Maryse Condé emmène famille et amis à l’Élysée
— Par Christiane Makward —
Nous étions à l’Elysée lundi 2 mars pour la décoration de Maryse Condé par E. Macron qui nous a tous fait rire (Maryse la première) en exposant le paradoxe d’un « en même temps » vraiment inédit: un Président de la République Française qui décore « Grand Croix de l’Ordre National du Mérite » une indépendantiste guadeloupéenne qui a toujours dit (en froissant un peu quelques gauloi.e.s sensibles), qu’elle n’était PAS française mais bien guadeloupéenne, qu’elle n’écrivait PAS en français mais « en Maryse Condé » … Enfin le Président n’a pas dit exactement cela mais il a assuré que le rêve de l’honorée avait toujours été de brandir un passeport guadeloupéen en arrivant a Roissy … les rires furent très francs de tous côtés. Il a souligné quelle injustice elle avait subie en n’étant pas intégrée à l’université française et en n’ayant reçu aucun des prix littéraires majeurs français alors que son Nobel alternatif de 2018 était bel et bien une reconnaissance (par sondages et librairies interposés, ainsi que par les chiffres des tirages), que son Nobel alternatif, donc était bien celui du peuple des lecteurs. C’était magnifiquement tourné et sincère. Malheureusement Brigitte Macron m’a dit que le discours ne circulerait pas, mais « nous » lui avons par ailleurs précisé qu’il existait bien un pan moins connu de l’oeuvre, le théâtre, qui fut le terrain de jeu initial du couple présidentiel, comme chacun sait …Emmanuel Macron a donné un bel entretien sur Maryse Condé dans Le Point en ligne, qui inclut un bref extrait vidéo sur l’histoire du passeport imaginée par un Président charmeur charmé charmant.
Christiane Makward
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Emmanuel Macron : « Maryse Condé m’a appris l’Afrique »
— Par Valérie Marin La Meslée —
Le chef de l’État s’est confié au « Point », après avoir remis la grand-croix de l’ordre national du Mérite à l’écrivaine guadeloupéenne.
L’ambiance était quasi familiale ce lundi dans le salon de l’Élysée, entièrement dévolu à Maryse Condé et à ses invités, pour la remise de la grand-croix de l’ordre national du Mérite. Emmanuel Macron s’est d’abord entretenu avec l’écrivaine guadeloupéenne et son mari et traducteur Richard Philcox, venus de Gordes où ils résident, avant de prononcer un discours très senti. Le chef de l’État avait déjà félicité Maryse Condé pour son « Nobel du public », comme il a nommé le prix Nobel « alternatif » de littérature décerné en 2018. À la fin d’une cérémonie chaleureuse et décontractée, lors de laquelle son épouse Brigitte l’a rejoint, il nous a confié à quel point il appréciait l’œuvre et le parcours de Maryse Condé.
« Je l’ai connu quand j’étais jeune étudiant, je l’ai lue pour la première fois avant de partir au Nigeria, il y a vingt ans. C’était Ségou. Elle m’accompagne depuis des années, j’ai toujours été passionné par l’Afrique et elle fait partie des écrivains qui m’ont appris l’Afrique. Je suis bouleversé par les combats qu’elle a menés et surtout par cette espèce de fièvre qu’elle porte, d’indiscipline, de décalage permanent. Elle est l’une des voix de réconciliation de notre propre histoire, qui est un des sujets qui m’obsèdent. Je pense qu’un des trésors de notre nation, c’est cette histoire fracturée avec ses parts d’ombre absolument terribles, mais, si l’on arrive à la transcender, on peut en tirer quelque chose de profond. Maryse Condé participe de cela. C’est aussi pour cela que je faisais à la fin de mon discours ce lien entre l’indépendantisme et la République parce que je pense qu’il y a quelque chose de la vraie République au fond de son œuvre et de ses combats. « Elle n’a pas simplement suivi Césaire et Fanon, elle a ouvert les béances de son histoire familiale, elle est la seule vraiment à avoir mené ce combat en passant par l’Afrique, puis les États-Unis, elle a été complètement pionnière.
Et je trouve que, par la littérature, elle a montré cette quête d’identité qui n’est jamais finie. Et je pense que nous, nous nous sommes beaucoup perdus dans le sujet de l’identité, en faisant beaucoup d’erreurs. Non pas qu’il ne faille pas le poser, mais il ne faut pas le poser d’une manière figée. Maryse Condé, elle, a construit une identité narrative, elle l’a construite par la langue. Et je ne dis pas cela par fidélité à Ricœur, mais je crois que le fondement de l’identité française, c’est qu’elle est en construction et se fait par la langue et ses recherches. »
Entourée de ses enfants et petits-enfants, l’écrivaine, qui avait une allure de star de la musique, était émue derrière ses lunettes noires. Émue également de retrouver dans l’assemblée une complice de toujours en la personne de Christiane Yandé Diop, veuve du fondateur de la revue et des éditions Présence africaine, pour lesquelles Maryse Condé travailla un temps de sa vie, longue, difficile et d’une incroyable richesse, que racontent en filigrane ses romans et, « sans fards », ses livres autobiographiques.