrangers de concurrence déloyale et mèneront une campagne virulente pour obtenir le renvoi des immigrés chez eux. La protection de la loi n’y pourra rien y faire.
C’est pour cela que j’étais partisan de la survenance d’une thérapie de choc pour la Guadeloupe et la Martinique pour changer les mentalités et remettre tout à plat. Dans mes écrits, dès le début j’ai parlé de la vraie crise à venir, de choc et de catharsis, et bien voilà nous y sommes déjà aux prémices du phénomène. Alors quid de la réalité du débat politique de demain ?
La réponse est évidemment qu’on s’acheminera vers la décroissance et donc le detricotage des acquis sociaux. A ce propos, citons l’économiste et essayiste Jacques Attali, pour qui demain, on cessera d’acheter de façon frénétique des choses inutiles et en reviendra à l’essentiel, qui est de faire le meilleur usage de son temps sur cette planète, qu’on aura appris à reconnaître comme rare et précieux. Aussi, quand l’épidémie s’éloignera, verra-t-on naître, (après un moment de remise en cause très profonde de la surconsommation), une phase autoritaire pour tenter de maintenir les chaînes de pouvoir en place Si. Macron échoue, on pourrait voir se mettre en place en France non seulement un régime autoritaire de surveillance utilisant très efficacement les technologies de l’intelligence artificielle, mais aussi un régime autoritaire de répartition des ressources économiques et sociales . Autrement dit, le système d’autorité fondé sur la protection des droits individuels peut s’effondrer. Et avec lui, les deux mécanismes qu’il a mis en place : le marché et la démocratie. Le rôle des acteurs politiques est de faire en sorte que cette transition soit la plus douce possible, et non un champ de ruines pour la Guadeloupe et la Martinique. Plus vite on mettra en œuvre cette stratégie de rupture avec l’ancien monde, plus vite on sortira de ce maelström, et de la terrible crise économique et sociale qui s’en suivra, mais cela ne se fera pas sans conséquences, car on va forcément passer en quelques mois d’une autorité fondée sur la loi, à une autorité fondée sur le respect de la force…
Aléa jacta es !
Jean-Marie Nol, économiste