Éditorial du « Monde ». En renonçant à la mise à jour des principes d’évaluation des risques des pesticides, la Commission européenne participe à la dégradation dramatique de l’environnement mais aussi à la démonétisation de la parole politique.
Depuis un quart de siècle, en France et ailleurs, les apiculteurs alertent la société et les pouvoirs publics sur l’état dégradé de l’environnement et son impact sur la crise que traverse la filière apicole, minée par des mortalités anormales d’abeilles. A ces alertes succèdent depuis quelques années celles de biologistes de la conservation, qui notent le déclin abrupt, particulièrement marqué depuis les années 1990, de l’abondance et de la diversité des insectes et des invertébrés dans les campagnes d’Europe occidentale.
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Cet effondrement n’a rien d’anecdotique. Il menace à terme le maintien de certaines activités agricoles et fragilise toute la chaîne alimentaire des écosystèmes terrestres. Déjà, en mars 2018, le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle avaient provoqué un émoi national en annonçant que 30 % des populations d’oiseaux des champs avaient disparu, en France, en à peine quinze ans. Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique et solidaire, faisait quelques jours plus tard une allocution retentissante devant l’Assemblée nationale, confiant aux parlementaires sa « honte » devant une telle situation, décrite par les chercheurs du CNRS et du Muséum comme une « catastrophe écologique » en cours.
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Malgré cette prise de conscience, qui traverse l’échiquier politique en France et s’impose dans le débat au niveau international, aucune mesure digne de ce nom n’est prise à l’échelon européen pour endiguer l’érosion du vivant. Les leviers sont pourtant connus. En 2003, un groupe d’experts mandatés par le ministère de l’agriculture français faisait, le premier, le constat de l’incapacité des tests réglementaires à évaluer les risques environnementaux présentés par les nouvelles générations de pesticides sur les abeilles et le reste de l’entomofaune. On attend toujours la réforme de ce système…