— Par Victor Hache —
Musicien et compositeur épris de liberté, le trompettiste Franco-Libanais Ibrahim Maalouf aime tous les styles, jazz, rock, pop, musiques orientales, latines… Il revient aujourd’hui avec l’excellent « S3NS », son 11ème opus. Un album dansant et festif gorgé de cuivres et d’ambiances cubaines et caribéennes enregistré avec quinze musiciens, qu’il dévoilera à l’Olympia lors de trois concerts exceptionnels les 23, 24 et 25 septembre, puis en tournée dans toute la France jusqu’en décembre.
Depuis ses débuts en 2007 et son premier disque « Diasporas », Ibrahim Maalouf a toujours été ouvert aux aventures musicales. Le trompettiste de jazz Franco-Libanais le prouve une nouvelle fois aujourd’hui avec la sortie de l’excellent « S3NS ». Un album aux influences cubaines et caribéennes pour lequel il s’est entouré de quinze musiciens de talent, dont trois pianistes virtuoses de la nouvelle génération cubaine, Harold Lopez Nussa, Alfredo Rodriguez et Roberto Fonseca, ainsi que du saxophoniste Irving Acaoe et de la violoniste et chanteuse Yillian Cañizares. Résultat, un répertoire aux musiques métissées mêlé de jazz, rock, pop et d’ambiances latines avec une section de cuivres aux tempos syncopés qui sonne incroyablement bien. Le tout composé par Ibrahim Maalouf, musicien plus que jamais épris de liberté. La promesse d’un live festif et dansant à l’Olympia à Paris, où il sera du 23 au 25 septembre pour trois live exceptionnels en compagnie d’invités. Puis, il enchaînera avec une série de Zénith dans toute la France avant de se produire à la Seine Musicale le 15 décembre.
Vous ne nous aviez pas habitués aux ambiances caribéennes. Comment expliquez-vous ces influences qui traversent votre album?
Ibrahim Maalouf : En fait je n’ai jamais voulu parler de ces influences. A partir du moment où vous êtes étiqueté « musicien de jazz d’origine arabe », c’est difficile de sortir des boites. Et pourtant, je suis plutôt libre dans mon travail. Je n’ai jamais été bloqué par ces étiquettes, mais malgré tout, je gardais ça un peu dans un coin. C’est ma vie perso. Je vis avec l’Amérique du Sud depuis plus de vingt ans. J’ai une sœur qui est moitié Libanaise, moitié Chilienne, dans ma famille tout le monde parle espagnol… Il y a toujours eu cela chez moi, même si je l’ai très peu évoqué, comme dans mon troisième album « Diagnostic », où il y a u morceau « Maeva In Wonderland » que j’ai écrit pour ma petite sœur. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas le sentiment que j’étais légitime pour aller dans cet univers. Je crois que toutes mes rencontres artistiques m’ont permis d’évoluer. Il y a vingt ans, j’ai fait un album avec le chanteur Ángel Parra, le fils de la grande poétesse chilienne Violetta Parra. La personne qui m’a mis le pied à l’étrier est Lhasa de Sela, la chanteuse mexicano-américaine. On a fait une tournée au Brésil qui était incroyable. Je rencontre tout le temps des musiciens cubains, des artistes qui sont dans cet environnement-là. A un moment donné, je me suis dit « si tous ces gens apprécient mon travail et le fait que je collabore avec eux, c’est que je suis plutôt légitime ». Aujourd’hui, j’ai moins peur de revendiquer cette appartenance.
On vous sent vraiment bien dans ces sonorités-là…
Ibrahim Maalouf : En fait, j’ai mélangé ma couleur avec ces sonorités. Il y a un peu de tout ce que j’aime, quelque chose d’urbain, de disco, de classique ou rock parfois. Cela va dans le sens de tout ce que j’ai toujours fait. Aller dans différents courants musicaux, c’est mal vu parfois. Un peu comme quelqu’un qui serait acteur et qui voudrait faire un album, on regarde ça avec un œil critique. Il y a toujours ce truc-là, dès qu’on sort du cadre qu’on nous a imposé. Moi, je n’ai jamais dit que j’étais un musicien de jazz oriental. L’important, c’est de partager mes passions musicales. Je ne cherche plus trop la complexité ou la virtuosité dans ma musique, mais l’authenticité. L’essentiel, c’est qu’elle soit vraie et parle aux gens qui écoutent, que ça leur révèle quelque chose, que ça les bouleverse si possible autant qu’elle me bouleverse quand je la compose. C’est mon 11ème album. Chaque disque, c’est trois ou quatre ans de ma vie, c’est un peu comme la bande originale de mon quotidien. Créer une musique authentique et sincère, c’est ça qui m’intéresse plus que l’aspect performance. J’ai fait mes preuves quand j’étais plus jeune au travers des concours internationaux, que j’ai gagnés. Je me suis fait connaitre comme ça. Après, stop, je n’ai pas envie toute ma vie de chercher la performance et d’oublier l’essentiel.
On a l’impression que vous n’avez jamais composé de musiques aussi dansantes…
Ibrahim Maalouf : Il y a quelque chose d’un peu plus festif, qui correspond à mon état d’esprit en ce moment. Je ressens le besoin d’être plus vivant, sûrement parce qu’en ce moment je m’épanouis beaucoup, artistiquement, dans la vie… J’ai l’impression que l’âge (39 ans) me fait du bien ! (rires). Je suis plus heureux.
Y a-t-il un style où vous vous sentez plus à l’aise ?
Ibrahim Maalouf : Je n’ai jamais vu la musique comme une question de style. Je vois des gens qui communiquent leurs émotions à travers une mélodie, une orchestration, de la danse, des rythmes et partagent quelque chose. Je ne vois pas la différence de style. Enfant, j’étais ouvert à tout. Quand on me parle de hip hop, j’entends du jazz en fait. Dans le jazz, parfois j’entends de la musique classique, qui elle-même peut sonner comme du rock ou de la pop ! « Bohemian Rhapsody »de Queen, c’est du classique, Quincy Jones qui bosse avec Michael Jackson sur « Bad », pour moi c’est du jazz, comme le R&B d’aujourd’hui est de la musique africaine à mes yeux. Toutes ces frontières, elles n’existent que parce que les gens veulent les faire exister.
Vous avez découvert la trompette très jeune, votre père étant lui-même trompettiste. Qu’est-ce qui vous attire dans cet instrument ?
Ibrahim Maalouf : Je dis souvent que je jouais de la trompette par automatisme, parce que mon père est trompettiste. J’ai commencé à être fasciné par cet instrument et à le comprendre très tard, vers l’âge de 22 ou 23 ans, alors que cela faisait plus de 15 ans que j’en jouais. Au-delà d’être complexe, c’est un instrument qui met longtemps à être cerné. Il est très mal utilisé en général et il mérite bien plus d’attention que ce qu’on lui accorde. On peut tout jouer avec la trompette, ce qui n’est pas valable pour d’autres instruments musicaux. Il y autant de douceur que dans la voix humaine, mais aussi beaucoup plus de puissance avec une dynamique complètement folle. Ce qui fait que le jeu en groupe est assez impressionnant.
Quel musicien admirez-vous ?
Ibrahim Maalouf : Il y en a plein ! Mais je dirais Quincy Jones, un musicien extraordinaire, qui a été trompettiste de jazz pendant quelques années. Il a surtout mis à profit sa connaissance de l’instrument pour arranger les musiques des autres, pour produire des musiques incroyables. C’est un de mes grands exemples en termes de musique, clairement. Et le fait aujourd’hui, d’être un peu sous son aile et d’être une sorte de poulain de Quincy, c’est comme un rêve qui est devenu réalité. Il est venu m’écouter à Montreux, il a aimé mon concert. J’ai rencontré ensuite les personnes qui travaillent pour sa boite de production. Il m’a invité plusieurs fois à jouer, à son anniversaire, à Bercy, à Montreux. Il me met en valeur, c’est une chance incroyable !