— Par Pierre Sautreuil avec l’AFP —
Le gouvernement soumet aujourd’hui à consultation un projet de décret fixant à 5 ou 10 mètres, selon les cultures, la distance minimale entre les habitations et les zones d’épandage de produits phytosanitaires. Mais d’où viennent ces chiffres?
L’annonce a fait bondir les écologistes, mais Élisabeth Borne l’assure: «ces distances ne sortent pas d’un chapeau». D’après la ministre de la transition écologique, le projet de décret proposant des distances de protection de 5 à 10 mètres s’appuie sur des recommandations formulées en juin 2019 l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) un organisme scientifique rattaché au ministère de l’Agriculture.
● Que contient ce rapport?
Dans son avis rendu le 14 juin, l’agence recommandait la mise en place de «distances de sécurité» allant de 3 mètres pour les grandes cultures à 10 mètres pour les vergers et vignes. Ces distances de sécurité peuvent être «supérieures, par mesure de précaution en particulier pour les produits classés cancérogènes, mutagène ou toxique pour la reproduction», précise l’Anses.
L’agence recommande aussi «la généralisation des dispositifs limitant la dérive» des pesticides. Elle insiste aussi sur «l’importance des programmes de formation des agriculteurs aux bonnes pratiques». Concernant les «autres dispositifs susceptibles d’atténuer les expositions» aux pesticides, comme des haies, l’Anses tient à rappeler qu’aucune méthodologie validée ne permet de les prendre en compte dans l’évaluation des risques.
● Quels dispositifs existent déjà?
Une loi de 2014 réglemente l’utilisation des pesticides à proximité des espaces sensibles, comme des lieux fréquentés par des enfants, des hôpitaux ou des EHPAD. L’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de ces lieux est subordonnée à des mesures de protection telles que des haies, des équipements pour le traitement, ou le respect de dates et horaires de traitement, rappelle l’Anses. Des associations écologistes dénoncent cependant l’inefficacité de ces mesures.
● Et ailleurs?
La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne a souligné qu’une minorité de pays seulement avaient adopté des mesures du même ordre. Dans trois pays étudiés par l’Anses, les mesures de protection reposent principalement sur des distances de sécurité allant de 2,50 à 50 mètres, sur l’utilisation de dispositifs antidérive, et l’interdiction de l’épandage au-delà d’une certaine vitesse du vent (20 km/h en Wallonie).
La Slovénie a instauré en 2014 des distances de sécurité allant de 2,50 mètres à 20 mètres. Les autorités y recommandent également des haies protectrices de même hauteur que les cultures. En Wallonie, il est interdit de pulvériser des pesticides «à moins de 50 mètres des bords de toute parcelle jouxtant une cour de récréation, un internat, une école ou une crèche, durant les heures de fréquentation de ceux-ci». En Allemagne, les produits phytosanitaires sont évalués pour une pulvérisation à deux mètres de zones habitées pour des cultures basses et cinq mètres pour des cultures hautes.
● D’autres études en cours
L’Anses précise dans son avis que l’évaluation de l’exposition des personnes présentes et des résidents «repose sur des données limitées issues d’études effectuées dans les années 1980» et des données de l’Agence américaine de protection de l’environnement.
À ce titre, la méthodologie d’évaluation des risques est en cours d’actualisation, sous le pilotage de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. «La finalisation de ces travaux est prévue pour 2021», souligne l’Anses. «Sur la base de ces travaux et de nouvelles données, une nouvelle saisine de l’Anses pourra être considérée».
Source : LeFigaro.fr