— Par Jean-Marie Nol, économiste —
62%, c’est le pourcentage des actifs âgées de 15 à 29 ans qui déclarent être insatisfaits de leur situation, seraient prêts à quitter la Guadeloupe et la Martinique pour un emploi ou une formation qualifiante.
(Source INSEE)
Comment transmettre aux jeunes d’aujourd’hui , le sens du pays et l’amour de la « valeur-travail » dans le contexte déprimé du modéle sociétal de la Guadeloupe et la Martinique ? La question ne hante pas seulement les ainés qui voient impuissants les jeunes partir du pays sans espoir de retour . Elle résonne aujourd’hui dans toutes les écoles, les entreprises , les administrations , et mobilise aussi bien les enseignants que les parents , les patrons et les politiques. Pourtant, les réponses qui lui sont données laissent parfois songeur.
D’abord, parce qu’elles ne mettent en général l’accent que sur le discours, les adultes semblant croire que les « bonnes paroles » peuvent suffire à convaincre un enfant : « Si tu ne travailles pas, tu n’arriveras à rien. »
Ensuite, parce que cette « morale de l’effort » ainsi enseignée, efficace sans doute au temps des débuts de la départementalisation dans les années 50/60, se révèle aujourd’hui (même si elle est juste) sans grand effet sur toute une partie de la jeunesse . travailler au pays, suppose donc que l’on soit capable de penser, d’imaginer, de désirer et de faire. Et cela, dans la durée, car il faut être capable aussi de soutenir un effort. Est-ce donné à tout le monde ? A l’évidence, non. A cet égard, on constate, en guadeloupe comme en Martinique , que la capacité à faire et à penser seul semble, chez certains jeunes , inexistante. Prisonniers d’un tel carcan, ils ne peuvent, en effet, ni acquérir le sens de l’effort ni faire l’expérience du travail . Ils ne connaissent ni le plaisir pris à faire les choses ni celui de la réussite.
Sur quoi donc, dans ce cas, s’appuyer ?
Au final, si certains jeunes Antillais d’aujourd’hui trouvent qu’ils sont une « génération sacrifiée »et qu’ils n’ont d’autres choix que l’exil , c’est peut-être aussi, en partie, de la faute du politique mais également des chefs d’entreprises …La situation économique est compliquée, la fracture sociale étant bien plus grande qu’en France :
Les jeunes Antillais vivent aussi dans la crainte du lendemain . Crainte parce que nous ne voyons pas très clairement l’issue de la crise démographique actuelle .
Plus qu’une crise démographique , il me semble que les jeunes Antillais vivent et surtout pâtissent d’une crise sociétale récurrente depuis plusieurs années
L’expatriation , celle des étudiants et des professionnels, est une des solutions pour lutter contre le chômage et le pessimisme ambiant en guadeloupe et Martinique . Mais, au-delà, pour réussir pleinement et durablement, nous devons aussi changer notre état d’esprit.
D’abord celui qui consiste à ternir l’image de certains métiers, voire de secteurs entiers laissés aux étrangers , en raison de leur pénibilité ou de leur dangerosité, à l’origine d’une crise des vocations et de la pénurie actuelle. Il en va ainsi de l’agriculture , du BTP, de la restauration, ou encore des métiers dans les filières artisannales . De nombreux jeunes sont plus soucieux de leurs sacro-saint loisirs que de l’intérêt du travail. Plus personne, en clair, ne veut mettre ses mains dans le cambouis… J’y vois le symptôme de pays malades de l’assistanat et d’un confort artificiel . Il fut un temps, celui des Trente Glorieuses par exemple, où avoir un travail suffisait au bonheur, où l’on ne craignait pas de se retrousser les manches….. Cette nouvelle donne provoque mécaniquement une crise en matière d’attractivité des territoire de la Guadeloupe et la Martinique : 78% des guadeloupéens et 73%des martiniquais travaillant en France hexagonale ne veulent pas revenir vivre en Guadeloupe et Martinique.
Ils attendent avant tout un changement de mentalité dans leur pays d’origine …Trop de violences , de grèves et de conflits en tout genre…
Est-ce un effet de la crise sanitaire et sécuritaire qui secoue les départements français d’Amérique qui doivent faire face à des problèmes cruciaux dans les années à venir? En tout cas, les guadeloupéens et Martiniquais qui se sont installés en France ou à l’étranger ont de moins en moins envie de rentrer au pays, selon une étude réalisée par Mondissimo.
Et le résultat est détonnant: Plus de sept personnes interrogées sur dix envisagent de ne jamais revenir en Guadeloupe ou en Martinique pour y travailler ou y vivre la retraite !
D’après Mondissimo, ils sont de plus en plus heureux de leur sort en France hexagonale . En tout, 74% se disent très satisfaits contre 61% il y a sept ans et 60% plutôt satisfaits. Une tendance qui se renforce chaque année depuis la crise sociale de 2009 .
82% souhaitent un changement de mentalité
Et pour 82%, seul un changement de mentalité pourrait inciter les guadeloupéens et Martiniquais à revenir. «Quand on voit la Guadeloupe aujourd’hui,avec la gabegie ambiante des coupures d’eau à répétition et la faillite du CHU , on n’a pas envie de rentrer.
Autre phénomène, depuis 2009 , les Antillais de la diaspora rentrent de moins en moins souvent en vacances en Guadeloupe et Martinique . Désormais moins d’un tiers ne rentrent dans leur pays d’origine qu’une seule fois tous les trois ans … «Un effet de la crise sociale et sanitaire assurément!», estime l’étude. En effet, certains ne sont pas immunisés contre le désordre qui règne en Guadeloupe et Martinique dans beaucoup de secteurs d’activités . Fini le temps où les retraités revenaient au pays après avoir pris soin de construire une maison pour la retraite.
Un retour souvent difficile socialement ; retrouver sa culture, ses marques, sa famille, ses amis prend du temps et cette difficulté de réadaptation à vivre au pays est accentuée par beaucoup d’ennuis causés par la mentalité passéiste et la vie chère aux Antilles …
Jean marie Nol- économiste-