En 2018, les inégalités et le taux de pauvreté augmenteraient
— Par Flore Cornuet, Michaël Sicsic (division Études sociales, Insee) —
Selon la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation, les inégalités de niveau de vie augmenteraient en 2018 : l’indice de Gini augmenterait de 0,005 pour s’établir à 0,294 et le ratio entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes augmenterait de 0,1 pour s’établir à 4,4. Le rapport interdécile serait quasi stable à 3,5. La hausse des inégalités serait surtout liée à la forte augmentation des revenus des capitaux mobiliers désormais soumis au prélèvement forfaitaire unique, concentrés chez les plus aisés.
Le taux de pauvreté augmenterait de 0,6 point en 2018, pour atteindre 14,7 % de la population. Cette hausse s’expliquerait en partie par la diminution des allocations logement dans le parc HLM en 2018, les niveaux de vie n’intégrant pas la baisse de loyer équivalente. En neutralisant l’effet de la baisse des allocations logement dans le parc social, cette hausse serait plus modérée (+ 0,2 point).
Des indicateurs avancés grâce à la microsimulation
L’Insee publie le taux de pauvreté et les principaux indicateurs d’inégalités de niveau de vie relatifs à l’année N en septembre de l’année N+2. Pour évaluer plus rapidement la situation et l’efficacité des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités, il est utile de disposer d’indicateurs plus précoces.
L’Insee poursuit par conséquent son expérimentation, lancée en 2015, d’une méthode fondée sur la microsimulation afin de produire à l’automne N+1 des indicateurs avancés sur l’année N. La situation de l’année N est simulée à partir d’un échantillon représentatif de ménages de l’année N-1, des dernières données démographiques et économiques agrégées, ainsi que des barèmes de la législation sociale et fiscale.
Afin de s’approcher le plus possible des indicateurs de pauvreté et d’inégalités définitifs pour 2018 qui seront publiés en septembre 2020, les indicateurs avancés estimés ici adoptent la même définition qu’eux. Cette année, plusieurs réformes affectent le pouvoir d’achat des ménages sans être répercutées sur les niveaux de vie définitifs, tels qu’ils sont usuellement mesurés à partir des enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS, sources et méthodes). C’est le cas de la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), cet impôt n’étant pas intégré dans les ERFS pour des contraintes de disponibilité de données. Le chèque énergie mis en place en 2018 ne rentre quant à lui pas dans le contour du revenu disponible, car c’est une prestation affectée. La hausse des taxes sur les produits pétroliers et sur le tabac affecte les prix à la consommation des ménages mais n’a pas d’incidence directe sur la mesure de leur revenu disponible. Enfin, en 2018, les loyers dans le parc social ont été réduits et accompagnés d’une baisse des allocations logement. Seule la réduction des allocations logement affecte les indicateurs d’inégalités de niveau de vie car elle constitue une baisse des revenus, tandis que la baisse des loyers concerne les dépenses. Or ces deux mesures se compensent pour les ménages concernés. Un chiffrage complémentaire des indicateurs de pauvreté et d’inégalité neutralisant la baisse des allocations logement est donc proposé ici.
En 2018, les inégalités et le taux de pauvreté augmenteraient
En 2018, selon la méthode d’estimation avancée basée sur la microsimulation (sources et méthodes), les inégalités augmenteraient. L’indice de Gini augmenterait de 0,005, pour s’établir à 0,294 (figure 1). Ce serait la plus forte hausse depuis 2010, mais le niveau de 2018 resterait en dessous du pic atteint en 2011. Le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes (ratio (100-S80)/S20) augmenterait légèrement, de 0,1 point, pour s’établir à 4,4 (après une quasi-stabilité depuis 2013). À l’inverse, le rapport interdécile D9/D1, indicateur moins sensible aux extrémités de la distribution, resterait quasi stable (3,5 en 2018).
Selon cette même méthode de microsimulation, le taux de pauvreté monétaire augmenterait de 0,6 point, pour s’établir à 14,7 % de la population. Ce taux de pauvreté est calculé par rapport au seuil fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian. En 2018, 9,3 millions de personnes seraient ainsi en situation de pauvreté monétaire. Le taux de pauvreté calculé à partir d’un seuil fixé à 50 % du niveau de vie médian augmenterait plus faiblement (+ 0,2 point). Ces estimations tiennent compte de la baisse des allocations logement dans le parc HLM en 2018, mais pas de la réduction de loyer de solidarité destinée à la compenser, qui n’entre pas, par définition, dans la mesure des niveaux de vie. Sans prendre en compte cette baisse des allocations logement, la hausse du taux de pauvreté au seuil de 60 % serait plus modérée (+ 0,2 point en 2018, figure 1) et 9,1 millions de personnes seraient en situation de pauvreté monétaire.