Du 30 janvier au 10 mai à la Fondation Cartier
La Fondation Cartier pour l’art contemporain présente la plus vaste exposition jamais consacrée à l’œuvre de la grande photographe brésilienne Claudia Andujar qui, depuis les années 1970, dédie sa vie à la photographie et à la défense des Yanomami, peuple amérindien parmi les plus importants de l’Amazonie brésilienne.
« Je suis liée aux Indiens, à la terre, à la lutte première. Tout cela me touche profondément. Tout me semble essentiel. Peut-être ai-je toujours cherché la réponse au sens de la vie dans ce noyau fondamental. J’ai été poussée là-bas, dans la forêt amazonienne, pour cette raison. C’était instinctif. C’est moi que je cherchais. »
Claudia Andujar
Fruit de plusieurs années de recherche dans les archives de la photographe, cette exposition, conçue par Thyago Nogueira pour l’Instituto Moreira Salles au Brésil, présente son œuvre à travers plus de 300 photographies en noir et blanc ou en couleur dont un grand nombre d’inédits, une installation audiovisuelle ainsi que des dessins réalisés par des artistes Yanomami et des documents historiques. Reflétant les deux versants indissociables de sa démarche, l’un esthétique, l’autre politique, elle révèle à la fois la contribution majeure de Claudia Andujar à l’art photographique et le rôle essentiel qu’elle joue en faveur de la défense des droits des Indiens Yanomami et de la forêt qu’ils habitent.
« Claudia Andujar est venue au Brésil, elle est passée par São Paulo, puis par Brasília et Boa Vista avant de parvenir jusqu’à la terre Yanomami. Elle est alors arrivée à la mission Catrimani. Elle a pensé à son projet, à ce qu’elle ferait, à ce qu’elle planterait. Comme on plante des bananiers, comme on plante des anacardiers. Elle portait les vêtements des Indiens, pour se lier d’amitié. Elle n’est pas Yanomami, mais c’est une véritable amie. Elle a pris des photographies des accouchements, des femmes, des enfants. Puis elle m’a appris à lutter, à défendre mon peuple, ma terre, ma langue, les coutumes, les fêtes, les danses, les chants et le chamanisme. Elle a été comme une mère pour moi, elle m’a expliqué les choses. Je ne savais pas lutter contre les politiciens, contre les non-amérindiens. C’est bien qu’elle m’ait donné un arc et une flèche non pas pour tuer des Blancs, mais l’arc et la flèche de la parole, de ma bouche et de ma voix pour défendre mon peuple Yanomami. Il est très important que vous regardiez son travail. Il y a beaucoup de photographies, beaucoup d’images de Yanomami qui sont morts, mais ces photographies sont importantes afin que vous connaissiez et respectiez mon peuple. Celui qui ne le connaît pas connaîtra ces images. Mon peuple est là, vous ne lui avez jamais rendu visite, mais l’image des Yanomami est ici. C’est important pour vous et pour moi, pour vos fils et vos filles, pour les jeunes, les enfants, pour apprendre à regarder et à respecter mon peuple Yanomami brésilien qui habite sur cette terre depuis si longtemps. »
Davi Kopenawa Yanomami
Une interprétation de la culture Yanomami
Née en 1931 à Neuchâtel, Claudia Andujar vit à São Paulo. Après une enfance en Transylvanie, elle rejoint la Suisse avec sa mère pendant la Seconde Guerre mondiale pour fuir les persécutions nazies en Europe de l’Est. Son père, juif hongrois, est déporté à Dachau où il est exterminé avec la plupart des membres de sa famille. Après la guerre, Claudia Andujar immigre aux États-Unis et s’installe définitivement en 1955 au Brésil, où elle entame une carrière de photojournaliste.
Elle rencontre pour la première fois les Indiens Yanomami en 1971, alors qu’elle participe à un reportage sur l’Amazonie pour le magazine Realidade. Fascinée, elle décide d’entreprendre un travail photographique approfondi sur le monde des Yanomami grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim. Son approche diffère nettement du style documentaire de ses contemporains. Les photographies prises à cette période montrent les diverses techniques qu’elle expérimente pour traduire ce qu’elle perçoit de l’expérience chamanique des Indiens Yanomami. En appliquant de la vaseline sur l’objectif de son appareil, en utilisant une pellicule infrarouge ou en jouant avec la lumière, elle crée des distorsions visuelles qui imprègnent ses images d’une certaine surréalité.
Claudia Andujar réalise également de nombreux portraits en noir et blanc à travers lesquels elle saisit la noblesse et l’humanité des Yanomami. Elle privilégie les plans resserrés de visages ou de fragments de corps, et crée des effets de clair-obscur pour instaurer un sentiment d’intimité et mettre en valeur avec empathie l’intériorité de ses sujets. Dans le même temps et afin de mieux comprendre leur culture, elle propose aux Yanomami de représenter eux-mêmes leur univers métaphysique en leur fournissant papier, stylos et feutres. Une sélection de ces dessins montrant des scènes mythologiques ou rituelles et des visions chamaniques est présentée dans l’exposition….
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