Déclaration de l’UPLG au congrès des élus de la guadeloupe
Madame la Présidente du Conseil départemental, Présidente du Congrès,
Monsieur le Président de la Région Guadeloupe,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, messieurs de la société civile,
Mes chers Compatriotes
Je voudrais en tout premier lieu vous remercier de nous avoir associé à ce débat qui concerne l’avenir de la Guadeloupe.
Nous y participons avec l’espoir que cette fois nous réussirons à aborder les vrais problèmes qui concernent ce pays qui nous est cher à tous. Ce n’est pas peu que de pouvoir échanger sur les questions qui nous préoccupent et sur lesquelles nos institutions actuelles montrent leurs limites quand ce n’est pas leur défaillance pour y porter solution.
Bien évidemment, l’UPLG a son analyse de la société guadeloupéenne, des relations avec la France et sa vision de l’avenir qui n’est pas partagée par tout le monde. Toutefois ,cela ne doit pas nous empêcher de discuter avec d’autres guadeloupéens et de rechercher quand il le faut le consensus le plus large pour faire avancer le pays. Vraiment nous ne l’avons jamais caché. Nous recherchons l’unité nationale pour gagner chaque fois qu’il est possible des pans de souveraineté.
Nous restons persuadés que quel que soit le temps que prendront les hésitations, un jour , le peuple guadeloupéen et ses élus devront faire face à notre destin de peuple.
Depuis 73 ans la Guadeloupe tente de sortir d’un système colonial qui n’en finit pas de nous marginaliser ; parce que l’état français qui prétendait avoir pour mission de nous accompagner pour régler cette question nous a entraîné, avec la complicité d’une partie de la classe politique dans une voie sans issue.
Pourtant, des Guadeloupéens clairvoyants, dès les premiers pas de l’assimilation, ont tiré la sonnette d’alarme et proposé de changer de cap.
Je veux parler de Paul Valentino qui avait montré tous les dangers de l’affaiblissement du pouvoir local. Je veux aussi parler des étudiants guadeloupéens qui dès 1956 avaient posé le principe de reconstruire la relation avec la France en prenant en considération la personnalité guadeloupéenne.
Cela a été le cas, avec les conclusions du colloque de la revue Guadeloupéenne qui avait rassemblé le 4 mai 1958 au cinéma La Renaissance toutes les acteurs économiques, sociaux, religieux et politiques.
Ce fut aussi le cas les 21 et 22 avril 1961 avec le Congrès du Front Antillo-Guyanais à l’initiative d’Albert Béville, Edouard Glissant, Marcel Manville et Marie-Joseph.
Il faut constater que nous n’avions pas suffisamment pris en compte que la France n’est rien sans ses colonies et qu’elle ferait toujours tout pour ne jamais rien lâcher. Elle est toujours dans la même logique coloniale depuis 1635.
Ainsi donc, à épisode régulier, la question de la gouvernance revient dans le débat.
Elle revient parce que dans le système actuel, notre économie, nos valeurs sociales et morales, notre culture et notre identité s’effondrent doucement mais surement.
Elle revient parce que le système qui nous est imposé est un système qui nous place en position d’infériorité par rapport à une métropole et une soumission à une civilisation qui méconnait nos droits et souvent notre humanité.
Elle revient parce que les contentieux liés à l’esclavage et à la colonisation n’ont jamais été abordés et continuent à hanter le peuple guadeloupéen dans son exigence de réparation.
Elle revient parce qu’on ne peut pas être homme et exister par nous-mêmes dans la peau d’un autre comme l’avait bien démontré Frantz Fanon.
Après 73 ans de départementalisation, avec tous les aménagements possibles, tout notre système de production s’est effondré. Tout le patrimoine accumulé par les Guadeloupéens s’est envolé. Tout ce qui fait notre culture et notre identité est menacé d’extinction. Nous sommes de moins en moins propriétaires de notre terre. Le pays Guadeloupe ne peut plus nourrir ses enfants et doit les voir s’exiler pour chercher la vie ailleurs cependant que d’autres peuvent prétendre à des places de choix chez nous. L’importation massive des déchets de la production européenne a conduit inexorablement à la disparition de toute production dans le pays. Le déversement de produits alimentaires, qui n’ont d’alimentaire que le nom, empoisonne toute notre population et provoque le développement de maladies chroniques telles le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité, tout en modifiant nos habitudes alimentaires.
Qu’est-ce qui rend de telles dérives possibles, si ce n’est le caractère colonial de notre économie et l’organisation administrative mise en place par le pouvoir français. La France, dans son projet de mainmise totale, politique, administrative et judiciaire, culturelle ne fait confiance à aucun Guadeloupéen. Dans sa conception de sa relation avec nous, le Guadeloupéen doit être un larbin, un domestique.
Et hélas beaucoup de nos élus, souvent, se complaisent dans le confort du larbinisme, dans l’agenouillement et la génuflexion devant les ministres-touristes de passage, devant le préfet, gouverneur omnipotent, devant les fonctionnaires des services déconcentrés de l’état français, qui ne montrent que mépris, arrogance et condescendance à notre égard, et nous ne savons pas faire front.
Comment pouvons-nous encore accepter l’arrogance et le mépris d’un préfet de passage qui n’est présent sur notre territoire que pour rabaisser les Guadeloupéens et leurs élus ?
Comment pouvons-nous accepter la politique d’un gouvernement qui laisse mourir les Guadeloupéens faute de soins dans un hôpital à l’agonie ?
Comment pouvons-nous accepter l’empoisonnement au chlordécone avec l’autorisation de ce même Etat colonial et la complicité de propriétaires fonciers sans vergogne ?
Comment pouvons-nous accepter qu’un gouvernement supprime tous les avantages dont bénéficiaient certains professionnels ou encore les contribuables guadeloupéens, suppression des 30 % d’abattement DOM, suppression des zones franches urbaines de PAP et de Basse-Terre ?
Comment pouvons-nous accepter de vivre sans eau, sans travail, sans une éducation à la hauteur, sans protection, sans service de santé digne de ce nom alors que le premier responsable de tous nos maux se défausse devant son devoir ?
Le temps de la responsabilité est venu. La Guadeloupe doit sortir définitivement du carcan colonial et les Guadeloupéens, doivent faire le choix clair d’assumer leur responsabilité de peuple. C’est le projet de l’UPLG depuis toujours. Nous croyons sincèrement que l’archipel Guadeloupe a vocation à assumer pleinement son destin. En d’autres termes, nous restons convaincus que l’Indépendance est la solution définitive. Mais l’Indépendance se construit avec le peuple.
A l’occasion de ce congrès, l’UPLG appelle les élus et toute la classe politique guadeloupéenne à l’unité et à l’esprit d’audace pour prendre nos problèmes à bras le corps et engager la Guadeloupe et les Guadeloupéens dans une démarche déterminée vers la responsabilité et la souveraineté.
Dans ce monde capitaliste où le libéralisme débridé piétine les Hommes et les sociétés, ce qui commande les relations internationales et dans notre cas, entre la métropole et sa colonie, c’est l’intérêt. Les intérêts guadeloupéens d’abord. Les injustices qu’on nous impose dépassent aujourd’hui toute mesure. A chaque occasion où nous nous sentirons lésés, le peuple guadeloupéen répondra avec toute la rigueur nécessaire. Nous l’avons vu à St François. Un seuil est franchi et les Guadeloupéens n’accepteront plus l’inacceptable. Les forces sociales et leurs syndicats l’ont compris et ont réagi en tant que tels. La classe politique guadeloupéenne sera-t-elle insensible et fuira-t-elle ses responsabilités. Le temps des jé bésé et des masko est terminé.
Nous, à l’UPLG, nous continuons encore à croire en notre sens commun et à notre destin. En quelques occasions, nous avons pu voir le courage politique de certains face à l’Etat : cela a été le cas de la présidente de la communauté de commune de Marie-Galante et des 2 autres maires de l’île dans la défense de leur projet et du refus de l’importation de bois voulu par l’Etat et ses comparses pour une centrale électrique couplée à la sucrerie de Fol-anse. Leur résistance a eu raison de l’appétit de gains de certains. Nous en sommes fiers.
Nous espérons sincèrement que ce Congrès peut être l’amorce d’un renouveau. Il ne doit pas être connecté à la réforme constitutionnelle de la France. Il doit être le Congrès de la Guadeloupe pour la Guadeloupe. La Nation guadeloupéenne n’a pas besoin de différenciation mais de décolonisation. Nous souhaitons que vous puissiez vous engager dans une vraie démarche vers l’accession à plus de responsabilité, au service de la Guadeloupe donc de nous-mêmes.
Je vous remercie.
Gaston SAMUT