Des sportifs de haut niveau, dont l’ancienne patineuse Nathalie Péchalat, Teddy Riner, Marie Martinod et Astrid Guyart s’engagent dans une tribune que nous publions pour que les violences sexuelles ne soient plus un tabou.
« Violences sexuelles : il est temps de donner de la voix ! »
Enfin, une première percée dans le mur du silence. Les révélations récentes d’agressions sexuelles subies par plusieurs jeunes sportifs font trembler le système et réveillent notre colère. Nous, athlètes français de haut niveau, nous nous sentons révoltés. Révoltés, mais malheureusement pas si étonnés que ça… Une fois dévoilée au grand jour, la vérité devient glaçante : le cas isolé devient multiple, les monstres omniprésents. Combien de victimes demeurent blotties dans la honte et la peur ? Combien auraient pu être évitées ?
Merci aux journalistes qui ont pris le temps de l’investigation, qui ont su d’abord croire les victimes pour mieux les écouter. Merci à ces athlètes dont les témoignages puissants montrent la force d’âme que le sport nous a appris à développer. Ils n’abîment pas l’image du sport, ils la font grandir.
Nous exprimons notre soutien et notre solidarité avec les victimes. En tant que membres de la commission des athlètes de haut niveau français, nous sommes chargés par nos pairs de défendre l’intérêt des athlètes olympiques français. Chaque sportif de haut niveau a d’abord été un enfant, un adolescent en pleine construction. Il a été entouré par une structure et formé par un éducateur à qui il a confié la clé de ses rêves. Si nous prenons la plume aujourd’hui, c’est que nous nous sentons responsables. Ce sont nos quêtes de médailles qui façonnent en partie les rêves de performance des plus jeunes et qui les conduisent à pousser la porte d’un club. Si, pour la majorité, le sport a été une formidable école de la vie avec des valeurs de partage, d’entraide, de soutien, de respect, pour d’autres, il y a surtout la souffrance et le silence.
Nous nous sentons aussi responsables, car il nous est tous arrivé d’avoir des doutes, des suspicions, des bribes d’informations… Le flagrant délit est rare et il n’est pas simple de savoir comment réagir face à une intuition ou une rumeur. Que peut-on dire ? Et à qui ? La compétition, c’est aussi la sélection. Or celle-ci ne dépend pas seulement de nos performances sportives. Elle dépend également de la volonté des sélectionneurs et des fédérations. Trop souvent, parler, c’est risquer son avenir. Alors, on rentre dans un système où même si l’on entend, on voit, on subit… on a pris l’habitude de se taire.
Nous ne pouvons plus nous taire ! Il est temps d’agir collectivement et de prendre conscience que briser le silence, c’est aussi servir le sport.
Nous souhaitons ainsi dire NON aux dirigeants, il ne s’agit pas d’étouffer des faits pour protéger une organisation, pour préserver l’image d’un club ou d’une fédération. NON aux entraîneurs, il ne s’agit pas de détourner le regard pour protéger vos collègues ou préserver votre emploi. NON aux institutions, il ne s’agit pas d’éviter la surenchère médiatique pour ne pas écorner l’image du sport. NON aux parents, il ne s’agit pas d’oublier pour continuer comme avant, pour que votre enfant accomplisse ce que vous projetez pour lui. Ces arguments, ces logiques, érigent les murs qui protègent les agresseurs. Il faut parler, le dire encore et encore.
OUI, nous athlètes de haut niveau, souhaitons que les choses changent. OUI, nous avons la responsabilité que d’autres témoignages ne sortent pas dans 20 ans. OUI, les personnes impliquées qui ont laissé le mal se répandre doivent assumer leur inaction. OUI, nous soutenons la ministre des Sports qui a su prendre des positions fortes et engager la lutte contre toutes formes de violences dans le milieu sportif.
Nous appelons à la création d’une cellule d’écoute des victimes, indépendante des fédérations et tenue de respecter l’anonymat le plus complet. Une cellule en capacité de saisir le ministère des Sports pour permettre le lancement d’enquêtes administratives et la saisine du procureur de la République.
Nous proposons que les casiers et les antécédents judiciaires des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs et de fédérations soient systématiquement contrôlés, par une cellule neutre, indépendante et dotée d’une capacité d’intervention.
Nous souhaitons l’adoption de mesures législatives permettant la révocation de tout individu, quel que soit son statut, impliqué dans une affaire de violences sexuelles. Et l’interdiction à vie d’exercer tous métiers au contact de la jeunesse, quel que soit le domaine, pour tous les agresseurs et les prédateurs sexuels avérés.
Nous demandons enfin la mise en place d’actions de formations, de sensibilisation et de prévention pour éduquer les enfants, adolescents, entraîneurs et managers dans toutes les structures sportives.
À tous ! Sportifs, parents, entraîneurs, managers, présidents de fédération, de ligue, de club, bénévoles, journalistes, médecins, politiques, victimes ou témoins, amoureux du sport, ne laissons pas le mur du silence se reconstruire !
Les membres de la Commission des athlètes de haut niveau du comité national olympique et sportif français composée de : Ophélie DAVID, Astrid GUYART, Marie MARTINOD et Nathalie PECHALAT (rédacteurs) Gwladys EPANGUE et Fabien GILOT (coprésidents) Joël ABATI, Valentin BELAUD, Sarah BENCHALI, Kevin BOULY, Matthieu BRELLE-ANDRADE, Gilles CHERDIEU, Margaux CHRETIEN, Souleymane CISSOKHO, Manuel CORNU, Paul-Henri DE LE RUE, Ladji DOUCOURE, Youna DUFOURNET, Gévrise EMANE, Emilie FER, Laurence FISCHER, Thibault GODEFROY, Tatiana GOLOVIN, Emilie GOMIS, Gauthier GRUMIER, Olivier GUILLON, Charlotte HYM, Ayodele IKUESAN, Anouck JAUBERT, Ludivine KREUTZ, Franck LAFITTE, Benjamin LANG, Jonathan LAUGEL, Laetitia LE CORGUILLE, Hélène LEFEBVRE, Christophe LEGOUT, Jérôme NEUVILLE, Valérie NICOLAS, Mélonin NOUMONVI, Vincent MILOU, Jérémy MONNIER, Sarah OURAHMOUNE, Matthieu PECHE, Carole PEON, Ingrid PETITJEAN, Hongyan PI, Florent PIETRUS, Delphine RACINET-REAU, Romain RIBOUD, Teddy RINER, Isabelle SEVERINO, David SMETANINE, Gaëtane THINEY et Jean-Charles VALLADONT
Source : LeParisien.fr